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Ariane Web: Conseil d'État 279522, lecture du 8 février 2007

Analyse n° 279522
8 février 2007
Conseil d'État

N° 279522
Publié au recueil Lebon

Lecture du jeudi 8 février 2007



26-055-01-06-02 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention- Droit à un procès équitable (art- )- Violation-

Art. 41 de la loi du 25 juillet 1994 validant les appels de cotisations intervenus sur la base du décret du 27 février 1985 relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des chirurgiens-dentistes - Conséquence - Responsabilité de l'Etat.




L'intérêt financier auquel ont entendu répondre les dispositions du IV de l'article 41 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 ne peut suffire à caractériser un motif impérieux d'intérêt général permettant de justifier la validation des appels de cotisations intervenus sur la base du décret n° 85-283 du 27 février 1985 relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des chirurgiens-dentistes et sont dès lors incompatibles avec les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette validation étant directement à l'origine du rejet, par le tribunal des affaires de sécurité sociale, des conclusions du requérant tendant à être déchargé des cotisations qui lui étaient réclamées sur le fondement du décret du 27 février 1985, jugé illégal par le Conseil d'Etat, l'intéressé est fondé à demander la condamnation de l'Etat à en réparer les conséquences dommageables.





54-08-01-03-02 : Procédure- Voies de recours- Appel- Moyens recevables en appel- Présentent ce caractère-

Responsabilité de l'Etat du fait des lois - Invocation pour la première fois en appel de la responsabilité de l'Etat du fait de la méconnaissance par une loi des engagements internationaux de la France - Demande nouvelle - Absence, dès lors que le terrain de l'égalité devant les charges publiques a été invoqué en première instance (sol. impl.).




L'invocation pour la première fois en cause d'appel de la responsabilité de l'Etat du fait de la méconnaissance par une loi des engagements internationaux de la France ne constitue pas une demande nouvelle et, comme telle, irrecevable, dès lors qu'a été invoquée en première instance la responsabilité de l'Etat du fait des lois sur le terrain de la rupture de l'égalité devant les charges publiques.





60-01-02 : Responsabilité de la puissance publique- Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité- Fondement de la responsabilité-

Responsabilité de l'Etat du fait des lois - a) Fondements - 1) Egalité devant les charges publiques - Conditions - Absence de volonté contraire du législateur et existence d'un préjudice grave et spécial (1) - 2) Obligation d'assurer le respect des engagements internationaux de la France - Condition - Loi intervenue en méconnaissance de ces engagements (2) - b) Procédure - Invocation pour la première fois en appel de la responsabilité de l'Etat du fait de la méconnaissance par une loi des engagements internationaux de la France - Demande nouvelle - Absence, dès lors que le terrain de l'égalité devant les charges publiques a été invoqué en première instance (sol. impl.) - c) Application - Préjudice résultant du rejet de conclusions tendant, devant un tribunal judiciaire, à la décharge de cotisations de sécurité sociale - Lien de causalité direct avec l'intervention d'une loi de validation incompatible avec l'art. 6, par. 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Droit à réparation.




a) 1) La responsabilité de l'Etat du fait des lois est susceptible d'être engagée sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l'adoption d'une loi à la condition que cette loi n'ait pas entendu exclure toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés. 2) La responsabilité de l'Etat du fait des lois peut également être engagée en raison des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect des conventions internationales par les autorités publiques, pour réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des engagements internationaux de la France. b) L'invocation pour la première fois en cause d'appel de la responsabilité de l'Etat du fait de la méconnaissance par une loi des engagements internationaux de la France ne constitue pas une demande nouvelle et, comme telle, irrecevable, dès lors qu'a été invoquée en première instance la responsabilité de l'Etat du fait des lois sur le terrain de la rupture de l'égalité devant les charges publiques. c) L'intérêt financier auquel ont entendu répondre les dispositions du IV de l'article 41 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 ne peut suffire à caractériser un motif impérieux d'intérêt général permettant de justifier la validation des appels de cotisations intervenus sur la base du décret n° 85-283 du 27 février 1985 relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des chirurgiens-dentistes et sont dès lors incompatibles avec les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette validation étant directement à l'origine du rejet, par le tribunal des affaires de sécurité sociale, des conclusions du requérant tendant à être déchargé des cotisations qui lui étaient réclamées sur le fondement du décret du 27 février 1985, jugé illégal par le Conseil d'Etat, l'intéressé est fondé à demander la condamnation de l'Etat à en réparer les conséquences dommageables.





62-03-01 : Sécurité sociale- Cotisations- Questions générales-

Art. 41 de la loi du 25 juillet 1994 validant les appels de cotisations intervenus sur la base du décret du 27 février 1985 relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des chirurgiens-dentistes - Incompatibilité avec les stipulations de l'art. 6, par. 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Conséquence - Responsabilité de l'Etat.




L'intérêt financier auquel ont entendu répondre les dispositions du IV de l'article 41 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 ne peut suffire à caractériser un motif impérieux d'intérêt général permettant de justifier la validation des appels de cotisations intervenus sur la base du décret n° 85-283 du 27 février 1985 relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des chirurgiens-dentistes et sont dès lors incompatibles avec les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette validation étant directement à l'origine du rejet, par le tribunal des affaires de sécurité sociale, des conclusions du requérant tendant à être déchargé des cotisations qui lui étaient réclamées sur le fondement du décret du 27 février 1985, jugé illégal par le Conseil d'Etat, l'intéressé est fondé à demander la condamnation de l'Etat à en réparer les conséquences dommageables.


(1) Cf. Assemblée, 14 janvier 1938, Société anonyme des produits laitiers "La Fleurette", n° 51704, p. 25 ; 2 novembre 2005, Société coopérative agricole Ax'ion, n° 266564, p. 468. (2) Rappr., en ce qui concerne la responsabilité de l'Etat du fait d'un acte administratif méconnaissant les engagements internationaux de la France, Assemblée, 28 février 1992, Société Arizona Tobacco Products et SA Philip Morris France, n° 87753, p. 78. Rappr. CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci et autres c/ Italie, aff. C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357 ; 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur SA c/ Allemagne et Factortame Ltd et autres c/ Royaume-Uni, aff. C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I-1029. Rappr. Cour EDH, 31 octobre 1995, Papamichalopoulos et autres c/ Grèce, n° 14556/89, série A n° 330-B, p. 59.

Voir aussi