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Ariane Web: CAA NANTES 19NT03688, lecture du 17 juillet 2020

Décision n° 19NT03688
17 juillet 2020
CAA de NANTES

N° 19NT03688

2ème chambre
M. PEREZ, président
M. Michel LHIRONDEL, rapporteur
M. DERLANGE, rapporteur public
BOUCHET, avocats


Lecture du vendredi 17 juillet 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 décembre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 27 juillet 2016 par laquelle les autorités consulaires françaises à Douala (Cameroun) ont refusé de délivrer à Mme G... E... un visa de long séjour en qualité d'enfant de ressortissant français.

Par un jugement n°1701822 du 19 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 septembre 2019, M. B... H... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 juillet 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 29 décembre 2016 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;


Il soutient que :
­ c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa requête comme irrecevable dès lors qu'il a bien un intérêt moral à agir en sa qualité de père contre une décision de refus de délivrance de visa opposée à son enfant, G... E... qui se trouve de plus en plus isolée dans son pays d'origine et qui était mineure à la date de la décision contestée ;
­ la décision de la commission de recours est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation dès lors que les différents documents qu'il a versés attestent du lien de filiation ;
­ cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par lettre du 12 mars 2020, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de relever d'office, en application des dispositions de l'article R. 6117 du code de justice administrative, le moyen d'ordre public tiré de l'erreur commise par le tribunal administratif de Nantes pour contester l'intérêt à agir de M. D... dès lors que la date de la majorité de l'enfant qu'il souhaite représenter doit s'apprécier au regard des dispositions applicables dans le pays dont ce dernier a la nationalité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu
­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.


Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 23 février 1973 au Cameroun, a acquis la nationalité française par décret de naturalisation du 13 décembre 2010. Il a sollicité en faveur de sa fille, Mme G... E..., ressortissante camerounaise née le 19 janvier 1999, la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'enfant étranger mineur à charge de ressortissant français. Les autorités consulaires françaises à Douala ont refusé de délivrer le visa sollicité par une décision du 27 juillet 2016. Saisie d'un recours contre cette décision consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer le visa sollicité par une décision du 29 décembre 2016. Par une demande enregistrée le 27 février 2017, M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette dernière décision. Par un jugement du 19 juillet 2019, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
2. Pour rejeter la demande présentée par M. D..., les premiers juges ont retenu que celle-ci était irrecevable, au motif que l'intéressé ne justifiait pas d'un intérêt à agir pour contester la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France dès lors qu'à la date de l'introduction de cette demande, Mme G... E... était majeure.
3. Toutefois, la date de la majorité de Mme E... doit s'apprécier au regard des dispositions applicables dans le pays dont elle a la nationalité. Selon l'article 488 du code civil camerounais : " La majorité est fixée à vingt et un ans accomplis; à cet âge on est capable de tous les actes de la vie civile. ". Mme E... ayant, à la date d'introduction de la demande devant le tribunal administratif de Nantes, moins de 21 ans, elle était donc mineure selon la loi de son pays, de sorte que M. D..., père de l'intéressée, justifiait en cette seule qualité d'un intérêt lui permettant de contester devant le juge administratif la légalité du refus de visa opposé à son enfant mineur. En s'abstenant de faire application des dispositions précitées du code civil camerounais, les premiers juges ont méconnu le champ d'application de la loi.
4. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens par lesquels M. D... conteste devant la cour les motifs par lesquels le tribunal administratif de Nantes a déclaré sa demande irrecevable, le jugement attaqué doit être annulé comme entaché d'irrégularité.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer M. D... devant le tribunal administratif de Nantes pour qu'il soit à nouveau statué sur sa demande.
D É C I D E:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 19 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : M. D... est renvoyé devant le tribunal administratif de Nantes pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... H... D... et au ministre de l'intérieur.


Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,
- M. A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.


Lu en audience publique le 17 juillet 2020.



Le rapporteur,





M. F...


Le président,





A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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