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Ariane Web: Conseil d'État 298348, lecture du 30 octobre 2009

Analyse n° 298348
30 octobre 2009
Conseil d'État

N° 298348
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 30 octobre 2009



01-04-03-03-02 : Actes législatifs et administratifs- Validité des actes administratifs violation directe de la règle de droit- Principes généraux du droit- Égalité devant le service public- Égalité de traitement des agents publics-

Contestation d'une mesure qui serait empreinte de discrimination - 1) Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 (art. 10) - Effet direct - Absence devant le juge administratif - 2) Charge de la preuve - Régime prétorien de preuve objective (1).




1) L'article 10 de la directive du 27 novembre 2000 dispose que "Les Etats membres prennent les mesures nécessaires (...) afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction (...) des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement". Cet article pose une obligation conditionnelle, dès lors que son cinquième paragraphe prévoit que ces dispositions relatives à l'aménagement de la charge de la preuve n'affectent pas la compétence laissée aux Etats membres pour décider du régime applicable aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction. Or tel est l'office du juge administratif en droit public français. Par conséquent, les dispositions de l'article sont dépourvues d'effet direct devant la juridiction administrative. 2) Même si cette directive est dénuée d'effet direct, le juge administratif fait usage des pouvoirs qu'il tient dans la conduite de la procédure inquisitoire et met en oeuvre un mécanisme adapté de charge de la preuve qui tient compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. Ainsi, le juge, lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination, doit attendre du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure qu'il soumette au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.





15-02-04 : Communautés européennes et Union européenne- Portée des règles de droit communautaire et de l'Union européenne- Directives communautaires-

Contestation d'une disposition interne sur le fondement d'une directive - 1) Cas des dispositions réglementaires - Voies ouvertes à un justiciable (2) - 2) Cas des dispositions non réglementaires - Caractère opérant d'un moyen tiré de la méconnaissance d'une disposition précise et inconditionnelle d'une directive non transposées - Existence (3) - 3) Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 (art. 10) - Effet direct - Absence devant le juge administratif.




1) Tout justiciable peut demander l'annulation des dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. 2) Tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires. 3) L'article 10 de la directive du 27 novembre 2000 dispose que "Les Etats membres prennent les mesures nécessaires (...) afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction (...) des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement". Cet article pose une obligation conditionnelle, dès lors que son cinquième paragraphe prévoit que ces dispositions relatives à l'aménagement de la charge de la preuve n'affectent pas la compétence laissée aux Etats membres pour décider du régime applicable aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction. Or tel est l'office du juge administratif en droit public français. Par conséquent, les dispositions de l'article sont dépourvues d'effet direct devant la juridiction administrative.


(1) Rappr., s'agissant de la portée du principe constitutionnel des droits de la défense, Cons. Const., 12 janvier 2002, n° 2001-455 DC, paragraphe 89. (2) Cf., sur la possibilité de se prévaloir d'une directive contre toute mesure réglementaire rentrant dans son champ d'application, 7 décembre 1984, Fédération française des sociétés de protection de la nature, n°s 41971 41972, p. 410 ; sur la nécessité d'abroger des dispositions réglementaires contraires à une directive, Assemblée, 3 février 1989, Compagnie Alitalia, n° 74052, p. 44 ; s'agissant de dispositions réglementaires fondées sur une loi incompatible avec une directive, Assemblée, 28 février 1992, SA Rothmans International France, n° 56776, p. 80 ; pour un cas de méconnaissance d'une directive en tant que le droit national ne prévoit pas une règle, Assemblée, 30 octobre 1996, SA Cabinet Revert et Badelon, n° 45126, p. 397 ; pour la méconnaissance des objectifs d'une directive par une règle non écrite, Assemblée, 6 février 1998, Tête et Association de sauvegarde de l'Ouest Lyonnais, n°s 138777 147424 147425, p 30. (3) Ab. jur., sur le caractère inopérant d'un moyen tiré de la méconnaissance d'une directive soulevé par un particulier à l'encontre d'une décision individuelle, Assemblée, 22 décembre 1978, Ministre de l'intérieur c/ Cohn-Bendit, n° 11604, p. 524. Cf., s'agissant de l'applicabilité directe d'une directive, CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn c/ Home Office, aff. 41/74 ; 28 octobre 1975, Rutili, aff. 75/36. Rappr., pour un cas d'application directe d'une directive, 10 avril 2002, SARL IMI, n° 219715, T. p. 647-665-708. Cf., s'agissant des critères de la reconnaissance de l'effet direct d'une directive non transposée, CJCE, 5 avril 1979, Ministère public c/ Ratti, aff. 148/78 ; Cons. Const., 10 juin 2004, n° 2004-496 DC ; Cons. Const., 27 juillet 2006, n° 2006-540 DC.

Voir aussi