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Ariane Web: Conseil d'État 327663, lecture du 9 juillet 2010

Analyse n° 327663
9 juillet 2010
Conseil d'État

N° 327663 et autres
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 9 juillet 2010



01-01-02-01 : Actes législatifs et administratifs- Différentes catégories d'actes- Accords internationaux- Applicabilité-

Applicabilité en droit interne subordonnée à une ratification ou à une approbation régulière - 1) Contrôle du juge - a) Caractère régulier de la procédure d'introduction (1) - Vices propres du décret - Nécessité d'obtenir une autorisation législative pour la ratification ou l'approbation de certains accords (art. 53 de la Constitution) - b) Respect par le traité ou l'accord de la Constitution (2) ou d'autres engagements internationaux (3) - Absence - c) Notion - Accord modifiant des dispositions de nature législative (art. 53) - Portée - 2) Espèce - Décret portant publication d'un accord entre la République française et le Saint-Siège sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur - Effets sur la laïcité - Absence - Effets sur le monopole de l'Etat de collation des grades et titres universitaires (art. L. 613-1 et L. 613-7 du code de l'éducation) - Absence, compte tenu de l'interprétation du traité - Conséquence - Régularité de l'introduction en droit interne par décret.




1) Il résulte de la combinaison des articles 53 et 54 de la Constitution que les traités ou accords relevant de l'article 53 de la Constitution et dont la ratification ou l'approbation est intervenue sans avoir été autorisée par la loi ne peuvent être regardés comme régulièrement ratifiés ou approuvés au sens de l'article 55. a) Il appartient au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en cas de recours pour excès de pouvoir contre un décret publiant un traité ou un accord, de connaître de moyens tirés, d'une part, de vices propres à ce décret, d'autre part, de ce qu'en vertu de l'article 53 de la Constitution, la ratification ou l'approbation de l'engagement international en cause aurait dû être autorisée par la loi. b) En revanche, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de se prononcer sur la conformité du traité ou de l'accord à la Constitution. Il ne peut davantage se prononcer sur la conformité d'un traité ou d'un accord à d'autres engagements internationaux. c) Constitue, au sens de cet article, un traité ou un accord « modifiant des dispositions de nature législative » un engagement international dont les stipulations touchent à des matières réservées à la loi par la Constitution ou énoncent des règles qui diffèrent de celles posées par des dispositions de forme législative. 2) En l'espèce, rejet de la contestation du décret du 16 avril 2009 portant publication de l'accord entre la République française et le Saint-Siège sur la reconnaissance des grades et diplômes de l'enseignement supérieur. Le Conseil d'Etat fonde le rejet sur deux motifs principaux. D'une part, les stipulations de l'accord ne permettant pas qu'un culte soit salarié ou subventionné et ne faisant prévaloir aucun critère religieux ni aucune considération de la pratique éventuelle d'un culte pour l'accès à l'enseignement supérieur public, elles ne relèvent pas de la loi, soit au titre de l'article L. 141-6 du code de l'éducation - « Le service public de l'enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique (?) » - soit à celui de l'article 1 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat - « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». D'autre part, les stipulations de l'accord ne dérogent pas aux articles L. 613-1 et L. 613-7 du code de l'éducation définissant le monopole étatique de collation des grades et diplômes et encadrant les activités des établissements d'enseignement supérieur privés. En effet, la reconnaissance d'un « diplôme ecclésiastique » reste de la compétence des autorités de l'établissement dans lequel souhaite s'inscrire son titulaire - lesquelles, pour décider de reconnaître le diplôme du candidat, doivent tenir compte, d'une part, de l'équivalence de niveau édictée par le protocole, et, d'autre part, de l'aptitude du candidat à suivre des enseignements dans le grade et la formation postulés, appréciée en particulier au regard du contenu des études suivies. Les stipulations n'autorisent donc pas des établissements d'enseignement supérieur privé à délivrer des diplômes nationaux et ne permettent pas aux bénéficiaires de titres délivrés par des établissements d'enseignement supérieur privés ayant reçu une habilitation par le Saint-Siège de se prévaloir, de ce seul fait, des droits attachés à la possession d'un diplôme national ou d'un grade universitaire.





30-02-07 : Enseignement et recherche- Questions propres aux différentes catégories d'enseignement- Établissements d'enseignement privés-

Etablissements gérés par le Saint-Siège - Reconnaissance des diplômes qu'ils délivrent - Accord entre la République française et le Saint-Siège - Applicabilité en droit interne subordonnée à une ratification ou approbation régulière - 1) Contrôle du juge - a) Caractère régulier de la procédure d'introduction (1) - Vices propres du décret - Nécessité d'obtenir une autorisation législative pour la ratification ou l'approbation de certains accords (art. 53 de la Constitution) - b) Respect par le traité ou l'accord ratifié ou approuvé de la Constitution (2) ou respect par le traité ou l'accord d'autres engagements internationaux (3) - Absence - 2) Régularité en l'espèce de la procédure - Effets sur la laïcité - Absence - Effets sur le monopole de l'Etat de collation des grades et titres universitaires (art. L. 613-1 et L. 613-7 du code de l'éducation) - Absence, compte tenu de l'interprétation du traité par le juge.




1) Il résulte de la combinaison des articles 53 et 54 de la Constitution que les traités ou accords relevant de l'article 53 de la Constitution et dont la ratification ou l'approbation est intervenue sans avoir été autorisée par la loi ne peuvent être regardés comme régulièrement ratifiés ou approuvés au sens de l'article 55. a) Il appartient au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en cas de recours pour excès de pouvoir contre un décret publiant un traité ou un accord, de connaître de moyens tirés, d'une part, de vices propres à ce décret, d'autre part, de ce qu'en vertu de l'article 53 de la Constitution, la ratification ou l'approbation de l'engagement international en cause aurait dû être autorisée par la loi. b) En revanche, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux de se prononcer sur la conformité du traité ou de l'accord à la Constitution. Il ne peut davantage se prononcer sur la conformité d'un traité ou d'un accord à d'autres engagements internationaux. 2) En l'espèce, rejet de la contestation du décret du 16 avril 2009 portant publication de l'accord entre la République française et le Saint-Siège sur la reconnaissance des grades et diplômes de l'enseignement supérieur. Le Conseil d'Etat fonde le rejet sur deux motifs principaux. D'une part, les stipulations de l'accord ne permettant pas qu'un culte soit salarié ou subventionné et ne faisant prévaloir aucun critère religieux ni aucune considération de la pratique éventuelle d'un culte pour l'accès à l'enseignement supérieur public, elles ne relèvent pas de la loi, soit au titre de l'article L. 141-6 du code de l'éducation - « Le service public de l'enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique (?) » - soit à celui de l'article 1 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat - « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». D'autre part, les stipulations de l'accord ne dérogent pas aux articles L. 613-1 et L. 613-7 du code de l'éducation définissant le monopole étatique de collation des grades et diplômes et encadrant les activités des établissements d'enseignement supérieur privés. En effet, la reconnaissance d'un « diplôme ecclésiastique » reste de la compétence des autorités de l'établissement dans lequel souhaite s'inscrire son titulaire - lesquelles, pour décider de reconnaître le diplôme du candidat, doivent tenir compte, d'une part, de l'équivalence de niveau édictée par le protocole, et, d'autre part, de l'aptitude du candidat à suivre des enseignements dans le grade et la formation postulés, appréciée en particulier au regard du contenu des études suivies. Les stipulations n'autorisent donc pas des établissements d'enseignement supérieur privé à délivrer des diplômes nationaux et ne permettent pas aux bénéficiaires de titres délivrés par des établissements d'enseignement supérieur privés ayant reçu une habilitation par le Saint-Siège de se prévaloir, de ce seul fait, des droits attachés à la possession d'un diplôme national ou d'un grade universitaire.


(1) Cf. Assemblée, 18 décembre 1998, S.A.R.L du parc d'activités de Blotzheim et S.C.I Haselaecker, n° 181249, p. 483. (2) Rappr. 5 janvier 2005, Deprez et Baillard, n° 257341, p. 1. (3) Cf. 8 juillet 2002, Commune de Porta, n° 239366, p. 260.

Voir aussi