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Ariane Web: CAA PARIS 18PA01325, lecture du 22 octobre 2018

Analyse n° 18PA01325
22 octobre 2018
Cour Administrative d'Appel de Paris

N° 18PA01325, 18PA01326, 18PA01649


Lecture du lundi 22 octobre 2018



01-03-01 : Actes législatifs et administratifs- Validité des actes administratifs Forme et procédure- Questions générales-

Décision prise en application d'un acte annulé ou dont l'acte annulé constitue la base légale - Acte subséquent entaché d'illégalité - Annulation par voie de conséquence.




En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Doit ainsi être annulé un arrêté par lequel le maire de Paris a institué une aire piétonne sur les berges de la rive droite de la Seine en vertu des pouvoirs de police de la circulation que lui confère le code général des collectivités territoriales, dès lors que cet arrêté a été pris afin de permettre la réalisation effective du projet d'aménagement de la promenade publique déclaré d'intérêt général par une délibération, que l'arrêté vise expressément, du Conseil de Paris, prise sur le fondement de l'article L. 126-1 du code de l'environnement et annulée par la même décision juridictionnelle.




44-006-03-01-01-02 : Nature et environnement- Information et participation des citoyens- Evaluation environnementale- Etudes d'impact des travaux et projets- Champ d'application- Etude non obligatoire-

Projet d'aménagement d'une aire piétonne sur les berges de la rive droite de la Seine - Nécessité d'une étude d'impact - 1) Conditions définies par l'article L. 122-1 du code de l'environnement - Champ d'application de l'article R. 122-2 du même code (6° du tableau annexé) concernant les infrastructures routières - 2) Champ d'application de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement - Obligations incombant au pouvoir réglementaire en vertu des dispositions combinées de l'article 2, paragraphe 1, et de l'article 4, paragraphes 2 et 3, ainsi que des annexes II et III de cette directive.




1) Si le décret du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes a modifié le champ d'application du 6° du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement énumérant limitativement les projets de modification d'infrastructures routières systématiquement soumis à réalisation d'une étude d'impact, l'article 6 de l'ordonnance du 3 août 2016, pour l'application de laquelle ce décret a été adopté, a expressément prévu que ses dispositions ne s'appliqueraient qu'aux projets dont l'enquête publique serait ouverte à compter du premier jour du sixième mois suivant sa publication, intervenue le 5 août 2016. Dans leur rédaction immédiatement antérieure au décret du 11 août 2016, applicable en l'espèce, ces dispositions doivent être interprétées comme n'ayant entendu soumettre à la réalisation d'une étude d'impact, de façon systématique, que la création de routes d'une longueur égale ou supérieure à 3 kilomètres et, au cas par cas, les travaux de création de routes d'une longueur inférieure à 3 kilomètres. Dès lors, le d) du 6° de ce tableau ne s'applique pas à un projet consistant uniquement en la fermeture à la circulation et l'aménagement d'une portion de route de 3,3 kilomètres de long en vue de sa transformation en promenade publique. En outre, la voie de circulation en cause en l'espèce (voie Georges Pompidou) ne peut être qualifiée de voie rapide au sens du b) du 6° du même tableau, dès lors que, si elle était jusqu'à présent réservée à la circulation automobile, la vitesse maximale autorisée sur cette route a été réduite à 50 kilomètres/heure en 2007 et que plusieurs feux tricolores y ont été installés en 2012. La piétonnisation des berges de la rive droite de la Seine ne relève donc pas non plus de la catégorie des projets de modification de voies rapides visés par ces dispositions. Ainsi, le projet envisagé n'entre dans aucune des catégories de projets soumis, en vertu du 6° du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, à la réalisation d'une étude d'impact, pas plus qu'il ne relève, à l'évidence, d'aucune des autres rubriques prévues par ce tableau. 2) La directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement impose, en son article 2, paragraphe 1, de soumettre à une évaluation environnementale les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé, notamment dans son arrêt du 21 mars 2013, Salzburger Flughafen (C-244/12), que la marge d'appréciation conférée par l'article 4, paragraphe 2, de la directive du 13 décembre 2011 aux États membres, en ce qui concerne la fixation des seuils ou des critères pour déterminer si un projet doit être soumis à une évaluation de ses incidences sur l'environnement, trouve ses limites dans l'obligation, énoncée à l'article 2, paragraphe 1, de soumettre à une telle étude les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation. Toutefois, cette Cour a également dit pour droit, dans son ordonnance du 10 juillet 2008, Salvatore Aiello e.a. contre Regione Lombardia et autres (C-156/07 ), que l'article 2, paragraphe 1, de la directive exige non pas que tout projet qui est susceptible d'avoir une incidence notable sur l'environnement soit soumis à la procédure d'évaluation qu'elle prévoit, mais que seuls doivent l'être ceux qui sont mentionnés aux annexes I et II de cette directive. Par voie de conséquence, la directive du 13 décembre 2011 n'imposait pas d'évaluer l'incidence du projet sur l'environnement, dès lors que la fermeture à la circulation et l'aménagement d'une voie de circulation sur une longueur de 3,3 kilomètres en vue d'y créer une promenade publique ne relève d'aucune des catégories de projets visés aux annexes I et II. Le projet d'aménagement d'une aire piétonne sur les berges de la rive droite de la Seine n'était donc pas soumis à l'exigence d'une étude d'impact. Toutefois, la ville de Paris ayant décidé, bien qu'elle n'y fût ainsi pas légalement tenue, de soumettre ce projet à la réalisation d'une telle étude d'impact, elle devait procéder à celle-ci dans des conditions régulières.




44-006-03-01-02-02 : Nature et environnement- Information et participation des citoyens- Evaluation environnementale- Etudes d'impact des travaux et projets- Contenu- Contenu insuffisant-

Création d'une aire piétonne sur les berges de la rive droite de la Seine - Étude d'impact de l'opération d'aménagement de l'infrastructure routière - Évaluation des effets du projet sur la qualité de l'air et le niveau d'intensité sonore - 1) Périmètre de l'étude - Caractère insuffisant de l'étude de la pollution atmosphérique limitée aux abords de la voie fermée à la circulation sans analyse des effets du projet autour des principales voies soumises à un report de trafic - 2) Étude des nuisances sonores diurnes et nocturnes - Absence d'évaluation sur les axes de report en méconnaissance des articles R. 571-45 et R. 571-47 du code de l'environnement - Conséquence - Information incomplète de la population sur des éléments majeurs d'appréciation de l'intérêt du projet envisagé - Caractère insuffisant de l'étude d'impact - Vice de procédure qui a fait obstacle à l'information complète de la population sur des éléments essentiels d'appréciation de l'intérêt de ce projet et a, de ce fait, entaché d'illégalité la délibération du conseil de Paris relative à l'opération d'aménagement.




1) Une étude d'impact élaborée en référence à la méthodologie définie par la circulaire ministérielle du 25 février 2005 prescrivant de prendre en compte les axes routiers présentant une variation du trafic de plus de 10 % ne respecte pas cette méthodologie, dans une hypothèse où son périmètre d'examen est délibérément circonscrit à une bande de 200 mètres de large autour de la voie fermée à la circulation, excluant ainsi de son champ d'analyse plusieurs axes routiers de report, appelés à connaître des augmentations de trafic dépassant largement ce seuil de 10 %. Une telle étude méconnaît les effets du projet sur la pollution atmosphérique autour des principales voies concernées par le report de trafic, circonstance ayant un impact sur la qualité de l'air, laquelle était susceptible, de surcroît, d'être altérée par un phénomène prévisible de congestion de la circulation automobile. Dès lors que les choix méthodologiques opérés par l'étude d'impact ont conduit à sous-estimer l'ampleur de la pollution atmosphérique résultant des reports de circulation et de la congestion du trafic engendrés par le projet d'aménagement, et alors que ce projet visait notamment à l'amélioration de la qualité de l'air, cette étude doit être regardée comme insuffisante et entachée d'inexactitudes. 2) L'absence d'évaluation des nuisances sonores en période nocturne sur les quais hauts et les axes de report de la circulation automobile méconnaît les articles R. 571-45 et R. 571-47 du code de l'environnement, qui imposent de mesurer la gêne due à la modification d'une infrastructure de transports terrestres sur des périodes représentatives du jour et de la nuit. Cette circonstance caractérise également une insuffisance de l'étude d'impact, en ce qu'elle n'a pas permis, en particulier, d'apprécier la nécessité de mettre en oeuvre les mesures compensatoires prévues par les articles R. 571-44 et R. 571-45 du code de l'environnement, dans l'hypothèse où la transformation d'une voie de circulation en une aire piétonne entraînerait une augmentation de plus de 2 décibels du niveau sonore préexistant. Les inexactitudes, omissions et insuffisances entachant cette étude d'impact, qui a délibérément occulté une partie notable des incidences du projet sur les émissions de polluants atmosphériques et les nuisances sonores, ont fait obstacle à l'information complète de la population sur des éléments essentiels d'appréciation de l'intérêt de ce projet, alors même que celui-ci avait précisément pour objectif, notamment, d'améliorer la tranquillité et la qualité de l'air à Paris. Prise à l'issue d'une procédure irrégulière, la délibération du conseil de Paris est ainsi entachée d'illégalité.

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