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Ariane Web: Conseil d'État 368904, lecture du 22 octobre 2014

Analyse n° 368904
22 octobre 2014
Conseil d'État

N° 368904
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 22 octobre 2014



54-07-01 : Procédure- Pouvoirs et devoirs du juge- Questions générales-

Application d'une nouvelle règle jurisprudentielle aux instances en cours - 1) Existence en principe - 2) Limite - Atteinte, en l'espèce, à un bien protégé par le 1er protocole additionnel à la CEDH.




1) Il appartient en principe au juge administratif de faire application d'une règle jurisprudentielle nouvelle à l'ensemble des litiges, quelle que soit la date des faits qui leur ont donné naissance. En l'espèce, il y a lieu d'appliquer la règle jurisprudentielle selon laquelle, lorsque la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage, et ce alors même qu'en l'espèce un jugement de 1992 antérieur au revirement de jurisprudence et devenu définitif avait constaté qu'un retard apporté à la réalisation d'une césarienne avait fait perdre à la victime ses chances de récupération et déclaré l'établissement public hospitalier entièrement responsable des conséquences de ce retard. L'autorité de ce jugement implique que l'intégralité du dommage soit regardée comme la conséquence directe du retard fautif mais ne fait pas obstacle à l'application de la règle nouvelle d'évaluation du dommage. 2) Cependant, les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention EDH font obstacle à ce que soient remises en cause les sommes déjà versées, en attendant la fixation définitive de l'indemnité, calculées à l'époque sur la base de la règle jurisprudentielle antérieure prévoyant la réparation intégrale du dommage corporel. En l'espèce, les sommes versées au titre de la rente allouée par un jugement de 1994 en attendant la date à laquelle l'indemnité définitive pourrait être fixée, qui doivent être regardées comme définitivement acquises, ne pourront être déduites de l'évaluation faite des droits de la victime à réparation d'une perte de chance.





60-04-03 : Responsabilité de la puissance publique- Réparation- Évaluation du préjudice-

Responsabilité pour faute médicale - Faute ayant compromis les chances d'obtenir une amélioration de l'état de santé du patient ou d'échapper à son aggravation - 1) Réparation de la perte de chance d'éviter le dommage - Application de la décision opérant le revirement de jurisprudence aux instances en cours - Existence en principe, sans qu'y fasse obstacle le fait qu'un jugement ait définitivement reconnu la faute médicale antérieurement au revirement de jurisprudence dès lors que ce jugement n'avait pas procédé à l'évaluation du préjudice (1) - 2) Limite - Atteinte, en l'espèce, à un bien protégé par le 1er protocole additionnel à la CEDH (2).




1) Il appartient en principe au juge administratif de faire application d'une règle jurisprudentielle nouvelle à l'ensemble des litiges, quelle que soit la date des faits qui leur ont donné naissance. En l'espèce, il y a lieu d'appliquer la règle jurisprudentielle selon laquelle, lorsque la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage, et ce alors même qu'en l'espèce un jugement de 1992 antérieur au revirement de jurisprudence et devenu définitif avait constaté qu'un retard apporté à la réalisation d'une césarienne a fait perdre à la victime ses chances de récupération et déclaré l'établissement public hospitalier entièrement responsable des conséquences de ce retard. L'autorité de ce jugement implique que l'intégralité du dommage soit regardée comme la conséquence directe du retard fautif mais ne fait pas obstacle à l'application de la règle nouvelle d'évaluation du dommage. 2) Cependant, les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention EDH font obstacle à ce que soit remises en cause les sommes déjà versées, en attendant la fixation définitive de l'indemnité, calculées à l'époque sur la base de la règle jurisprudentielle antérieure prévoyant la réparation intégrale du dommage corporel. En l'espèce, les sommes versées au titre de la rente allouée par un jugement de 1994 en attendant la date à laquelle l'indemnité définitive pourrait être fixée, qui doivent être regardées comme définitivement acquises, ne pourront être déduites de l'évaluation faite des droits de la victime à réparation d'une perte de chance.


(1) Cf CE, 2 septembre 2009, Assistance publique de Marseille, n° 297013, T. p. 917. Comp., pour une espèce où l'article 1er du premier protocole de la convention EDH n'était pas invoqué, CE, 15 mars 2013, M. Moret, n° 337496, inédit au Recueil. (2) Comp., s'agissant des règles générales de l'indemnisation définitive du préjudice d'un enfant né atteinte d'une informité à la suite d'une faute d'un établissement public d'hospitalisation lors de l'accouchement CE, 11 mai 2007, M. Bouvard et autres, n° 281702, p. 204.

Voir aussi