Base de jurisprudence


Analyse n° 264490
6 avril 2007
Conseil d'État

N° 264490 264491
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 6 avril 2007



39-05-02-01 : Marchés et contrats administratifs- Exécution financière du contrat- Règlement des marchés- Décompte général et définitif-

Obligations du maître d'oeuvre chargé de l'établissement du décompte - Inclusion - Prise en compte des conséquences financières de désordres survenus en cours de chantier qui, sans affecter l'état de l'ouvrage achevé, ont causé des dommages au maître de l'ouvrage.




Lorsqu'il a connaissance de désordres survenus en cours de chantier qui, sans affecter l'état de l'ouvrage achevé, ont causé des dommages au maître de l'ouvrage, il appartient au maître d'oeuvre chargé d'établir le décompte général du marché, soit d'inclure dans ce décompte, au passif de l'entreprise responsable de ces désordres, les sommes correspondant aux conséquences de ces derniers, soit, s'il n'est pas alors en mesure de chiffrer lesdites conséquences avec certitude, d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité pour lui, en vue de sauvegarder ses droits, d'assortir la signature du décompte général de réserves relatives à ces conséquences. A défaut, il commet une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage.





39-06-01-01-01 : Marchés et contrats administratifs- Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage- Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage- Questions générales- Réception des travaux-

Portée - Fin des rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage (1) - Conséquence - a) Impossibilité pour le maître de l'ouvrage d'invoquer des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, même par la voie d'une action en garantie (2) - b) Absence d'influence sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché.




La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. a) La réception interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation. Il en va ainsi, s'agissant des dommages causés aux tiers, et sauf clause contractuelle contraire, alors même que le maître de l'ouvrage entendrait exercer une action en garantie à l'encontre des constructeurs à raison de condamnations prononcées contre lui au profit de ces tiers, sauf dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part. b) La réception ne met toutefois fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure et demeure ainsi, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif. Seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard.





39-06-01-02-03 : Marchés et contrats administratifs- Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage- Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage- Responsabilité contractuelle- Faits de nature à entraîner la responsabilité de l'architecte-

Absence - Défaut de prise en compte, à l'occasion de la réception, des conséquences de dommages causés aux tiers en cours de chantier (3).




Le devoir de conseil du maître d'oeuvre au moment de la réception ne concerne que l'état de l'ouvrage achevé et ne s'étend donc pas aux désordres causés à des tiers par l'exécution du marché. Ainsi, le maître d'oeuvre ne commet aucune faute en s'abstenant d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité pour lui, en vue de sauvegarder ses droits, d'assortir la réception de réserves relatives aux conséquences de tels désordres.





39-06-01-02-03 : Marchés et contrats administratifs- Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage- Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage- Responsabilité contractuelle- Faits de nature à entraîner la responsabilité de l'architecte-

Existence - Défaut de prise en compte, à l'occasion de l'établissement du décompte général, des conséquences financières de désordres survenus en cours de chantier qui, sans affecter l'état de l'ouvrage achevé, ont causé des dommages au maître de l'ouvrage.




Lorsqu'il a connaissance de désordres survenus en cours de chantier qui, sans affecter l'état de l'ouvrage achevé, ont causé des dommages au maître de l'ouvrage, il appartient au maître d'oeuvre chargé d'établir le décompte général du marché, soit d'inclure dans ce décompte, au passif de l'entreprise responsable de ces désordres, les sommes correspondant aux conséquences de ces derniers, soit, s'il n'est pas alors en mesure de chiffrer lesdites conséquences avec certitude, d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité pour lui, en vue de sauvegarder ses droits, d'assortir la signature du décompte général de réserves relatives à ces conséquences. A défaut, il commet une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage.





39-06-01-07-03 : Marchés et contrats administratifs- Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage- Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage- Réparation- Préjudice indemnisable-

Absence - Défaut de lien de causalité direct - Manquements commis par les constructeurs ayant causé un accident de chantier et préjudice subi par le maître de l'ouvrage en signant sans réserve le décompte général du marché de travaux - Conséquence - Impossibilité pour les maîtres d'oeuvre, condamnés à réparer ce préjudice en raison d'un manquement à leurs obligations, d'appeler en garantie les autres constructeurs à raison des manquements commis en cours de chantier.




Un maître d'ouvrage public a été privé, du fait de la signature sans réserve du décompte général d'un marché de travaux, de la possibilité d'obtenir réparation auprès du titulaire du marché de la part des conséquences dommageables d'un accident de chantier qui lui est imputable. Les maîtres d'oeuvre, ayant manqué à leurs obligations au titre de l'établissement du décompte général, sont condamnés à indemniser le maître de l'ouvrage d'une partie du préjudice qu'il a subi du fait de cette signature. Ce préjudice n'étant pas directement imputable aux manquements commis par les constructeurs en cours de chantier et qui sont à l'origine du glissement de terrain, les conclusions d'appel en garantie présentées par les maîtres d'oeuvre l'un contre l'autre et contre les autres constructeurs à raison de ces manquements doivent être rejetées.


(1) Cf. 1er octobre 1993, Vergnaud et Gaillard, n° 60526, T. p. 880. (2) Cf. Section 4 juillet 1980, SA Forrer et Cie, n° 03433, p. 307 ; Section 15 juillet 2004, Syndicat intercommunal d'alimentation en eau des communes de la Seyne et de la région Est de Toulon, n° 235053, p. 345. (3) Comp. 15 décembre 1965, Ministre de la construction c/ Société générale d'études techniques et industrielles et autres, n° 64753, p. 690 ; 13 juillet 1966, Association syndicale de reconstruction de Vire (Calvados), n° 66928, p. 502 ; 7 mars 1980, Monge, n° 11568, T. p. 792.