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Ariane Web: Conseil d'État 314397, lecture du 23 octobre 2009

Analyse n° 314397
23 octobre 2009
Conseil d'État

N° 314397 314853 314854
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du vendredi 23 octobre 2009



335-06 : Étrangers- Emploi des étrangers-

Listes de métiers pour l'exercice desquels la situation de l'emploi n'est pas opposable au demandeur d'une autorisation de travail (art. L. 313-10, 1° du CESEDA) - 1) Ressortissants des Etats de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires - Accès au travail salarié - Traités d'adhésion prévoyant un régime préférentiel par rapport aux ressortissants d'Etats tiers - Conséquence - Listes différentes, selon que le demandeur est ressortissant d'un Etat soumis à dispositions transitoires ou d'un Etat tiers - Légalité - Existence - Méconnaissance du principe d'égalité - Absence - 2) Ressortissants algériens et tunisiens - Textes applicables - Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 (b de l'article 7) et accord franco-tunisien du 17 mars 1988 (article 3) - Conséquences - Inapplicabilité du 1° de l'article L. 313-10 du CESEDA - Inapplicabilité des dispositions de la circulaire prise sur ce fondement et de la liste, également prise sur ce fondement, établie par métier et par zone géographique, fixant les conditions dans lesquelles la situation de l'emploi ne peut être opposée à un étranger - 3) Ressortissants de pays tiers avec lesquels la France a conclu des accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement - Régime juridique spécifique - 4) Admission exceptionnelle au séjour assortie d'une carte de séjour temporaire permettant l'exercice d'une activité professionnelle (art. 40 de la loi du 20 novembre 2007, modifiant l'art. L. 313-14 du CESEDA) - Circulaire subordonnant la recevabilité de la demande de titre à la présentation d'une promesse d'embauche dans l'un des métiers de la liste mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 du CESEDA - Incompétence du pouvoir réglementaire à ajouter une condition non prévue par la loi.




Fixation, en application de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), de listes de pays pour les ressortissants desquels la situation de l'emploi n'est pas opposable à une demande d'autorisation de travail. 1) Il ressort de l'ensemble des dispositions conventionnelles, législatives et réglementaires applicables que les ressortissants des Etats de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires relèvent d'un régime juridique spécifique et se trouvent dans une situation objectivement différente de celle des autres étrangers en ce qui concerne l'accès au travail salarié, dès lors notamment que les traités d'adhésion des Etats en question prévoient que les Etats membres doivent instaurer, pour l'accès à leur marché du travail, un régime préférentiel en faveur des travailleurs ressortissants de ces Etats par rapport aux ressortissants de pays tiers. Par suite, l'arrêté et la circulaire attaqués pouvaient légalement établir des listes de métiers pour l'exercice desquels la situation de l'emploi n'est pas opposable qui soient différentes dans leur contenu selon que le demandeur est un ressortissant d'un Etat de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires ou un ressortissant d'un Etat tiers. En effet, cette différence de traitement résulte d'une différence de situation qui est la conséquence nécessaire des traités d'adhésion et des dispositions de droit interne prises pour leur application. Par suite, les actes attaqués ne méconnaissent ni les articles L. 121-2 et L. 313-10 du CESEDA, ni le principe d'égalité. 2) Les stipulations du b de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dans leur version en vigueur à la date de la circulaire attaquée, s'opposent à ce que l'autorisation de travail soit limitée, d'une part, à une profession et à une région déterminées pour les ressortissants algériens et, d'autre part, à une profession déterminée pour les ressortissants tunisiens. Elles font par conséquent obstacle à l'application aux ressortissants de ces deux pays des dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du CESEDA, qui est le fondement de la circulaire attaquée du 20 décembre 2007 et qui prévoit que la liste fixant les conditions dans lesquelles la situation de l'emploi ne peut pas être opposée à un étranger est établie par métier et par zone géographique. 3) La situation au regard du séjour en France et de l'exercice d'une activité professionnelle des ressortissants de pays tiers avec lesquels la France a signé un accord bilatéral de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement est régie par ces accords ou le sera lorsque leur approbation aura été autorisée par une loi. Ces ressortissants relèvent ainsi d'un régime juridique spécifique. La circulaire attaquée, qui se borne à rappeler l'existence de ces accords, n'est entachée d'aucune illégalité sur ce point. 4) Il résulte des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du CESEDA que l'admission exceptionnelle au séjour, qui permet à des étrangers qui ne détiennent pas de visa de long séjour de se voir délivrer une carte de séjour temporaire, peut, depuis la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, prendre la forme d'une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire ». Le pouvoir réglementaire ne pouvait, sans méconnaître la loi, restreindre les conditions de délivrance de cette carte de séjour temporaire demandée sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code en subordonnant la recevabilité de la demande de délivrance à la présentation, par l'étranger, d'une promesse d'embauche dans l'un des métiers prévus par la liste mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 du même code. Par suite, la circulaire attaquée est entachée d'incompétence.


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