Traitements administrés à une enfant

Décision de justice
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Le Conseil d’État se prononce sur une décision médicale d’arrêter les traitements administrés à une enfant se trouvant dans un état végétatif persistant

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L’essentiel :

•    Par une décision du 21 juillet 2017, le médecin responsable du service d’anesthésie-réanimation pédiatrique du CHRU de Nancy a décidé, après avoir mis en œuvre la procédure collégiale prévue par la loi du 2 février 2016 dite Claeys-Léonetti, l’arrêt des traitements de suppléance des fonctions vitales administrés à une enfant en raison du caractère végétatif dans lequel elle se trouve et de l’absence de possibilité d’amélioration de son état de santé ou de guérison.

•    Contestant cette décision au nom notamment du droit au respect de la vie, les parents de l’enfant ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nancy de suspendre cette décision. Au vu des résultats de l’expertise médicale qu’il avait ordonnée préalablement à sa décision, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy, statuant en formation collégiale de trois juges, a rejeté la demande des parents. Les parents ont alors fait appel de cette ordonnance devant le Conseil d’État.

•    Par la décision de ce jour, le juge des référés du Conseil d’État, statuant également en formation collégiale de trois juges, a estimé que la décision médicale du 21 juillet 2017 répond aux exigences prévues par la loi et il a en conséquence rejeté l’appel des parents contre l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Nancy. Il appartient donc désormais au médecin en charge de l’enfant d’apprécier si et dans quel délai la décision d’arrêt de traitement doit être exécutée.

Les faits et la procédure :

Dans la matinée du 22 juin 2017, une adolescente de 14 ans, qui souffrait d’une myasthénie auto-immune sévère, a été trouvée inanimée à son domicile à la suite d’un arrêt cardio-respiratoire. Elle a été prise en charge en urgence et transférée au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy. Après avoir réalisé plusieurs électroencéphalogrammes et une imagerie par résonance magnétique (IRM), l’équipe médicale a constaté un état neurologique très défavorable avec de nombreuses et graves lésions cérébrales.

Dans ces conditions, le médecin responsable du service d’anesthésie-réanimation pédiatrique du CHRU de Nancy, après avoir recherché en vain un consensus avec les parents sur l’arrêt des soins, a décidé d’engager, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, la procédure d’arrêt de traitement prévue à l’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique (CSP) issu de la loi du 2 février 2016 dite loi Claeys-Léonetti, lorsque ces traitements « apparaissent inutiles, disproportionnés et n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Une réunion collégiale s’est tenue le 21 juillet 2017, à l’issue de laquelle a été décidé l’arrêt de la ventilation mécanique et l’extubation de l’enfant, en raison du caractère sévère des lésions neurologiques et de l’état végétatif constatés et de l’absence de possibilités d’amélioration ou de guérison.

Estimant qu’une atteinte grave était portée au droit au respect de la vie de leur enfant, les parents ont alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nancy, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA), afin que soit ordonnée en urgence la suspension de l’exécution de la décision du 21 juillet 2017. Après avoir ordonné une expertise, confiée à trois médecins, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande des parents de l’enfant par une ordonnance rendue le 7 décembre 2017. Ces derniers ont fait appel de cette ordonnance devant le Conseil d’État.

La décision de ce jour : 

Dans la décision de ce jour, le juge des référés du Conseil d’État, statuant en formation collégiale de trois juges, rappelle tout d’abord que selon les termes de la loi et son interprétation par le Conseil constitutionnel, il appartient au médecin en charge d’un patient, lorsque ce patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, de prendre la décision d’arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. Il rappelle également que lorsque le patient est mineur, le médecin doit rechercher si sa volonté a pu trouver à s’exprimer antérieurement et doit s’efforcer, en y attachant une attention particulière, de parvenir à un accord sur la décision à prendre avec ses parents ou son représentant légal, titulaires de l’autorité parentale, sans que l’accord des parents ne constitue toutefois un préalable indispensable. Enfin, pour apprécier si les conditions d’un arrêt des traitements de suppléance des fonctions vitales sont réunies, le médecin doit se fonder sur un ensemble d’éléments médicaux et non médicaux propres à chaque situation, couvrant une période suffisamment longue et portant notamment sur l’état actuel du patient, sur l’évolution de son état depuis la survenance de l’accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique.

Après avoir rappelé ces principes, le juge de référés du Conseil d’État relève qu’en l’espèce, selon le rapport des trois médecins experts rendu à la demande du tribunal administratif de Nancy, le pronostic neurologique de l’enfant est « catastrophique » et qu’elle se trouve dans un état végétatif persistant, incapable de communiquer avec son entourage, le caractère irréversible des lésions neurologiques étant certain dans l’état actuel de la science.

Il indique également qu’il est impossible de déterminer quelle aurait été la volonté de l’enfant et relève que les parents de l’enfant s’opposent à l’arrêt des soins. Toutefois, malgré cette opposition, au vu de l’état irréversible de perte d’autonomie de l’enfant qui la rend tributaire de moyens de suppléance de ses fonctions vitales et en l’absence de contestation sérieuse tant de l’analyse médicale des services du CHRU de Nancy que des conclusions du rapport du collège d’experts mandaté par le tribunal administratif, il juge qu’en l’état de la science médicale, la poursuite des traitements est susceptible de caractériser une obstination déraisonnable, au sens des dispositions de l’article L. 1110-5-1 du CSP.

Par conséquent, la décision du 21 juillet 2017 d’interrompre la ventilation mécanique et de procéder à l’extubation de l’enfant répond aux exigences fixées par la loi et ne porte donc pas une atteinte grave et manifestement illégale au respect d’une liberté fondamentale. Le juge des référés du Conseil d’État rejette donc l’appel des parents contre l’ordonnance du juge des référés du tribunal de Nancy.

Il précise toutefois qu’il appartient au médecin compétent d’apprécier si et dans quel délai la décision d’arrêt de traitement doit être exécutée compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce. En outre, la mise en œuvre de cette décision imposera en tout état de cause à l’hôpital de prendre les mesures nécessaires pour sauvegarder la dignité de la patiente et de lui dispenser les soins palliatifs nécessaires.

 

La procédure de référé-liberté :

 

La procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que le juge intervienne dans les quarante-huit heures.