Base de jurisprudence


Analyse n° 287777
9 décembre 2005
Conseil d'État

N° 287777
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 9 décembre 2005



49-06-01 : Police administrative- Aggravation exceptionnelle des pouvoirs de police- État d'urgence-

a) Demande tendant à la suspension de l'état d'urgence - Compétence du juge des référés (art. L. 521-2 du CJA) - Exclusion - Mesures de suspension de l'état d'urgence ou d'injonction d'y mettre fin - Inclusion - Mesure d'injonction de réexaminer les circonstances de fait et de droit ayant donné lieu à la mise en oeuvre de l'état d'urgence - b) Mise en oeuvre des pouvoirs prévus par la loi du 3 avril 1955 - Existence d'un contrôle de l'usage effectif de ces pouvoirs par les juridictions compétentes - c) Modalités d'exercice du pouvoir de mettre un terme à l'état d'urgence (art. 3 de la loi du 18 novembre 2005) - 1) Existence d'un contrôle de la part du juge de la légalité - 2) Contrôle de l'appréciation portée par le Président de la République en l'espèce - Absence d'illégalité manifeste à ne pas avoir mis fin à l'état d'urgence.




a) Les mesures de suspension de l'état d'urgence et d'injonction au Président de la République d'y mettre fin, qu'il est demandé au juge des référés de prescrire sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, auraient la même portée que l'obligation qui pèserait sur l'autorité administrative à la suite d'une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux annulant le refus du Président de la République de mettre un terme à l'état d'urgence au motif qu'il ne peut légalement s'abstenir de prendre un décret en ce sens. Le prononcé de telles mesures, qui n'ont pas un caractère provisoire à la différence d'une mesure enjoignant au Président de la République de réexaminer les circonstances de fait et de droit qui ont conduit à la mise en oeuvre de l'état d'urgence, excède la compétence du juge des référés. b) Il ressort des débats qui ont précédé l'adoption de la loi du 18 novembre 2005 que le Parlement a entendu ouvrir aux autorités administratives et judiciaires les pouvoirs étendus prévus par la loi du 3 avril 1955, sans pour autant soustraire leur usage effectif au contrôle des juridictions compétentes. c) 1) Le silence de la loi sur les conditions de mise en oeuvre de la faculté reconnue au Président de la République de mettre fin à l'état d'urgence "par décret en conseil des ministres" ne saurait être interprété, eu égard à la circonstance qu'un régime de pouvoirs exceptionnels a des effets qui dans un Etat de droit sont par nature limités dans le temps et dans l'espace, comme faisant échapper ses modalités de mise en oeuvre à tout contrôle de la part du juge de la légalité. 2) En l'espèce, en raison notamment des conditions dans lesquelles se sont développées les violences urbaines à partir du 27 octobre 2005, de la soudaineté de leur propagation, de l'éventualité de leur recrudescence à l'occasion des rassemblements sur la voie publique lors des fêtes de fin d'année et de l'impératif de prévention inhérent à tout régime de police administrative, il ne saurait être valablement soutenu qu'en décidant de ne pas mettre fin dès à présent à la déclaration de l'état d'urgence, le chef de l'Etat aurait, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation étendu qui est le sien, pris une décision qui serait entachée d'une illégalité manifeste, alors même que, comme le soulignent les requérants, les circonstances qui ont justifié la déclaration d'urgence ont sensiblement évolué.





54-035-03-03-01-02 : Procédure- Procédures instituées par la loi du juin - Référé tendant au prononcé de mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (article L du code de justice administrative)- Conditions d'octroi de la mesure demandée- Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale- Atteinte grave et manifestement illégale-

Absence à la date où le juge des référés a statué - Décision du Président de la République de ne pas mettre fin à l'état d'urgence au vu d'un réexamen des conditions ayant justifié sa mise en oeuvre (art. 3 de la loi du 18 novembre 2005).




Le silence de la loi sur les conditions de mise en oeuvre de la faculté reconnue au Président de la République de mettre fin à l'état d'urgence "par décret en conseil des ministres" ne saurait être interprété, eu égard à la circonstance qu'un régime de pouvoirs exceptionnels a des effets qui dans un Etat de droit sont par nature limités dans le temps et dans l'espace, comme faisant échapper ses modalités de mise en oeuvre à tout contrôle de la part du juge de la légalité. En l'espèce, en raison notamment des conditions dans lesquelles se sont développées les violences urbaines à partir du 27 octobre 2005, de la soudaineté de leur propagation, de l'éventualité de leur recrudescence à l'occasion des rassemblements sur la voie publique lors des fêtes de fin d'année et de l'impératif de prévention inhérent à tout régime de police administrative, il ne saurait être valablement soutenu qu'en décidant de ne pas mettre fin dès à présent à la déclaration de l'état d'urgence, le chef de l'Etat aurait, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation étendu qui est le sien, pris une décision qui serait entachée d'une illégalité manifeste, alors même que, comme le soulignent les requérants, les circonstances qui ont justifié la déclaration d'urgence ont sensiblement évolué.





54-035-03-04-01 : Procédure- Procédures instituées par la loi du juin - Référé tendant au prononcé de mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (article L du code de justice administrative)- Pouvoirs et devoirs du juge- Mesures susceptibles d'être ordonnées par le juge des référés-

Mesures à caractère provisoire - a) Principe - Exclusion - Annulation d'une décision administrative ou mesures dont les effets seraient en tous points identiques - b) Application - Exclusion des mesures de suspension de l'état d'urgence ou d'injonction d'y mettre fin - Inclusion de l'injonction de réexaminer les circonstances de fait et de droit ayant donné lieu à la mise en oeuvre de l'état d'urgence.




a) Si, pour le cas où l'ensemble des conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, le juge des référés peut prescrire « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale », de telles mesures doivent, ainsi que l'impose l'article L. 511-1 du même code, présenter un « caractère provisoire ». Il suit de là que le juge des référés ne peut, sans excéder sa compétence, ni prononcer l'annulation d'une décision administrative, ni ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant pour défaut de base légale une telle décision. b) Les mesures de suspension de l'état d'urgence et d'injonction au Président de la République de suspendre l'état d'urgence qu'il est demandé au juge des référés de prescrire auraient la même portée que l'obligation qui pèserait sur l'autorité administrative à la suite d'une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux annulant le refus du Président de la République de mettre un terme à l'état d'urgence au motif qu'il ne peut légalement s'abstenir de prendre un décret en ce sens. Pour les motifs précédemment indiqués, le prononcé de telles mesures, qui n'ont pas un caractère provisoire à la différence d'une mesure enjoignant au Président de la République de réexaminer les circonstances de fait et de droit qui ont conduit à la mise en oeuvre de l'état d'urgence, excède la compétence du juge des référés.