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Ariane Web: CAA LYON 17LY03756, lecture du 4 juin 2019

Décision n° 17LY03756
4 juin 2019
CAA de LYON

N° 17LY03756

2ème chambre
M. BOURRACHOT, président
Mme Anne MENASSEYRE, rapporteur
M. VALLECCHIA, rapporteur public
SELARL BROCARD AVOCATS, avocats


Lecture du mardi 4 juin 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la restitution des prélèvements sociaux sur les revenus de leur patrimoine auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.

Par une ordonnance n° 1703250 du 29 août 2017, la présidente de la sixième chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 octobre 2017, et un mémoire en réplique enregistré le 2 novembre 2018, M. et Mme C..., représentés par la SELARL Brocard avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 29 août 2017 ;

2°) de leur accorder le remboursement sollicité, arrêté à la somme de 1 278 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les fonctionnaires d'organisations intergouvernementales sont, au même titre que les ressortissants d'autres États membres de l'Union Européenne, de l'Espace économique européen ou de la Suisse, des " travailleurs migrants " qui doivent bénéficier des principes essentiels sur lesquels se fonde la jurisprudence de Ruyter ;
- un salarié du CERN ressortissant d'un Etat membre peut se prévaloir du Règlement n° 883/2004 et par là même, de la jurisprudence de Ruyter ;
- il ne saurait leur être demandé de subir une double cotisation à la sécurité sociale, sauf à violer les principes fondamentaux d'égalité de traitement et de non-discrimination, issus notamment des articles 157, 45-1 et 45-2 du traité sur le fonctionnement de l'UE, qui s'imposent aux États membres de l'UE dont la France fait partie ;
- en appliquant une réglementation nationale telle que celle en cause, qui grève les revenus d'un ancien salarié du CERN de contributions et de prélèvements sociaux affectés spécifiquement au financement des régimes de sécurité sociale français, l'Etat français méconnaît la compétence exclusive pourtant accordée au CERN dans l'accord du 30 décembre 1970 quant aux questions de sécurité sociale touchant les employés du CERN ;
- l'assujettissement d'un fonctionnaire du CERN à des prélèvements affectés directement et spécifiquement au financement de branches du régime de sécurité sociale français est exclu par l'article 1er de l'accord du 30 décembre 1970.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 mars 2018 et le 21 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens des appelants ne sont pas fondés, les agents ou anciens agents d'une organisation internationale, telle l'OCDE, affiliés au régime de sécurité sociale de cette organisation n'entrant pas dans le champ d'application de ce règlement alors même qu'ils seraient ressortissants ou résidents fiscaux d'un État membre de l'Union européenne et les stipulations de l'accord conclu entre la France et l'OCDE ne s'opposant pas à ce que les fonctionnaires de cette organisation, bien qu'ils ne relèvent pas de la sécurité sociale française, soient soumis à des prélèvements sociaux sur leurs revenus du capital en France.

Par courrier du 2 mai 2019, les parties ont été invitées à s'exprimer sur les conséquences à tirer de l'arrêt n° C-372/18 du 14 mars 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne, et de la décision n° 423586 du 16 avril 2019 du Conseil d'Etat.

Par des observations présentées le 7 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics a persisté dans ses conclusions précédentes en précisant que la solution issue de ces décision ne pouvait trouver à s'appliquer dans le cadre du présent litige.

Par un mémoire enregistré le 9 mai 2019, M. et Mme C... ont persisté dans leurs conclusions précédentes, par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 55 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- l'accord de sécurité sociale du 30 décembre 1970 entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) et le décret n° 71-645 du 20 juillet 1971 ;
- le décret n° 2008-1019 du 2 octobre 2008 portant publication de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire relatif à l'interprétation et l'application de l'accord du 16 juin 1972 relatif au statut juridique de ladite organisation en France, signées à Genève les 10 et 25 mars 2008 ;
- le règlement (CE) n° 883 / 2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;
- le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant italien, et son épouse résident en France et sont d'anciens membres du personnel de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) organisation internationale dont le siège est à Meyrin dans le canton de Genève (Suisse) mais dont les installations chevauchent la frontière franco-suisse. Ils ont été assujettis aux prélèvements sociaux sur les revenus de leur patrimoine de l'année 2014, correspondant à des rentes viagères à titre onéreux et des revenus de capitaux mobiliers, conformément aux déclarations de revenus qu'ils avaient souscrites. Faisant valoir qu'ils étaient affiliés au régime de sécurité sociale du CERN, ils ont demandé à en être déchargés. L'administration n'a pas fait droit à leur réclamation. Ils relèvent appel de l'ordonnance du 29 août 2017 par laquelle la présidente de la sixième chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations de prélèvement de solidarité, de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale, de prélèvement social et de contribution additionnelle au prélèvement social auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.


Sur l'application de l'article 11 du règlement (CE) n° 883 / 2004 :

2. Aux termes de l'article 11 du règlement (CE) n° 883 / 2004 : " 1. Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre. (...) .3. (...) a) la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat membre ; ". Il résulte clairement de ces dispositions que celles-ci ne s'appliquent qu'à des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d'un ou de plusieurs Etats membres de l'Union européenne sans que le fait d'être un ressortissant ou un résident fiscal d'un Etat membre, non affilié au régime de sécurité sociale de cet Etat, suffise à faire entrer dans le champ du règlement. Il s'ensuit que les anciens agents du CERN affiliés au régime de sécurité sociale de cette organisation n'entrent pas dans le champ d'application de ce règlement alors même qu'ils seraient ressortissants ou résidents fiscaux d'un Etat membre de l'Union européenne. Par ailleurs, dès lors que la qualité d'agents du CERN ne saurait être assimilée à celle de fonctionnaires de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de transposer à leur situation la solution que la Cour de justice de l'Union européenne a retenue dans son arrêt du 10 mai 2017 Wenceslas de Lobkowicz (C-690 / 15) s'agissant des fonctionnaires de l'Union européenne.


Sur l'application de l'application de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

3. M. et Mme C... invoquent toutefois, pour la première fois en appel, l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Aux termes de cet article : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. / 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail (...). ". Un ressortissant de l'Union européenne travaillant dans un Etat membre autre que son Etat membre d'origine et qui a accepté un emploi dans une organisation internationale relève du champ d'application de cet article.

4. L'adoption d'actes de droit dérivé dans le domaine de la sécurité sociale ne saurait faire obstacle à ce que les contribuables puissent invoquer, même en substance, les stipulations relatives à la libre circulation d'un traité régissant leur situation, notamment lorsqu'ils n'entrent pas dans le champ des actes de droit dérivé en cause. Si la coordination des systèmes de sécurité sociale ne découle pas directement de la liberté de circulation posée par l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qu'elle a seulement vocation à favoriser, cela ne saurait faire obstacle à ce que ces stipulations soient susceptibles de s'opposer à une entrave prenant la forme de prélèvements obligatoires. L'existence d'une réglementation de l'Union de mise en oeuvre de cette liberté oblige à examiner la compatibilité du régime national litigieux, tant avec celle-ci, en l'occurrence, le règlement n° 883/2004, qu'avec le droit primaire. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne le 23 janvier 2019, dans l'affaire C-272/17 K. M. A... contre Staatssecretaris van Financiën : " (en France) si les États membres conservent en principe leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, ils doivent néanmoins, dans l'exercice de cette compétence, respecter le droit de l'Union et, notamment, les dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des travailleurs. ".

5. Par son arrêt rendu le 6 octobre 2016 dans l'affaire C-466/15, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que l'article 45 du traité s'oppose à toute mesure qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice, par les ressortissants de l'Union, des libertés fondamentales garanties par ce traité. Le droit primaire de l'Union ne saurait garantir à un assuré qu'un déplacement dans un autre Etat membre soit neutre en matière de sécurité sociale, compte tenu des disparités existant entre les régimes et les législations des États membres, un tel déplacement pouvant, selon les cas, être plus ou moins avantageux ou désavantageux pour le travailleur sur le plan de la protection sociale. Toutefois, dans le cas où son application est moins favorable, une réglementation nationale n'est conforme au droit de l'Union que pour autant que, notamment, cette réglementation nationale ne désavantage pas le travailleur concerné par rapport à ceux qui exercent la totalité de leurs activités dans l'Etat membre où elle s'applique et qu'elle ne le conduit pas purement et simplement à verser des cotisations sociales à fonds perdus. N'est donc pas conforme au droit de l'Union, et constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs, une réglementation nationale qui a pour effet que le travailleur migrant contribue non seulement au financement du régime de sécurité sociale auquel il est affilié, mais aussi au financement d'un régime de sécurité sociale auquel il n'est pas affilié et qui ne peut donc lui procurer aucun bénéfice, et verse ainsi des contributions à fonds perdus au financement d'un régime national de sécurité sociale dont il ne relève pas.

6. La circonstance qu'un prélèvement soit qualifié d'impôt et non de cotisation sociale par une législation nationale ne signifie pas que, au regard de la prohibition exposée ci-dessus, ce même prélèvement ne puisse être regardé comme prohibé, le critère déterminant étant celui de l'affectation spécifique du prélèvement en cause au financement du système de sécurité sociale de l'Etat concerné. S'agissant d'un ressortissant de l'Union travaillant dans un Etat membre autre que son Etat membre d'origine et qui, ayant accepté un emploi dans une organisation internationale, contribue au régime de sécurité sociale propre à cette organisation, dont il relève, l'obligation faite par la loi d'acquitter une contribution affectée directement et spécifiquement au financement de prestations contributives d'un régime national de sécurité sociale dont il ne relève pas le conduit à contribuer à fonds perdus au financement de ces prestations dès lors que cette obligation est dépourvue de tout lien avec l'ouverture d'un droit à une prestation ou un avantage servi par ledit régime national.

7. Il s'ensuit qu'une législation fiscale nationale qui impose à un ressortissant de l'Union travaillant dans un Etat membre autre que son Etat membre d'origine et qui, ayant accepté un emploi dans une organisation internationale, contribue au régime de protection sociale propre à l'organisation dont il relève, de contribuer également au financement d'un régime de sécurité sociale nationale, sans que cette contribution lui ouvre un droit à protection sociale dans cet État en complément de celle dont il bénéficie du chef de l'organisation dont il relève, constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs. Une telle restriction peut néanmoins être admise si elle poursuit un objectif légitime compatible avec les traités, est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général s'appliquant à tous, propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint. Il incombe aux autorités nationales compétentes, lorsqu'elles adoptent une mesure dérogatoire à un principe consacré par le droit de l'Union, de prouver, dans chaque cas d'espèce, que ladite mesure est propre à garantir la réalisation de l'objectif invoqué et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci. Les raisons justificatives susceptibles d'être invoquées par un État membre doivent donc être accompagnées de preuves appropriées ou d'une analyse de l'aptitude et de la proportionnalité de la mesure restrictive adoptée par cet État, ainsi que des éléments précis permettant d'étayer son argumentation.

8. Au cas d'espèce, et ainsi qu'il a été indiqué au point 2, les appelants n'entrent pas dans le champ d'application du règlement (CE) n° 883 / 2004. En revanche, M. C..., ressortissant italien domicilié en Franceet ayant occupé, tout comme son épouse, un emploi au CERN, organisation internationale dont les installations chevauchent la frontière franco-suisse, relève du champ d'application de l'article 45 du traité. Etant affilié au régime autonome de sécurité sociale de cette organisation, il n'est pas assujetti aux cotisations sociales finançant les risques couverts par le régime français de sécurité sociale, dont il ne relève pas. L'obligation dans laquelle il se trouve d'acquitter, sur ses revenus du patrimoine, les contributions mentionnées au point 1 est dépourvue de tout lien avec l'ouverture d'un droit à une prestation ou un avantage servi par un régime de sécurité sociale français. Pour celles de ces contributions qui sont affectées au financement du régime de sécurité sociale français, dont il ne relève pas, cette obligation, qui ne lui ouvre aucun droit au bénéfice de prestations, le conduit à contribuer à fonds perdus au financement d'un régime dont il ne bénéficie pas tout en contribuant parallèlement au régime dont il bénéficie et le désavantage par rapport aux travailleurs qui, n'ayant pas fait usage de leur liberté de circulation, exercent la totalité de leurs activités en France, seulement astreints à financer le régime de sécurité sociale français, dont ils bénéficient. Une telle obligation constitue une entrave à l'exercice, par M. C..., de la liberté garantie par l'article 45 du traité. Aucune justification n'est avancée par l'administration pour justifier la restriction en cause, son caractère adapté et proportionné à l'objectif poursuivi. Ces justifications ne résultent pas par ailleurs de l'instruction.

9. En 2014, l'affectation de la contribution sociale généralisée résulte de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, celle de la contribution au remboursement de la dette sociale résulte de l'article 6 de l'ordonnance du 24 janvier 1996, celle du prélèvement social de l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale et celle de la contribution additionnelle à ce prélèvement dite " solidarité autonomie " résulte de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles. Il résulte de ces différentes dispositions que les contributions en cause avaient vocation à abonder le financement de la Caisse nationale des allocations familiales, du Fonds de solidarité vieillesse, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, des régimes obligatoires d'assurance maladie, de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. Ces organismes, y compris le Fonds de solidarité vieillesse et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ont vocation à financer des prestations qui, eu égard au risque qu'elles ont vocation à couvrir et aux modalités de leur attribution, correspondent à des prestations de sécurité sociale et non à des prestations d'assistance. Eu égard à l'objet de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, consistant à apurer une dette du régime de sécurité sociale occasionnée par le financement de prestations servies dans le passé, cet organisme participe au financement du régime française de sécurité sociale. Il en résulte que l'obligation faite à M. C... d'acquitter, en 2014, la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale, le prélèvement social et la contribution additionnelle à ce prélèvement dite " solidarité autonomie " le conduit à contribuer sans contrepartie au financement du régime de sécurité sociale français, alors qu'il est affilié au régime de sécurité sociale propre au CERN et méconnaît les obligations évoquées ci-dessus.

10. En 2014, l'affectation du prélèvement de solidarité était fixée par le IV de l'article 1600-0 S du code général des impôts. Cette contribution avait donc vocation à financer le fonds national d'aide au logement, le fonds national des solidarités actives et le fonds de solidarité. Ces organismes financent des prestations qui, eu égard aux risques qu'elles ont vocation à couvrir et aux modalités de leur attribution, soit correspondent à des prestations d'assistance et non à des prestations de sécurité sociale soit ne peuvent être regardées comme relevant d'une branche de sécurité sociale. Il en résulte que l'obligation dans laquelle se trouve M. C... d'acquitter les contributions en cause ne méconnaît pas les obligations évoquées ci-dessus.

11. Il résulte de ce qui précède que seule l'obligation faite à M. C... d'acquitter la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale, le prélèvement social, et la contribution additionnelle à ce prélèvement le conduit à contribuer sans contrepartie au financement du régime de sécurité sociale français, alors qu'il est affilié au régime de sécurité sociale propre au CERN et méconnaît les obligations résultant de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union. M. C... est, dans cette mesure, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a refusé de faire droit à sa demande.


Sur la méconnaissance de l'accord de sécurité sociale du 30 décembre 1970 :

12. L'obligation faite par la loi d'acquitter les contributions mentionnées au point 1 est dépourvue de tout lien avec l'ouverture d'un droit à une prestation ou un avantage servi par un régime de sécurité sociale. Ces prélèvements ont ainsi le caractère d'impositions de toute nature et non celui de cotisations de sécurité sociale au sens des dispositions constitutionnelles et législatives nationales.

13. L'article 1er de l'accord de sécurité sociale du 30 décembre 1970 conclu entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire, dont les stipulations sont entrées en vigueur le 13 avril 1971 stipule que : " 1. Les membres du personnel du C.E.R.N. tels qu'ils sont définis par le statut du personnel de l'Organisation, exerçant tout ou partie de leur activité en territoire français, ne sont pas soumis aux législations françaises relatives à la sécurité sociale et aux prestations familiales. / 2. Le C.E.R.N. assure à ces membres du personnel le service des prestations familiales et la garantie contre les risques maladie maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, invalidité et vieillesse dans les conditions du régime de prévoyance qu'il a institué. ".

14. Il résulte des stipulations précitées de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire, qui ont institué un principe de non double cotisation sociale sur les traitements versés par le CERN, que les agents du CERN affiliés au régime autonome de sécurité sociale de cette organisation et les anciens agents qui continuent à en bénéficier ne sont pas assujettis aux cotisations sociales finançant les risques couverts par le régime français de sécurité sociale. En revanche, ces mêmes stipulations n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que les revenus du patrimoine perçus en France par un fonctionnaire ou ancien fonctionnaire du CERN affilié au régime de sécurité sociale de cette organisation, soient soumis aux prélèvement fiscaux litigieux qui constituent des impositions de toute nature, alors même que leur produit est affecté au financement de la protection sociale.

15. Il résulte de ce qui précède que les appelants, anciens agents du CERN, en vertu de la convention internationale précitée, à un régime spécifique de protection sociale et exclus, en vertu de la même convention, du régime français de sécurité sociale, restent, à défaut de dispositions spécifiques y faisant explicitement obstacle dans les accords internationaux conclus entre la France et le CERN, assujetti au prélèvement de solidarité institué par les dispositions de l'article 1600-0 S du code général des impôts et de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles et assises sur leurs revenus du patrimoine, dans la mesure où ils n'entrent pas dans le champ d'application du règlement (CE) n° 883 / 2004 et où aucune stipulation de l'accord du 30 décembre 1970 ne fait obstacle à ce que les revenus du patrimoine perçus en France par les intéressés soient soumis à ces prélèvements.
Sur la méconnaissance de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
16. Enfin M. et Mme C... ne sauraient utilement invoquer l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dès lors qu'aucune discrimination fondée sur le sexe n'est en cause en l'espèce.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a refusé de faire droit à leur demande en tant qu'elle portait sur la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale, le prélèvement social, et la contribution additionnelle au prélèvement social.
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens.



DÉCIDE :


Article 1er : M. et Mme C... sont déchargés de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale, du prélèvement social, et de la contribution additionnelle à ce prélèvement auxquels ils ont été assujettis au titre de leurs revenus du patrimoine de l'année 2014.
Article 2 : L'ordonnance de la présidente de la sixième chambre du tribunal administratif de Lyon du 29 août 2017 est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.



Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, président assesseur,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 4 juin 2019.