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Ariane Web: Conseil d'État 138653, lecture du 9 avril 1993

Analyse n° 138653
9 avril 1993
Conseil d'État

N° 138653
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 9 avril 1993


54-08-02-02-01-01-01 : PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - ERREUR DE DROIT - EXISTENCE

Responsabilité de la puissance publique - Cour ayant estimé que la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée qu'en cas de faute lourde dans le contrôle des centres de transfusion sanguine et la réglementation des produits sanguins (1).




La responsabilité de l'Etat peut être engagée par toute faute commise dans l'exercice des attributions relatives à l'organisation générale du service public de la transfusion sanguine, au contrôle des établissements qui sont chargés de son exécution et à l'édiction des règles propres à assurer la qualité du sang humain. En outre, dans le cas où cette responsabilité serait engagée, l'Etat ne pourrait s'en exonérer en invoquant des fautes commises par les établissements de transfusion sanguine. Par suite, en estimant que la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée qu'en cas de faute lourde et que l'Etat pourrait être partiellement exonéré de la responsabilité ainsi encourue en raison de fautes commises par les établissements de transfusion sanguine, la cour administrative d'appel de Paris a entaché sa décision d'erreur de droit.



60-01-02-02-02 : RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE SIMPLE

Responsabilité médicale - Responsabilité de l'Etat du fait de l'exercice de ses attributions dans l'organisation générale de la transfusion sanguine, le contrôle des centres de transfusion et la réglementation des produits sanguins (1) (3).




Eu égard tant à l'étendue des pouvoirs que les dispositions des articles L.666 et suivants du code de la santé publique et du décret du 16 janvier 1954 modifié pris pour leur application confèrent aux services de l'Etat en ce qui concerne l'organisation générale du service public de la transfusion sanguine, le contrôle des établissements qui sont chargés de son exécution et l'édiction des règles propres à assurer la qualité du sang humain, de son plasma et de ses dérivés, qu'aux buts en vue desquels ces pouvoirs leur ont été attribués, la responsabilité de l'Etat peut être engagée par toute faute commise dans l'exercice desdites attributions.



60-01-03-01 : RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RETARDS

Existence d'une faute - Santé publique - Retard fautif de l'Etat, à compter du 22 novembre 1984, à interdire la délivrance des produits sanguins non chauffés - Responsabilité de l'Etat à raison des contaminations provoquées par des transfusions de produits sanguins pratiquées entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985, date à laquelle a été prise la mesure d'interdiction nécessaire (1) (3).




Le risque de contamination par le virus V.I.H. par la voie de la transfusion sanguine était tenu pour établi par la communauté scientifique dès novembre 1983 et l'efficacité du procédé du chauffage pour inactiver le virus était reconnue au sein de cette communauté dès octobre 1984, tandis qu'il était admis, à cette époque qu'au moins 10 % des personnes séropositives contractent le syndrome d'immunodéficience acquise dans les cinq ans et que l'issue de cette maladie est fatale dans au moins 70 % des cas. Ces faits ont été consignés le 22 novembre 1984 par le docteur Brunet, épidémiologiste à la direction générale de la santé, dans un rapport soumis à la commission consultative de la transfusion sanguine. Eu égard au caractère contradictoire et incertain des informations antérieurement disponibles tant sur l'évolution de la maladie que sur les techniques susceptibles d'être utilisées pour en éviter la transmission, il ne peut être reproché à l'administration de n'avoir pas pris avant cette date de mesures propres à limiter les risques de contamination par transfusion sanguine, notamment en interdisant la délivrance des produits sanguins non chauffés, en informant les hémophiles et leurs médecins des risques encourus, ou en mettant en place des tests de dépistage du virus sur les dons de sang et une sélection des dons. En revanche, il appartenait à l'autorité administrative, informée à ladite date du 22 novembre 1984, de façon non équivoque, de l'existence d'un risque sérieux de contamination des transfusés et de la possibilité d'y parer par l'utilisation des produits chauffés qui étaient alors disponibles sur le marché international, d'interdire, sans attendre d'avoir la certitude que tous les lots de produits dérivés du sang étaient contaminés, la délivrance des produits dangereux, comme elle pouvait le faire par arrêté ministériel pris sur le fondement de l'article L.669 du code de la santé publique. Une telle mesure n'a été prise que par une circulaire dont il n'est pas établi qu'elle ait été diffusée avant le 20 octobre 1985. Cette carence fautive de l'administration est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des contaminations provoquées par des transfusions de produits sanguins pratiquées entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985.



60-02-01 : RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE

Réglementation sanitaire - Retard fautif de l'Etat, à compter du 22 novembre 1984, à interdire la délivrance des produits sanguins non chauffés - Responsabilité de l'Etat à raison des contaminations provoquées par des transfusions de produits sanguins pratiquées entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985, date à laquelle a été prise la mesure d'interdiction nécessaire (1).




Le risque de contamination par le virus V.I.H. par la voie de la transfusion sanguine était tenu pour établi par la communauté scientifique dès novembre 1983 et l'efficacité du procédé du chauffage pour inactiver le virus était reconnue au sein de cette communauté dès octobre 1984, tandis qu'il était admis, à cette époque qu'au moins 10 % des personnes séropositives contractent le syndrome d'immunodéficience acquise dans les cinq ans et que l'issue de cette maladie est fatale dans au moins 70 % des cas. Ces faits ont été consignés le 22 novembre 1984 par le docteur Brunet, épidémiologiste à la direction générale de la santé, dans un rapport soumis à la commission consultative de la transfusion sanguine. Eu égard au caractère contradictoire et incertain des informations antérieurement disponibles tant sur l'évolution de la maladie que sur les techniques susceptibles d'être utilisées pour en éviter la transmission, il ne peut être reproché à l'administration de n'avoir pas pris avant cette date de mesures propres à limiter les risques de contamination par transfusion sanguine, notamment en interdisant la délivrance des produits sanguins non chauffés, en informant les hémophiles et leurs médecins des risques encourus, ou en mettant en place des tests de dépistage du virus sur les dons de sang et une sélection des dons. En revanche, il appartenait à l'autorité administrative, informée à ladite date du 22 novembre 1984, de façon non équivoque, de l'existence d'un risque sérieux de contamination des transfusés et de la possibilité d'y parer par l'utilisation des produits chauffés qui étaient alors disponibles sur le marché international, d'interdire, sans attendre d'avoir la certitude que tous les lots de produits dérivés du sang étaient contaminés, la délivrance des produits dangereux, comme elle pouvait le faire par arrêté ministériel pris sur le fondement de l'article L.669 du code de la santé publique. Une telle mesure n'a été prise que par une circulaire dont il n'est pas établi qu'elle ait été diffusée avant le 20 octobre 1985. Cette carence fautive de l'administration est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des contaminations provoquées par des transfusions de produits sanguins pratiquées entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985.



60-04-01-03-02 : RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - EXISTENCE

Transfusion de produits sanguins non chauffés - Lots fournis postérieurement au 22 novembre 1984 - Séropositivité révélée le 14 juin 1985 (1).




Séropositivité de M. D., qui à la date du 23 août 1984 n'était pas porteur d'anticorps révélant l'existence du virus de l'immunodéficience humaine, révélée le 14 juin 1985. Il n'est pas contesté qu'il a subi des transfusions de produits sanguins non chauffés à raison d'une injection toutes les trois semaines à partir de lots qui ont été fournis le 26 novembre 1984, 4 janvier, 14 février, 16 mars et 21 avril 1985. Dès lors, la responsabilité de l'Etat est engagée à l'égard de M. D. en raison des conséquences dommageables des transfusions qu'il a reçues au cours de la période précitée.



60-04-02-02 : RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - CAUSES EXONERATOIRES DE RESPONSABILITE - FAIT DU TIERS

Contamination de personnes lors de transfusions sanguines - Fait du tiers non exonératoire - Responsabilité de l'Etat pour faute du fait de l'exercice de ses attributions dans l'organisation générale de la transfusion sanguine, le contrôle des centres de transfusion et la réglementation des produits sanguins - Fautes commises par les centres de transfusion ne pouvant exonérer l'Etat compte tenu de l'étroite collaboration et de la répartition des compétences instituées entre l'Etat et les centres (1) (2).




Eu égard tant à l'étendue des pouvoirs que les dispositions des articles L.666 et suivants du code de la santé publique et du décret du 16 janvier 1954 modifié pris pour leur application confèrent aux services de l'Etat en ce qui concerne l'organisation générale du service public de la transfusion sanguine, le contrôle des établissements qui sont chargés de son exécution et l'édiction des règles propres à assurer la qualité du sang humain, de son plasma et de ses dérivés, qu'aux buts en vue desquels ces pouvoirs leur ont été attribués, la responsabilité de l'Etat peut être engagée par toute faute commise dans l'exercice desdites attributions. En outre, dans le cas où cette responsabilité serait engagée, l'Etat ne pourrait s'en exonérer, compte tenu de l'étroite collaboration et de la répartition des compétences instituées entre ses services et les établissements de transfusion sanguine, en invoquant des fautes commises par lesdits établissements.



61-03-07 : SANTE PUBLIQUE - LUTTE CONTRE LES FLEAUX SOCIAUX - LUTTE CONTRE LE S.I.D.A.

Retard à interdire la tranfusion de produits sanguins non chauffés - Responsabilité de l'Etat à raison des contaminations provoquées par des transfusions pratiquées entre le 22 novembre 1984 et la date de l'interdiction (1).




Le risque de contamination par le virus V.I.H. par la voie de la transfusion sanguine était tenu pour établi par la communauté scientifique dès novembre 1983 et l'efficacité du procédé du chauffage pour inactiver le virus était reconnue au sein de cette communauté dès octobre 1984, tandis qu'il était admis, à cette époque qu'au moins 10 % des personnes séropositives contractent le syndrome d'immunodéficience acquise dans les cinq ans et que l'issue de cette maladie est fatale dans au moins 70 % des cas. Ces faits ont été consignés le 22 novembre 1984 par le docteur Brunet, épidémiologiste à la direction générale de la santé, dans un rapport soumis à la commission consultative de la transfusion sanguine. Eu égard au caractère contradictoire et incertain des informations antérieurement disponibles tant sur l'évolution de la maladie que sur les techniques susceptibles d'être utilisées pour en éviter la transmission, il ne peut être reproché à l'administration de n'avoir pas pris avant cette date de mesures propres à limiter les risques de contamination par transfusion sanguine, notamment en interdisant la délivrance des produits sanguins non chauffés, en informant les hémophiles et leurs médecins des risques encourus, ou en mettant en place des tests de dépistage du virus sur les dons de sang et une sélection des dons. En revanche, il appartenait à l'autorité administrative, informée à ladite date du 22 novembre 1984, de façon non équivoque, de l'existence d'un risque sérieux de contamination des transfusés et de la possibilité d'y parer par l'utilisation des produits chauffés qui étaient alors disponibles sur le marché international, d'interdire, sans attendre d'avoir la certitude que tous les lots de produits dérivés du sang étaient contaminés, la délivrance des produits dangereux, comme elle pouvait le faire par arrêté ministériel pris sur le fondement de l'article L.669 du code de la santé publique. Une telle mesure n'a été prise que par une circulaire dont il n'est pas établi qu'elle ait été diffusée avant le 20 octobre 1985. Cette carence fautive de l'administration est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des contaminations provoquées par des transfusions de produits sanguins pratiquées entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985.



61-05-01 : SANTE PUBLIQUE - UTILISATION THERAPEUTIQUE DE PRODUITS D'ORIGINE HUMAINE - DONS DU SANG

Responsabilité de la puissance publique à raison de la transfusion de produits sanguins - Retard à interdire la transfusion de produits non chauffés - Responsabilité de l'Etat à raison des contaminations par le virus de l'immunodéficience humaine dues à des transfusions pratiquées entre le 22 novembre 1984 et la date de l'interdiction (1).




Le risque de contamination par le virus V.I.H. par la voie de la transfusion sanguine était tenu pour établi par la communauté scientifique dès novembre 1983 et l'efficacité du procédé du chauffage pour inactiver le virus était reconnue au sein de cette communauté dès octobre 1984, tandis qu'il était admis, à cette époque qu'au moins 10 % des personnes séropositives contractent le syndrome d'immunodéficience acquise dans les cinq ans et que l'issue de cette maladie est fatale dans au moins 70 % des cas. Ces faits ont été consignés le 22 novembre 1984 par le docteur Brunet, épidémiologiste à la direction générale de la santé, dans un rapport soumis à la commission consultative de la transfusion sanguine. Eu égard au caractère contradictoire et incertain des informations antérieurement disponibles tant sur l'évolution de la maladie que sur les techniques susceptibles d'être utilisées pour en éviter la transmission, il ne peut être reproché à l'administration de n'avoir pas pris avant cette date de mesures propres à limiter les risques de contamination par transfusion sanguine, notamment en interdisant la délivrance des produits sanguins non chauffés, en informant les hémophiles et leurs médecins des risques encourus, ou en mettant en place des tests de dépistage du virus sur les dons de sang et une sélection des dons. En revanche, il appartenait à l'autorité administrative, informée à ladite date du 22 novembre 1984, de façon non équivoque, de l'existence d'un risque sérieux de contamination des transfusés et de la possibilité d'y parer par l'utilisation des produits chauffés qui étaient alors disponibles sur le marché international, d'interdire, sans attendre d'avoir la certitude que tous les lots de produits dérivés du sang étaient contaminés, la délivrance des produits dangereux, comme elle pouvait le faire par arrêté ministériel pris sur le fondement de l'article L.669 du code de la santé publique. Une telle mesure n'a été prise que par une circulaire dont il n'est pas établi qu'elle ait été diffusée avant le 20 octobre 1985. Cette carence fautive de l'administration est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des contaminations provoquées par des transfusions de produits sanguins pratiquées entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985.

Voir aussi