Base de jurisprudence

Ariane Web: CAA PARIS 22PA04811, lecture du 3 mars 2023

Analyse n° 22PA04811
3 mars 2023
Cour Administrative d'Appel de Paris

N° 22PA04811


Lecture du vendredi 3 mars 2023



135-02-03-04-01 : Collectivités territoriales- Commune- Attributions- Interventions économiques (voir supra : Dispositions générales)- Aides directes et indirectes-

Attribution de subventions à une association pour soutenir une action internationale de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire (art. L. 1115-1 du CGCT) - Légalité - Conditions - 1) Exigence d'un intérêt public communal - Absence - 2) Possibilité d'interférer avec la conduite la politique extérieure de l'Etat - Absence (1) (2) - 3) Application à l'espèce.




1) Il résulte des dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de la loi n°2014-773 du 7 juillet 2014, qu'une collectivité territoriale peut légalement accorder une subvention à une association, même française, dès lors que cette subvention a pour objet de mettre en oeuvre ou soutenir une action internationale de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire, alors même que cette action serait étrangère à l'intérêt public local. 2) Une collectivité territoriale ne saurait toutefois, en application des mêmes dispositions, méconnaître les engagements internationaux de la France ni, en attribuant une subvention, prendre parti dans un conflit ou un différend international de nature politique ou interférer dans la conduite de la politique extérieure de la France constitutionnellement réservée à l'Etat. 3) Si le sauvetage en mer de migrants opéré par l'association présente un caractère humanitaire, les responsables de celles-ci ont, aussi, publiquement critiqué, et déclaré vouloir contrecarrer par cette action les politiques définies et mises en oeuvre par l'Union européenne et les Etats membres en matière d'immigration et d'asile, de franchissement des frontières extérieures de l'Union et de maîtrise des flux migratoires et d'accueil en Europe des ressortissants de pays tiers. Cette action a, en outre, eu pour effet d'engendrer de manière régulière des tensions et des différends diplomatiques entre Etats membres de l'Union, notamment entre la France et l'Italie. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la transcription des débats qui ont précédé l'adoption de la délibération contestée, que le conseil de Paris a entendu s'approprier les critiques de cette association à l'encontre de ces politiques migratoires. Dans ces conditions, en attribuant la subvention litigieuse, alors même qu'elle est accordée au titre des aides d'urgence, le conseil de Paris doit être regardé comme ayant entendu prendre parti et interférer dans des matières relevant de la politique étrangère de la France et de la compétence des institutions de l'Union européenne, ainsi que dans des différends, de nature politique, entre Etats membres.

(1) Rappr., s'agissant d'une subvention attribuée à une association prenant position dans des débats publics dont les activités subventionnées sont d'intérêt public local, CE, 8 juillet 2020, Mme , n°425926, aux tables p. 628 (2) Rappr., s'agissant d'une subvention accordée à des comités ayant pour but d'apporter des secours matériels à la population du Nicaragua, mais se fondant explicitement, en la critiquant, sur l'attitude d'un Etat étranger à l'égard du Nicaragua et de conseils municipaux ayant ainsi entendu prendre parti dans un conflit de nature politique, CE, 23 octobre 1989, Commune de Pierrefitte-sur-Seine, commune de Saint-Ouen et commune de Romainville, n°93331, 93847, 93885, p. 209.

Voir aussi