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Ariane Web: CAA PARIS 21PA05129, lecture du 8 février 2023

Décision n° 21PA05129
8 février 2023
CAA de PARIS

N° 21PA05129

7ème chambre
M. JARDIN, président
Mme Elodie JURIN, rapporteur
Mme BREILLON, rapporteur public
SCP ARVIS & KOMLY-NALLIER, avocats


Lecture du mercredi 8 février 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler le compte rendu d'entretien professionnel dont elle a fait l'objet au titre de l'année 2018.

Par un jugement n° 1902638 du 16 juillet 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 septembre 2021 et le 4 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Arvis, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902638 du 16 juillet 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler ce compte rendu d'entretien professionnel ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Denis d'établir un nouveau compte rendu d'entretien professionnel pour l'année 2018, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dans la mesure où la minute n'est pas signée ;
- c'est à tort que sa requête de première instance a été rejetée pour tardiveté alors que le délai de recours contentieux n'avait pas pour point de départ la notification du compte rendu d'entretien professionnel et que la version du compte rendu qui lui a été notifiée était incomplète ;
- ce compte rendu n'est pas conforme aux exigences de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il mentionne plusieurs objectifs professionnels qui ne lui avaient pourtant pas été fixés ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa manière de servir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2022, la commune de Saint-Denis, représentée par la SELAS Seban et associés, conclut au rejet de la requête de Mme B... et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Verger-Giambelluco, avocate de la commune de Saint-Denis.


Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est agent territorial des écoles maternelles (ATSEM) de première classe de la commune de Saint-Denis. Elle a contesté devant le tribunal administratif de Montreuil le compte rendu d'entretien professionnel dont elle a fait l'objet au titre de l'année 2018. Elle relève appel du jugement du 16 juillet 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ".
3. Aux termes de l'article 6 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur des fonctionnaires territoriaux : " Les modalités d'organisation de l'entretien professionnel sont les suivantes : 1° Le fonctionnaire est convoqué huit jours au moins avant la date de l'entretien par le supérieur hiérarchique direct ; 2° La convocation est accompagnée de la fiche de poste de l'intéressé et d'un exemplaire de la fiche d'entretien professionnel servant de base au compte rendu ; 3° Le compte rendu porte sur les thèmes prévus à l'article 3 ainsi que sur l'ensemble des autres thèmes qui, le cas échéant, ont été abordés au cours de l'entretien ; 4° Dans un délai maximum de quinze jours, le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui, le cas échéant, le complète par ses observations sur la conduite de l'entretien ou les différents sujets sur lesquels il a porté, le signe pour attester qu'il en a pris connaissance et le renvoie à son supérieur hiérarchique direct ; 5° Le compte rendu, complété, le cas échéant, des observations de l'agent, est visé par l'autorité territoriale ; 6° Le compte rendu est versé au dossier du fonctionnaire par l'autorité territoriale et communiqué à l'agent (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que la notification du compte rendu d'entretien professionnel, alors qu'il n'a pas encore été visé par l'autorité territoriale, n'est pas de nature à faire courir le délai de recours contentieux imparti au fonctionnaire pour saisir le juge de l'excès de pouvoir.
5. Il ressort des pièces du dossier que le compte rendu de l'entretien professionnel dont a fait l'objet Mme B... au titre de l'année 2018, le 21 décembre 2018, lui a été notifié le 4 janvier 2019. La requérante a refusé de signer ce compte-rendu et la mention " pris connaissance " a été apposée à la place de sa signature. Il suit de ce qui a été dit au point 4 que cette notification ne constitue pas le point de départ du délai de recours contentieux. Aucune pièce ne permet d'établir la date de communication du compte-rendu visé par l'autorité territoriale et les conditions de cette communication. En conséquence, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande, enregistrée le 11 mars 2019 à son greffe, comme étant tardive. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen ayant trait à sa régularité, le jugement attaqué doit être annulé pour ce motif.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que sur ses moyens soulevés en appel.
Sur la légalité du compte rendu d'entretien professionnel :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. / (...) ".
8. Si Mme B... soutient que le compte-rendu d'entretien professionnel contesté est illégal au motif qu'il ne comporte pas le nom et le prénom de son deuxième signataire, il ressort de ce compte rendu que seule la fonction du deuxième signataire y figure. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'un rapport rédigé dans le cadre d'une procédure disciplinaire et signé le 30 octobre 2018, sur lequel figurait la même signature, accompagnée des mentions omises, a été notifié à Mme B.... Ainsi, alors au surplus qu'elle est employée par la commune depuis de nombreuses années, elle ne pouvait ignorer que le deuxième signataire de l'acte était Mme D..., directrice de la petite enfance. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 16 décembre 2014 : " L'entretien professionnel porte principalement sur : / 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; / 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des évolutions prévisibles en matière d'organisation et de fonctionnement du service ; / 3° La manière de servir du fonctionnaire ; / 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; / 5° Le cas échéant, ses capacités d'encadrement ; / 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ainsi que l'accomplissement de ses formations obligatoires ; (...) ".

10. Pour contester son évaluation, Mme B... soutient que le compte rendu d'entretien professionnel contesté mentionne plusieurs objectifs professionnels alors qu'aucun objectif ne lui a été fixé pour l'année en cours. Toutefois, Mme B... exerce les mêmes fonctions depuis 2013, sa fiche de poste mentionne que " le poste nécessite des capacités d'adaptation, d'anticipation, le sens de la polyvalence et l'implication dans le projet d'établissement " et elle est amenée à assurer des missions de remplacement auprès du personnel " petite enfance " dans les groupes d'enfants et auprès du personnel technique sur les postes de cuisinière et de lingère. Ainsi en rappelant la nécessité pour la requérant d'effectuer des missions de remplacement auprès du personnel " petite enfance ", objectif qui a au demeurant été considéré comme étant atteint, l'administration a évalué la requérante au regard de sa fiche de poste et ne s'est ainsi pas référée à un objectif qui ne lui avait pas été fixé.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du décret du 16 décembre 2014 : " Le compte-rendu de l'entretien, établi et signé par le supérieur hiérarchique direct, comporte une appréciation générale littérale exprimant la valeur professionnelle du fonctionnaire au regard des critères fixés à l'article 4. " L'article 4 de ce décret précise que : " Les critères à partir desquels la valeur professionnelle du fonctionnaire est appréciée, au terme de cet entretien, sont fonction de la nature des tâches qui lui sont confiées et du niveau de responsabilité assumé. Ces critères, fixés après avis du comité technique, portent notamment sur : 1° Les résultats professionnels obtenus par l'agent et la réalisation des objectifs ; 2° Les compétences professionnelles et techniques ; 3° Les qualités relationnelles ; 4° La capacité d'encadrement ou d'expertise ou, le cas échéant, à exercer des fonctions d'un niveau supérieur. ".

12. Mme B... soutient qu'elle a toujours donné pleinement satisfaction dans ses fonctions, qu'elle exerce depuis de nombreuses années, que l'hostilité manifestée à son égard par son supérieur hiérarchique a faussé son évaluation et, qu'en conséquence, son appréciation ne reflète pas sa valeur professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante a fait l'objet d'un rapport disciplinaire avant son évaluation en raison de remarques agressives et déplacées à l'égard de ses collègues et de sa hiérarchie, ce qui explique que le compte rendu d'entretien mentionne que " la relation professionnelle s'est dégradée " et que " cela a eu un impact sur le travail auprès des enfants et de l'équipe " et qu'elle n'a que partiellement acquis les compétences " capacité à travailler en équipe ", " aptitude à prévenir, gérer et arbitrer les conflits ", " capacité d'adaptation ", " autonomie et force de proposition " et " connaissance et respect des obligations de service public ". En outre, la requérante ne saurait se prévaloir d'anciennes évaluations plus favorables pour demander l'annulation du compte rendu d'entretien contesté. Ainsi, et quand bien même les compétences professionnelles et techniques de Mme B... seraient pour partie acquises, l'administration n'a pas entaché le compte rendu contesté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la manière de servir de l'intéressée.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du compte rendu d'entretien professionnel dont elle a fait l'objet au titre de l'année 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Denis, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par la commune de Saint-Denis au même titre.

D E C I D E :


Article 1er : Le jugement n° 1902638 du 16 juillet 2021 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Montreuil et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Denis présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune de Saint-Denis.
Copie en sera adressée au ministre de la transformation et de la fonction publiques et à la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2023.
La rapporteure,
E. A...Le président,
C. JARDIN

La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.



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