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Ariane Web: Conseil d'État 329570, lecture du 12 avril 2013

Analyse n° 329570
12 avril 2013
Conseil d'État

N° 329570 329683 330539 330847
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 12 avril 2013



26-03-02 : Droits civils et individuels- Libertés publiques et libertés de la personne- Droit de grève-

Réglementation du droit de grève dans les services publics - 1) a) Principe (1) - b) Limitation, en l'absence de législation complète - i) Autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public - Compétence - Existence - ii) Organes dirigeants des établissements publics et des organismes de droit privé responsables d'un service public - Compétence - Existence - c) Exercice d'un tel pouvoir de limitation - Conditions - 2) Examen de la légalité de mesures, prises en 2009 par les organes dirigeants d'EDF, de limitation du droit de grève des agents de certaines centrales nucléaires de la société - a) Société EDF après la loi du 10 février 2000 (2) - Société exploitant, en 2009, la totalité des centrales nucléaires, lesquelles contribuent à hauteur de 80% à la production de l'électricité en France, chargée à ce titre d'une mission d'intérêt général répondant à un besoin essentiel du pays - Contrôle par l'Etat - Conséquence - Qualification d'organisme de droit privé responsable d'un service public (3) - Existence (4) - Conséquence - Compétence des organes dirigeants pour limiter le droit de grève - b) Conditions dans lesquelles ce pouvoir doit être exercé par ces organes - c) Légalité des mesures prises en l'espèce - Existence.




1) a) En indiquant dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, l'assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l'une des modalités et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte. En l'absence de la complète législation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels du pays. b) i) En l'état de la législation, il appartient à l'autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue de ces limitations pour les services dont l'organisation lui incombe. ii) Dans le cas d'un établissement public responsable de ce bon fonctionnement, ainsi que dans celui d'un organisme de droit privé responsable d'un service public, seuls leurs organes dirigeants, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés sous leur autorité, sont, sauf dispositions contraires, compétents pour déterminer les limitations à l'exercice du droit de grève. c) Si les personnes mentionnées au b) sont compétentes pour apporter de telles limitations au droit de grève, c'est dans la mesure où les solutions alternatives à l'exercice d'un tel pouvoir font défaut. 2) Cas de la société Electricité de France (EDF) dont les organes dirigeants ont pris, au printemps 2009, une série de mesures limitant le droit de grève de ses salariés dans certaines de ses centrales nucléaires. a) Il résulte de l'article 1er de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité que la garantie de l'approvisionnement sur l'ensemble du territoire national constitue l'objet du service public de l'électricité, qui doit répondre notamment, dans des considérations de sécurité suffisantes, aux besoins essentiels des consommateurs. Au printemps 2009, le parc de production nucléaire contribuait à hauteur de près de 80 % à la production de l'électricité en France, le fonctionnement des centres nucléaires de production d'électricité implantés sur le territoire national apportant ainsi une contribution indispensable à l'approvisionnement sur le territoire métropolitain. Ainsi, en l'état du système de production électrique, EDF, qui exploite la totalité de ces centres, est chargée, à ce titre, d'une mission d'intérêt général répondant à un besoin essentiel du pays. Par ailleurs, en vertu de l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, l'État détient plus de 70 % du capital de cette société dont le président du conseil d'administration et le directeur général sont nommés par décret en conseil des ministres. Au demeurant, en adoptant les dispositions aujourd'hui codifiées aux articles L. 336-1 et suivants du code de l'énergie relatives à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, le législateur a tiré les conséquences de la spécificité des 58 réacteurs du parc nucléaire français mis en service entre 1978 et 2002, dont l'entreprise EDF, sous le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial puis de société anonyme, a depuis l'origine assuré le bon fonctionnement. Ainsi, et alors même qu'en vertu du dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 10 février 2000, le service public de l'électricité est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par l'État et les communes ou leurs établissements publics de coopération et qu'en vertu du II de l'article 15 de la même loi, la société Réseau de Transport d'Electricité (RTE), gestionnaire du réseau public de transport, assure à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau, la société EDF est responsable d'un service public en ce qu'elle exploite les centres nucléaires de production d'électricité. Ses organes dirigeants étaient donc compétents pour déterminer les limitations au droit de grève de ses agents. b) Avant de mettre en oeuvre de telles mesures, il y a lieu, compte tenu du caractère non directement substituable de l'énergie électrique, de ses caractéristiques physiques en vertu desquelles elle ne peut être stockée en quantité importante et des contraintes techniques du fonctionnement des centres nucléaires de production d'électricité, de rechercher préalablement la possibilité de mettre en oeuvre d'autres moyens de production, de recourir aux capacités d'importation des réseaux transfrontières ou de faire appel à la diminution volontaire ou contractuelle de la demande d'électricité. S'il appartient à la société EDF, seule exploitante des centres nucléaires de production d'électricité, de prendre les dispositions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du service public dont elle a la charge, elle doit le faire au vu, non seulement de ses propres données, mais aussi des analyses prévisionnelles de l'équilibre entre offre et demande d'électricité en France établies par la société RTE, gestionnaire du réseau public de transport de l'électricité. c) En l'espèce, légalité des mesures prises, au vu des capacités de production mobilisables, des importations possibles et des prévisions météorologiques.





29-01-01 : Energie- Opérateurs- Electricité de France-

Mesures, prises en 2009 par les organes dirigeants d'EDF, de limitation du droit de grève des agents de certaines centrales nucléaires de la société - 1) Réglementation du droit de grève dans les services publics - Cadre général - a) Principe (1) - b) Limitation, en l'absence de législation complète - i) Autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public - Compétence - Existence - ii) Organes dirigeants des établissements publics et des organismes de droit privé responsables d'un service public - Compétence - Existence - c) Exercice d'un tel pouvoir de limitation - Conditions - 2) Examen en l'espèce - a) Société EDF après la loi du 10 février 2000 (2) - Société exploitant, en 2009, la totalité des centrales nucléaires, lesquelles contribuent à hauteur de 80% à la production de l'électricité en France, chargée à ce titre d'une mission d'intérêt général répondant à un besoin essentiel du pays - Contrôle par l'Etat - Conséquence - Qualification d'organisme de droit privé responsable d'un service public (3) - Existence (4) - Conséquence - Compétence des organes dirigeants pour limiter le droit de grève - b) Conditions dans lesquelles ce pouvoir doit être exercé par ces organes - c) Légalité des mesures prises en l'espèce - Existence.




1) a) En indiquant dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, l'assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l'une des modalités et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte. En l'absence de la complète législation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels du pays. b) i) En l'état de la législation, il appartient à l'autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue de ces limitations pour les services dont l'organisation lui incombe. ii) Dans le cas d'un établissement public responsable de ce bon fonctionnement, ainsi que dans celui d'un organisme de droit privé responsable d'un service public, seuls leurs organes dirigeants, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés sous leur autorité, sont, sauf dispositions contraires, compétents pour déterminer les limitations à l'exercice du droit de grève. c) Si les personnes mentionnées au b) sont compétentes pour apporter de telles limitations au droit de grève, c'est dans la mesure où les solutions alternatives à l'exercice d'un tel pouvoir font défaut. 2) Cas de la société Electricité de France (EDF) dont les organes dirigeants ont pris, au printemps 2009, une série de mesures limitant le droit de grève de ses salariés dans certaines de ses centrales nucléaires. a) Il résulte de l'article 1er de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité que la garantie de l'approvisionnement sur l'ensemble du territoire national constitue l'objet du service public de l'électricité, qui doit répondre notamment, dans des considérations de sécurité suffisantes, aux besoins essentiels des consommateurs. Au printemps 2009, le parc de production nucléaire contribuait à hauteur de près de 80 % à la production de l'électricité en France, le fonctionnement des centres nucléaires de production d'électricité implantés sur le territoire national apportant ainsi une contribution indispensable à l'approvisionnement sur le territoire métropolitain. Ainsi, en l'état du système de production électrique, EDF, qui exploite la totalité de ces centres, est chargée, à ce titre, d'une mission d'intérêt général répondant à un besoin essentiel du pays. Par ailleurs, en vertu de l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, l'État détient plus de 70 % du capital de cette société dont le président du conseil d'administration et le directeur général sont nommés par décret en conseil des ministres. Au demeurant, en adoptant les dispositions aujourd'hui codifiées aux articles L. 336-1 et suivants du code de l'énergie relatives à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, le législateur a tiré les conséquences de la spécificité des 58 réacteurs du parc nucléaire français mis en service entre 1978 et 2002, dont l'entreprise EDF, sous le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial puis de société anonyme, a depuis l'origine assuré le bon fonctionnement. Ainsi, et alors même qu'en vertu du dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 10 février 2000, le service public de l'électricité est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par l'État et les communes ou leurs établissements publics de coopération et qu'en vertu du II de l'article 15 de la même loi, la société Réseau de Transport d'Electricité (RTE), gestionnaire du réseau public de transport, assure à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau, la société EDF est responsable d'un service public en ce qu'elle exploite les centres nucléaires de production d'électricité. Ses organes dirigeants étaient donc compétents pour déterminer les limitations au droit de grève de ses agents. b) Avant de mettre en oeuvre de telles mesures, il y a lieu, compte tenu du caractère non directement substituable de l'énergie électrique, de ses caractéristiques physiques en vertu desquelles elle ne peut être stockée en quantité importante et des contraintes techniques du fonctionnement des centres nucléaires de production d'électricité, de rechercher préalablement la possibilité de mettre en oeuvre d'autres moyens de production, de recourir aux capacités d'importation des réseaux transfrontières ou de faire appel à la diminution volontaire ou contractuelle de la demande d'électricité. S'il appartient à la société EDF, seule exploitante des centres nucléaires de production d'électricité, de prendre les dispositions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du service public dont elle a la charge, elle doit le faire au vu, non seulement de ses propres données, mais aussi des analyses prévisionnelles de l'équilibre entre offre et demande d'électricité en France établies par la société RTE, gestionnaire du réseau public de transport de l'électricité. c) En l'espèce, légalité des mesures prises, au vu des capacités de production mobilisables, des importations possibles et des prévisions météorologiques.





29-01-01-01 : Energie- Opérateurs- Electricité de France- Personnel-

Mesures, prises en 2009 par les organes dirigeants d'EDF, de limitation du droit de grève des agents de certaines centrales nucléaires de la société - 1) Réglementation du droit de grève dans les services publics - Cadre général - a) Principe (1) - b) Limitation, en l'absence de législation complète - i) Autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public - Compétence - Existence - ii) Organes dirigeants des établissements publics et des organismes de droit privé responsables d'un service public - Compétence - Existence - c) Exercice d'un tel pouvoir de limitation - Conditions - 2) Examen en l'espèce - a) Société EDF après la loi du 10 février 2000 (2) - Société exploitant, en 2009, la totalité des centrales nucléaires, lesquelles contribuent à hauteur de 80% à la production de l'électricité en France, chargée à ce titre d'une mission d'intérêt général répondant à un besoin essentiel du pays - Contrôle par l'Etat - Conséquence - Qualification d'organisme de droit privé responsable d'un service public (3) - Existence (4) - Conséquence - Compétence des organes dirigeants pour limiter le droit de grève - b) Conditions dans lesquelles ce pouvoir doit être exercé par ces organes - c) Légalité des mesures prises en l'espèce - Existence.




1) a) En indiquant dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, l'assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l'une des modalités et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte. En l'absence de la complète législation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels du pays. b) i) En l'état de la législation, il appartient à l'autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue de ces limitations pour les services dont l'organisation lui incombe. ii) Dans le cas d'un établissement public responsable de ce bon fonctionnement, ainsi que dans celui d'un organisme de droit privé responsable d'un service public, seuls leurs organes dirigeants, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés sous leur autorité, sont, sauf dispositions contraires, compétents pour déterminer les limitations à l'exercice du droit de grève. c) Si les personnes mentionnées au b) sont compétentes pour apporter de telles limitations au droit de grève, c'est dans la mesure où les solutions alternatives à l'exercice d'un tel pouvoir font défaut. 2) Cas de la société Electricité de France (EDF) dont les organes dirigeants ont pris, au printemps 2009, une série de mesures limitant le droit de grève de ses salariés dans certaines de ses centrales nucléaires. a) Il résulte de l'article 1er de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité que la garantie de l'approvisionnement sur l'ensemble du territoire national constitue l'objet du service public de l'électricité, qui doit répondre notamment, dans des considérations de sécurité suffisantes, aux besoins essentiels des consommateurs. Au printemps 2009, le parc de production nucléaire contribuait à hauteur de près de 80 % à la production de l'électricité en France, le fonctionnement des centres nucléaires de production d'électricité implantés sur le territoire national apportant ainsi une contribution indispensable à l'approvisionnement sur le territoire métropolitain. Ainsi, en l'état du système de production électrique, EDF, qui exploite la totalité de ces centres, est chargée, à ce titre, d'une mission d'intérêt général répondant à un besoin essentiel du pays. Par ailleurs, en vertu de l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, l'État détient plus de 70 % du capital de cette société dont le président du conseil d'administration et le directeur général sont nommés par décret en conseil des ministres. Au demeurant, en adoptant les dispositions aujourd'hui codifiées aux articles L. 336-1 et suivants du code de l'énergie relatives à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, le législateur a tiré les conséquences de la spécificité des 58 réacteurs du parc nucléaire français mis en service entre 1978 et 2002, dont l'entreprise EDF, sous le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial puis de société anonyme, a depuis l'origine assuré le bon fonctionnement. Ainsi, et alors même qu'en vertu du dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 10 février 2000, le service public de l'électricité est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par l'État et les communes ou leurs établissements publics de coopération et qu'en vertu du II de l'article 15 de la même loi, la société Réseau de Transport d'Electricité (RTE), gestionnaire du réseau public de transport, assure à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau, la société EDF est responsable d'un service public en ce qu'elle exploite les centres nucléaires de production d'électricité. Ses organes dirigeants étaient donc compétents pour déterminer les limitations au droit de grève de ses agents. b) Avant de mettre en oeuvre de telles mesures, il y a lieu, compte tenu du caractère non directement substituable de l'énergie électrique, de ses caractéristiques physiques en vertu desquelles elle ne peut être stockée en quantité importante et des contraintes techniques du fonctionnement des centres nucléaires de production d'électricité, de rechercher préalablement la possibilité de mettre en oeuvre d'autres moyens de production, de recourir aux capacités d'importation des réseaux transfrontières ou de faire appel à la diminution volontaire ou contractuelle de la demande d'électricité. S'il appartient à la société EDF, seule exploitante des centres nucléaires de production d'électricité, de prendre les dispositions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du service public dont elle a la charge, elle doit le faire au vu, non seulement de ses propres données, mais aussi des analyses prévisionnelles de l'équilibre entre offre et demande d'électricité en France établies par la société RTE, gestionnaire du réseau public de transport de l'électricité. c) En l'espèce, légalité des mesures prises, au vu des capacités de production mobilisables, des importations possibles et des prévisions météorologiques.





29-03 : Energie- Installations nucléaires-

Mesures, prises en 2009 par les organes dirigeants d'EDF, de limitation du droit de grève des agents de certaines centrales nucléaires de la société - 1) Réglementation du droit de grève dans les services publics - Cadre général - a) Principe (1) - b) Limitation, en l'absence de législation complète - i) Autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public - Compétence - Existence - ii) Organes dirigeants des établissements publics et des organismes de droit privé responsables d'un service public - Compétence - Existence - c) Exercice d'un tel pouvoir de limitation - Conditions - 2) Examen en l'espèce - a) Société EDF après la loi du 10 février 2000 (2) - Société exploitant, en 2009, la totalité des centrales nucléaires, lesquelles contribuent à hauteur de 80% à la production de l'électricité en France, chargée à ce titre d'une mission d'intérêt général répondant à un besoin essentiel du pays - Contrôle par l'Etat - Conséquence - Qualification d'organisme de droit privé responsable d'un service public (3) - Existence (4) - Conséquence - Compétence des organes dirigeants pour limiter le droit de grève - b) Conditions dans lesquelles ce pouvoir doit être exercé par ces organes - c) Légalité des mesures prises en l'espèce - Existence.




1) a) En indiquant dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, l'assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l'une des modalités et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte. En l'absence de la complète législation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels du pays. b) i) En l'état de la législation, il appartient à l'autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue de ces limitations pour les services dont l'organisation lui incombe. ii) Dans le cas d'un établissement public responsable de ce bon fonctionnement, ainsi que dans celui d'un organisme de droit privé responsable d'un service public, seuls leurs organes dirigeants, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés sous leur autorité, sont, sauf dispositions contraires, compétents pour déterminer les limitations à l'exercice du droit de grève. c) Si les personnes mentionnées au b) sont compétentes pour apporter de telles limitations au droit de grève, c'est dans la mesure où les solutions alternatives à l'exercice d'un tel pouvoir font défaut. 2) Cas de la société Electricité de France (EDF) dont les organes dirigeants ont pris, au printemps 2009, une série de mesures limitant le droit de grève de ses salariés dans certaines de ses centrales nucléaires. a) Il résulte de l'article 1er de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité que la garantie de l'approvisionnement sur l'ensemble du territoire national constitue l'objet du service public de l'électricité, qui doit répondre notamment, dans des considérations de sécurité suffisantes, aux besoins essentiels des consommateurs. Au printemps 2009, le parc de production nucléaire contribuait à hauteur de près de 80 % à la production de l'électricité en France, le fonctionnement des centres nucléaires de production d'électricité implantés sur le territoire national apportant ainsi une contribution indispensable à l'approvisionnement sur le territoire métropolitain. Ainsi, en l'état du système de production électrique, EDF, qui exploite la totalité de ces centres, est chargée, à ce titre, d'une mission d'intérêt général répondant à un besoin essentiel du pays. Par ailleurs, en vertu de l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, l'État détient plus de 70 % du capital de cette société dont le président du conseil d'administration et le directeur général sont nommés par décret en conseil des ministres. Au demeurant, en adoptant les dispositions aujourd'hui codifiées aux articles L. 336-1 et suivants du code de l'énergie relatives à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, le législateur a tiré les conséquences de la spécificité des 58 réacteurs du parc nucléaire français mis en service entre 1978 et 2002, dont l'entreprise EDF, sous le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial puis de société anonyme, a depuis l'origine assuré le bon fonctionnement. Ainsi, et alors même qu'en vertu du dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 10 février 2000, le service public de l'électricité est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par l'État et les communes ou leurs établissements publics de coopération et qu'en vertu du II de l'article 15 de la même loi, la société Réseau de Transport d'Electricité (RTE), gestionnaire du réseau public de transport, assure à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau, la société EDF est responsable d'un service public en ce qu'elle exploite les centres nucléaires de production d'électricité. Ses organes dirigeants étaient donc compétents pour déterminer les limitations au droit de grève de ses agents. b) Avant de mettre en oeuvre de telles mesures, il y a lieu, compte tenu du caractère non directement substituable de l'énergie électrique, de ses caractéristiques physiques en vertu desquelles elle ne peut être stockée en quantité importante et des contraintes techniques du fonctionnement des centres nucléaires de production d'électricité, de rechercher préalablement la possibilité de mettre en oeuvre d'autres moyens de production, de recourir aux capacités d'importation des réseaux transfrontières ou de faire appel à la diminution volontaire ou contractuelle de la demande d'électricité. S'il appartient à la société EDF, seule exploitante des centres nucléaires de production d'électricité, de prendre les dispositions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du service public dont elle a la charge, elle doit le faire au vu, non seulement de ses propres données, mais aussi des analyses prévisionnelles de l'équilibre entre offre et demande d'électricité en France établies par la société RTE, gestionnaire du réseau public de transport de l'électricité. c) En l'espèce, légalité des mesures prises, au vu des capacités de production mobilisables, des importations possibles et des prévisions météorologiques.


(1) Cf. CE, Assemblée, 7 juillet 1950, Dehaene, n° 01645, p. 110. (2) Rappr., avant l'intervention de la loi du 10 février 2000, CE, Section, 17 mars 1997, Fédération nationale des syndicats du personnel des industries de l'énergie électrique, nucléaire et gazière, n° 123912, p. 90. (3) Rappr. CE, Section, 6 avril 2007, Commune d'Aix-en-Provence, n° 284736, p. 155. (4) Cf. CE, 23 juin 2010, Comité mixte à la production de la direction des achats d'électricité de France, n° 306237, T. p. 637. Rappr., s'agissant de la qualification d'ouvrage public, CE, Assemblée, avis, 29 avril 2010, M. et Mme Beligaud, n° 323179, p. 126.

Voir aussi