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Ariane Web: Conseil d'État 342221, lecture du 9 mai 2012

Analyse n° 342221
9 mai 2012
Conseil d'État

N° 342221 342222
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 9 mai 2012



15-05-01-03 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Libertés de circulation- Libre circulation des capitaux-

1) Libre circulation des capitaux - Exercice par un Etat membre de l'UE de ses compétences fiscales dans des conditions non discriminatoires - Différence de traitement entre des situations objectivement non comparables ou justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général - Principes - 2) Conséquence - Retenue à la source sur les dividendes versés à une société établie hors de France ne relevant pas du régime des sociétés mères (2 de l'article 119 bis du CGI) - Compatibilité avec la liberté de circulation des capitaux - Existence - a) Possibilité d'appliquer des techniques d'imposition différentes selon qu'une société est non résidente ou résidente - Existence - Incidence sur la compatibilité avec le droit de l'UE de l'existence d'un désavantage de trésorerie pour la société non résidente en situation déficitaire - Absence (1) - b) Incidence du défaut de mécanisme d'imputation au Luxembourg - Absence (2).




1) Les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres de l'Union européenne (UE), pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne. Toutefois, lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général. Si, en matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables et si, à l'égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d'actionnaires bénéficiaires résidents d'un autre Etat membre, la situation des actionnaires non résidents se rapproche cependant de celle des actionnaires résidents lorsqu'un Etat membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l'impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non résidents pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente. Dans cette dernière hypothèse, pour que les sociétés bénéficiaires non résidentes ne soient pas confrontées à une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée, en principe, par les stipulations du traité, l'Etat de résidence de la société distributrice doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit interne afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique, les sociétés actionnaires non résidentes soient soumises à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les sociétés actionnaires résidentes. Pour les participations ne relevant pas du régime des sociétés mères, il appartient ainsi aux Etats membres de déterminer si, et dans quelle mesure, la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d'introduire à cet effet, de façon unilatérale ou par voie de conventions conclues avec d'autres Etats membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition dans le respect de la liberté de circulation des capitaux. 2) Il résulte de ces principes que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts (CGI), en tant qu'elles soumettent à la retenue à la source les dividendes perçus par des sociétés établies hors de France ne relevant pas du régime des sociétés mères, ne sont pas incompatibles avec la liberté de circulation des capitaux. a) Compte tenu de la différence objective des situations entre sociétés résidentes et non résidentes au regard notamment du recouvrement de l'impôt, il est loisible à un Etat membre de l'UE d'appliquer des techniques de perception de l'impôt différentes selon qu'une société est résidente ou non résidente, pour autant qu'il ne soumette pas les dividendes perçus par les sociétés non résidentes à une charge fiscale plus lourde que celle à laquelle il assujettit les dividendes perçus par les sociétés résidentes (sol. impl.). Or une société établie en France, qui reçoit des dividendes versés par une société résidente et ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères, n'est pas exonérée d'impôt en France à raison de ces dividendes. En particulier, lorsque les résultats de cette société sont déficitaires, ces dividendes sont effectivement compris dans le résultat de cette société et viennent en diminution de son déficit reportable. S'il en résulte un décalage dans le temps entre la perception de la retenue à la source afférente aux dividendes payés à la société non résidente et l'impôt établi dans le chef de la société actionnaire établie en France au titre de l'exercice où ses résultats redeviennent bénéficiaires, ce décalage procède d'une technique différente d'imposition des dividendes perçus par la société selon qu'elle est non résidente ou résidente. Le seul désavantage de trésorerie que comporte la retenue à la source pour la société non résidente ne peut ainsi être regardé comme constituant une différence de traitement caractérisant une restriction à la liberté de circulation des capitaux. b) Par ailleurs, le respect de la liberté de circulation des capitaux n'implique pas que la France doive, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assurer la neutralisation de la charge fiscale qu'une société non résidente bénéficiaire de distributions de dividendes et ne relevant pas du régime des sociétés mères supporte du fait de la décision de son Etat membre de résidence d'exercer sa compétence fiscale et de ne pas la soumettre à l'impôt, le désavantage pouvant résulter pour elle de l'exercice parallèle des compétences fiscales de la France et de son Etat de résidence ne constituant pas, dès lors que cet exercice ne revêt pas un caractère discriminatoire, une restriction à la liberté de circulation de capitaux prohibée par le traité.





19-04-01-02-06-01 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Règles générales- Impôt sur le revenu- Cotisations d'IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers- Retenues à la source-

Retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du CGI - 1) Libre circulation des capitaux - Exercice par un Etat membre de l'UE de ses compétences fiscales dans des conditions non discriminatoires - Différence de traitement entre des situations objectivement non comparables ou justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général - Principes - 2) Conséquence - Retenue à la source sur les dividendes versés à une société établie hors de France ne relevant pas du régime des sociétés mères (2 de l'article 119 bis du CGI) - Compatibilité avec la liberté de circulation des capitaux - Existence - a) Possibilité d'appliquer des techniques d'imposition différentes selon qu'une société est non résidente ou résidente - Existence - Incidence sur la compatibilité avec le droit de l'UE de l'existence d'un désavantage de trésorerie pour la société non résidente en situation déficitaire - Absence (1) - b) Incidence du défaut de mécanisme d'imputation au Luxembourg - Absence (2).




1) Les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres de l'Union européenne (UE), pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne. Toutefois, lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général. Si, en matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables et si, à l'égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d'actionnaires bénéficiaires résidents d'un autre Etat membre, la situation des actionnaires non résidents se rapproche cependant de celle des actionnaires résidents lorsqu'un Etat membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l'impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non résidents pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente. Dans cette dernière hypothèse, pour que les sociétés bénéficiaires non résidentes ne soient pas confrontées à une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée, en principe, par les stipulations du traité, l'Etat de résidence de la société distributrice doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit interne afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique, les sociétés actionnaires non résidentes soient soumises à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les sociétés actionnaires résidentes. Pour les participations ne relevant pas du régime des sociétés mères, il appartient ainsi aux Etats membres de déterminer si, et dans quelle mesure, la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d'introduire à cet effet, de façon unilatérale ou par voie de conventions conclues avec d'autres Etats membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition dans le respect de la liberté de circulation des capitaux. 2) Il résulte de ces principes que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts (CGI), en tant qu'elles soumettent à la retenue à la source les dividendes perçus par des sociétés établies hors de France ne relevant pas du régime des sociétés mères, ne sont pas incompatibles avec la liberté de circulation des capitaux. a) Compte tenu de la différence objective des situations entre sociétés résidentes et non résidentes au regard notamment du recouvrement de l'impôt, il est loisible à un Etat membre de l'UE d'appliquer des techniques de perception de l'impôt différentes selon qu'une société est résidente ou non résidente, pour autant qu'il ne soumette pas les dividendes perçus par les sociétés non résidentes à une charge fiscale plus lourde que celle à laquelle il assujettit les dividendes perçus par les sociétés résidentes (sol. impl.). Or une société établie en France, qui reçoit des dividendes versés par une société résidente et ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères, n'est pas exonérée d'impôt en France à raison de ces dividendes. En particulier, lorsque les résultats de cette société sont déficitaires, ces dividendes sont effectivement compris dans le résultat de cette société et viennent en diminution de son déficit reportable. S'il en résulte un décalage dans le temps entre la perception de la retenue à la source afférente aux dividendes payés à la société non résidente et l'impôt établi dans le chef de la société actionnaire établie en France au titre de l'exercice où ses résultats redeviennent bénéficiaires, ce décalage procède d'une technique différente d'imposition des dividendes perçus par la société selon qu'elle est non résidente ou résidente. Le seul désavantage de trésorerie que comporte la retenue à la source pour la société non résidente ne peut ainsi être regardé comme constituant une différence de traitement caractérisant une restriction à la liberté de circulation des capitaux. b) Par ailleurs, le respect de la liberté de circulation des capitaux n'implique pas que la France doive, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assurer la neutralisation de la charge fiscale qu'une société non résidente bénéficiaire de distributions de dividendes et ne relevant pas du régime des sociétés mères supporte du fait de la décision de son Etat membre de résidence d'exercer sa compétence fiscale et de ne pas la soumettre à l'impôt, le désavantage pouvant résulter pour elle de l'exercice parallèle des compétences fiscales de la France et de son Etat de résidence ne constituant pas, dès lors que cet exercice ne revêt pas un caractère discriminatoire, une restriction à la liberté de circulation de capitaux prohibée par le traité.


(1) Cf. CJCE, 22 décembre 2008, aff. C-282/07, Truck Center SA. (2) Cf. CJCE, 14 novembre 2006, aff. C-513/04, Kerckhaert et Morres.

Voir aussi