Base de jurisprudence


Analyse n° 87753
28 février 1992
Conseil d'État

N° 87753
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 28 février 1992


01-01-02-02-005 : ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACCORDS INTERNATIONAUX - APPLICATION PAR LE JUGE FRANCAIS - TRAITE DE ROME

Compatibilité d'une loi postérieure avec les objectifs d'une directive communautaire - Absence - Conséquences - Illégalité de nature à engager la responsabilité de l'Etat (1) (2) (3).




Les dispositions de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976 qui confèrent au Gouvernement un pouvoir spécifique de fixation du prix des tabacs importés de pays membres de la Communauté européenne, indépendamment de l'application de la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix, et qui lui permettent ainsi de fixer le prix de vente des tabacs importés dans des conditions non prévues par l'article 5-1 de la directive du 19 décembre 1972, sont incompatibles avec les objectifs définis par cette directive. Il suit de là que l'article 10 du décret du 31 décembre 1976, pris sur le fondement de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976, dont il y a lieu d'écarter l'application, est lui-même dépourvu de base légale (1). En conséquence, les décisions ministérielles prises en application du décret du 31 décembre 1976 et refusant, pour la période du 1er novembre 1982 au 31 décembre 1983, de fixer le prix des tabacs manufacturés aux niveaux demandés par les sociétés requérantes sont illégales et cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de l'Etat (2). Le préjudice dont les sociétés requérantes sont fondées à demander réparation est égal à la différence entre les recettes qu'elles ont perçues sur la base des prix de vente au détail fixés en application des décisions dont l'illégalité a été constatée ci-dessus et les recettes qu'elles auraient perçues sur la base de prix légalement fixés. Il résulte de l'instruction que si le prix des tabacs avait été fixé, pendant la période considérée, selon la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix résultant de l'ordonnance du 30 juin 1945 et de ses arrêtés d'application, la hausse de ce prix aurait pu être limitée à 7 % sans constituer une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation. Compte tenu du blocage général des prix décidé le 14 juin 1982 et du calendrier selon lequel les différents prix de produits comparables ont été effectivement libérés à partir du mois de novembre 1982, cette hausse aurait été limitée à 3,5 % à compter du 1er novembre 1982, puis portée à 7 % au 1er juillet 1983. Il résulte des pièces du dossier que le ministre a accordé au cours de la même période une hausse du prix des tabacs de 5,5 % au 24 janvier 1983, portée à 6,1 % au 1er juillet suivant, abstraction faite de la hausse résultant de l'application de la législation fiscale et sociale. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les sociétés requérantes en fixant à 230 000 F l'indemnité qui leur est due.



01-04-01-01-02-01 : ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - TRAITES ET DROIT DERIVE - DROIT COMMUNAUTAIRE (VOIR COMMUNAUTES EUROPEENNES) - DROIT DERIVE - DIRECTIVES

Compatibilité entre les objectifs définis par une directive du conseil des communautés européennes et des dispositions législatives postérieures - Absence - Conséquences - Dispositions réglementaires prises en application de la loi dépourvues de base légale et illégalité des décisions ministérielles prises sur leur fondement (1) (2) - Illégalité de nature à engager la responsabilité de l'Etat (3).




Les dispositions de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976 qui confèrent au Gouvernement un pouvoir spécifique de fixation du prix des tabacs importés de pays membres de la Communauté européenne, indépendamment de l'application de la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix, et qui lui permettent ainsi de fixer le prix de vente des tabacs importés dans des conditions non prévues par l'article 5-1 de la directive du 19 décembre 1972, sont incompatibles avec les objectifs définis par cette directive. Il suit de là que l'article 10 du décret du 31 décembre 1976, pris sur le fondement de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976, dont il y a lieu d'écarter l'application, est lui-même dépourvu de base légale (1). En conséquence, les décisions ministérielles prises en application du décret du 31 décembre 1976 et refusant, pour la période du 1er novembre 1982 au 31 décembre 1983, de fixer le prix des tabacs manufacturés aux niveaux demandés par les sociétés requérantes sont illégales et cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de l'Etat (2). Le préjudice dont les sociétés requérantes sont fondées à demander réparation est égal à la différence entre les recettes qu'elles ont perçues sur la base des prix de vente au détail fixés en application des décisions dont l'illégalité a été constatée ci-dessus et les recettes qu'elles auraient perçues sur la base de prix légalement fixés. Il résulte de l'instruction que si le prix des tabacs avait été fixé, pendant la période considérée, selon la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix résultant de l'ordonnance du 30 juin 1945 et de ses arrêtés d'application, la hausse de ce prix aurait pu être limitée à 7 % sans constituer une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation. Compte tenu du blocage général des prix décidé le 14 juin 1982 et du calendrier selon lequel les différents prix de produits comparables ont été effectivement libérés à partir du mois de novembre 1982, cette hausse aurait été limitée à 3,5 % à compter du 1er novembre 1982, puis portée à 7 % au 1er juillet 1983. Il résulte des pièces du dossier que le ministre a accordé au cours de la même période une hausse du prix des tabacs de 5,5 % au 24 janvier 1983, portée à 6,1 % au 1er juillet suivant, abstraction faite de la hausse résultant de l'application de la législation fiscale et sociale. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les sociétés requérantes en fixant à 230 000 F l'indemnité qui leur est due.



14-04 : COMMERCE, INDUSTRIE, INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES PRIX

Prix des produits tabagiques - Incompatibilité entre les objectifs définis par la directive n° 72-464 du 19 décembre 1972 du Conseil des Communautés et l'article 6 de la loi du 24 mai 1976 - Conséquence - Dispositions réglementaires prises en application de la loi dépourvues de base légale et illégalité des décisions ministérielles prises sur leur fondement (1) (2) - Illégalité de nature à engager la responsabilité de l'Etat (3).




Les dispositions de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976 qui confèrent au Gouvernement un pouvoir spécifique de fixation du prix des tabacs importés de pays membres de la Communauté européenne, indépendamment de l'application de la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix, et qui lui permettent ainsi de fixer le prix de vente des tabacs importés dans des conditions non prévues par l'article 5-1 de la directive du 19 décembre 1972, sont incompatibles avec les objectifs définis par cette directive. Il suit de là que l'article 10 du décret du 31 décembre 1976, pris sur le fondement de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976, dont il y a lieu d'écarter l'application, est lui-même dépourvu de base légale (1). En conséquence, les décisions ministérielles prises en application du décret du 31 décembre 1976 et refusant, pour la période du 1er novembre 1982 au 31 décembre 1983, de fixer le prix des tabacs manufacturés aux niveaux demandés par les sociétés requérantes sont illégales et cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de l'Etat (2). Le préjudice dont les sociétés requérantes sont fondées à demander réparation est égal à la différence entre les recettes qu'elles ont perçues sur la base des prix de vente au détail fixés en application des décisions dont l'illégalité a été constatée ci-dessus et les recettes qu'elles auraient perçues sur la base de prix légalement fixés. Il résulte de l'instruction que si le prix des tabacs avait été fixé, pendant la période considérée, selon la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix résultant de l'ordonnance du 30 juin 1945 et de ses arrêtés d'application, la hausse de ce prix aurait pu être limitée à 7 % sans constituer une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation. Compte tenu du blocage général des prix décidé le 14 juin 1982 et du calendrier selon lequel les différents prix de produits comparables ont été effectivement libérés à partir du mois de novembre 1982, cette hausse aurait été limitée à 3,5 % à compter du 1er novembre 1982, puis portée à 7 % au 1er juillet 1983. Il résulte des pièces du dossier que le ministre a accordé au cours de la même période une hausse du prix des tabacs de 5,5 % au 24 janvier 1983, portée à 6,1 % au 1er juillet suivant, abstraction faite de la hausse résultant de l'application de la législation fiscale et sociale. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les sociétés requérantes en fixant à 230 000 F l'indemnité qui leur est due.



14-04-02 : COMMERCE, INDUSTRIE, INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES PRIX - ORDONNANCE DU 30 JUIN 1945

Prix des tabacs fixés à tort sur le fondement de la loi n° 76-448 du 24 mai 1976, incompatibles avec les objectifs d'une directive communautaire antérieure - Conséquences - Dispositions réglementaires prises en application de la loi dépourvues de base légale et illégalité des décisions ministérielles prises sur leur fondement (1) (2) - Illégalité de nature à engager la responsabilité de l'Etat (3) - Préjudice calculé compte tenu des hausses autorisées, pendant la période considérée, par la législation nationale sur le contrôle des prix résultant de l'ordonnance de 30 juin 1945 et ses arrêtés d'application.




Les dispositions de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976 qui confèrent au Gouvernement un pouvoir spécifique de fixation du prix des tabacs importés de pays membres de la Communauté européenne, indépendamment de l'application de la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix, et qui lui permettent ainsi de fixer le prix de vente des tabacs importés dans des conditions non prévues par l'article 5-1 de la directive du 19 décembre 1972, sont incompatibles avec les objectifs définis par cette directive. Il suit de là que l'article 10 du décret du 31 décembre 1976, pris sur le fondement de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976, dont il y a lieu d'écarter l'application, est lui-même dépourvu de base légale (1). En conséquence, les décisions ministérielles prises en application du décret du 31 décembre 1976 et refusant, pour la période du 1er novembre 1982 au 31 décembre 1983, de fixer le prix des tabacs manufacturés aux niveaux demandés par les sociétés requérantes sont illégales et cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de l'Etat (2). Le préjudice dont les sociétés requérantes sont fondées à demander réparation est égal à la différence entre les recettes qu'elles ont perçues sur la base des prix de vente au détail fixés en application des décisions dont l'illégalité a été constatée ci-dessus et les recettes qu'elles auraient perçues sur la base de prix légalement fixés. Il résulte de l'instruction que si le prix des tabacs avait été fixé, pendant la période considérée, selon la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix résultant de l'ordonnance du 30 juin 1945 et de ses arrêtés d'application, la hausse de ce prix aurait pu être limitée à 7 % sans constituer une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation. Compte tenu du blocage général des prix décidé le 14 juin 1982 et du calendrier selon lequel les différents prix de produits comparables ont été effectivement libérés à partir du mois de novembre 1982, cette hausse aurait été limitée à 3,5 % à compter du 1er novembre 1982, puis portée à 7 % au 1er juillet 1983. Il résulte des pièces du dossier que le ministre a accordé au cours de la même période une hausse du prix des tabacs de 5,5 % au 24 janvier 1983, portée à 6,1 % au 1er juillet suivant, abstraction faite de la hausse résultant de l'application de la législation fiscale et sociale. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les sociétés requérantes en fixant à 230 000 F l'indemnité qui leur est due.



15-02-04 : COMMUNAUTES EUROPEENNES - PORTEE DES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRES - DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES

Compatibilité entre les objectifs définis par une directive du Conseil des Communautés européennes et des dispositions législatives postérieures - Illégalité de nature à engager la responsabilité de l'Etat (2) (3).




Les dispositions de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976 qui confèrent au Gouvernement un pouvoir spécifique de fixation du prix des tabacs importés de pays membres de la Communauté européenne, indépendamment de l'application de la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix, et qui lui permettent ainsi de fixer le prix de vente des tabacs importés dans des conditions non prévues par l'article 5-1 de la directive du 19 décembre 1972, sont incompatibles avec les objectifs définis par cette directive. Il suit de là que l'article 10 du décret du 31 décembre 1976, pris sur le fondement de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976, dont il y a lieu d'écarter l'application, est lui-même dépourvu de base légale. En conséquence, les décisions ministérielles prises en application du décret du 31 décembre 1976 et refusant, pour la période du 1er novembre 1982 au 31 décembre 1983, de fixer le prix des tabacs manufacturés aux niveaux demandés par les sociétés requérantes sont illégales et cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Le préjudice dont les sociétés requérantes sont fondées à demander réparation est égal à la différence entre les recettes qu'elles ont perçues sur la base des prix de vente au détail fixés en application des décisions dont l'illégalité a été constatée ci-dessus et les recettes qu'elles auraient perçues sur la base de prix légalement fixés.



54-07-01-04-035 : PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - MOYENS - MOYENS OPERANTS

Moyen tiré de la méconnaissance d'une directive communautaire - Moyen tiré de l'incompatibilité entre les objectifs définis par une directive du Conseil des Communautés européennes et une loi postérieure (1) (2) - Conséquences - Illégalité de nature à engager la responsabilité de l'Etat (3).




Les dispositions de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976 qui confèrent au Gouvernement un pouvoir spécifique de fixation du prix des tabacs importés de pays membres de la Communauté européenne, indépendamment de l'application de la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix, et qui lui permettent ainsi de fixer le prix de vente des tabacs importés dans des conditions non prévues par l'article 5-1 de la directive du 19 décembre 1972, sont incompatibles avec les objectifs définis par cette directive. Il suit de là que l'article 10 du décret du 31 décembre 1976, pris sur le fondement de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976, dont il y a lieu d'écarter l'application, est lui-même dépourvu de base légale (1). En conséquence, les décisions ministérielles prises en application du décret du 31 décembre 1976 et refusant, pour la période du 1er novembre 1982 au 31 décembre 1983, de fixer le prix des tabacs manufacturés aux niveaux demandés par les sociétés requérantes sont illégales et cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de l'Etat (2). Le préjudice dont les sociétés requérantes sont fondées à demander réparation est égal à la différence entre les recettes qu'elles ont perçues sur la base des prix de vente au détail fixés en application des décisions dont l'illégalité a été constatée ci-dessus et les recettes qu'elles auraient perçues sur la base de prix légalement fixés. Il résulte de l'instruction que si le prix des tabacs avait été fixé, pendant la période considérée, selon la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix résultant de l'ordonnance du 30 juin 1945 et de ses arrêtés d'application, la hausse de ce prix aurait pu être limitée à 7 % sans constituer une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation. Compte tenu du blocage général des prix décidé le 14 juin 1982 et du calendrier selon lequel les différents prix de produits comparables ont été effectivement libérés à partir du mois de novembre 1982, cette hausse aurait été limitée à 3,5 % à compter du 1er novembre 1982, puis portée à 7 % au 1er juillet 1983. Il résulte des pièces du dossier que le ministre a accordé au cours de la même période une hausse du prix des tabacs de 5,5 % au 24 janvier 1983, portée à 6,1 % au 1er juillet suivant, abstraction faite de la hausse résultant de l'application de la législation fiscale et sociale. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les sociétés requérantes en fixant à 230 000 F l'indemnité qui leur est due.



60-01-04-01 : RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE

Divers - Méconnaissance du droit international et du droit communautaire - Illégalité des décisions ministérielles prises sur le fondement de dispositions réglementaires dépourvues de base légale - Dispositions réglementaires prise en application de dispositions législatives postérieures et contraires aux objectifs définis par une directive communautaire (1) (2) (3).




Les dispositions de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976 qui confèrent au Gouvernement un pouvoir spécifique de fixation du prix des tabacs importés de pays membres de la Communauté européenne, indépendamment de l'application de la législation nationale sur le contrôle du niveau des prix, et qui lui permettent ainsi de fixer le prix de vente des tabacs importés dans des conditions non prévues par l'article 5-1 de la directive du 19 décembre 1972, sont incompatibles avec les objectifs définis par cette directive. Il suit de là que l'article 10 du décret du 31 décembre 1976, pris sur le fondement de l'article 6 de la loi du 24 mai 1976, dont il y a lieu d'écarter l'application, est lui-même dépourvu de base légale (1). En conséquence, les décisions ministérielles prises en application du décret du 31 décembre 1976 et refusant, pour la période du 1er novembre 1982 au 31 décembre 1983, de fixer le prix des tabacs manufacturés aux niveaux demandés par les sociétés requérantes sont illégales et cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de l'Etat (2).