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Ariane Web: Conseil d'État 412968, lecture du 10 juillet 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:412968.20190710

Décision n° 412968
10 juillet 2019
Conseil d'État

N° 412968
ECLI:FR:CECHR:2019:412968.20190710
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Séverine Larere, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER, avocats


Lecture du mercredi 10 juillet 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société IVG Institutional Funds GmbH a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittée au titre des exercices clos en 2011 et 2012, majorée d'intérêts moratoires. Par un jugement n° 1311674 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Montreuil, d'une part, l'a déchargée de la contribution acquittée au titre de l'exercice clos en 2012 à concurrence de la somme de 292 241 euros et, d'autre part, a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la contribution acquittée au titre de l'exercice clos en 2011.

Par un arrêt n° 15VE02458 du 1er juin 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société IVG Institutional Funds GmbH contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er août et 2 novembre 2017 et le 24 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société IVG Institutional Funds GmbH, devenue Triuva Kapitalverwaltungsgesellschaft mbH, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire intégralement droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, avocat de la société IVG Institutional Funds GmbH ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit allemand IVG Institutional Funds GmbH, devenue société Triuva Kapitalverwaltungsgesellschaft mbH, qui a pour activité en France l'administration et la gestion d'immeubles pour le compte de fonds d'investissement a sollicité, en 2013, la restitution de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés prévue à l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, qu'elle avait acquittée, au titre des années 2011 et 2012, pour des montants de 2 098 200 euros et 292 241 euros. Par un jugement du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à sa demande en prononçant la décharge de la contribution exceptionnelle acquittée par la société au titre de l'exercice 2012. Par l'arrêt attaqué du 1er juin 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts : " Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l'article 219, des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 et jusqu'au 30 décembre 2013. / Cette contribution est égale à 5% de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature. (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 de laquelle elles sont issues, que le législateur a entendu soumettre les grandes entreprises à une contribution supplémentaire, compte tenu de leurs capacités contributives plus fortes. A cette fin, il a prévu un seuil de chiffre d'affaires de 250 millions d'euros, au-delà duquel cette contribution est due. Ce seuil s'apprécie par référence aux recettes tirées de l'ensemble des opérations réalisées par le redevable dans le cadre de son activité professionnelle normale exercée en France et hors de France, quel que soit le régime fiscal du résultat des opérations correspondant à ce chiffre d'affaires.

3. D'autre part, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société requérante a pour objet social de procurer des revenus locatifs réguliers à des fonds d'investissement. En jugeant, au seul motif de leur caractère récurrent ainsi que de leur importance et de leur nombre, que les cessions d'immeubles opérées par la société IVG Institutional Funds GmbH devaient être regardées comme entrant dans l'activité normale de la société et que les plus-values en résultant devaient être intégrées à son chiffre d'affaires pour l'application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, sans rechercher si ces cessions s'inscrivaient dans le modèle économique de l'entreprise, la cour a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que la société IVG Institutional Funds GmbH est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 15VE02458 de la cour administrative d'appel de Versailles du 1er juin 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à la société IVG Institutional Funds GmbH une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société IVG Institutional Funds GmbH et au ministre de l'action et des comptes publics.


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