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Ariane Web: Conseil d'État 373065, lecture du 5 novembre 2014

Analyse n° 373065
5 novembre 2014
Conseil d'État

N° 373065
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 5 novembre 2014



14-05-01-03 : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique- Défense de la concurrence- Contrôle de la concentration économique- Règles de fond-

1) Analyse des effets concurrentiels - a) Appréciation des risques de création ou d'aggravation d'une position dominante collective entre les principaux opérateurs - Critères d'identification d'une telle position (1) - Devoir de l'autorité régulatrice de s'interroger sur la probabilité de la création d'une position dominante collective - Appréhension du mécanisme économique global d'une éventuelle coordination - b) Application à l'espèce - Coordination des comportements de l'entité issue de l'opération de concentration et de ses principaux concurrents peu probable - 2) Engagement visant à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération - Devoir de l'autorité régulatrice de rechercher seulement s'il est de nature à pallier les effets anticoncurrentiels de l'opération et à maintenir ainsi une concurrence suffisante - Conséquence - Moyen tiré de ce qu'un engagement serait insuffisant pour permettre à des concurrents de la nouvelle entité d'accroître la concurrence - Opérance - Absence.




1) a) Les comportements d'opérateurs en situation oligopolistique sur un marché pertinent peuvent, en l'absence même de toute entente formelle, être implicitement coordonnés, lorsque ces opérateurs, notamment en raison de l'existence de facteurs de corrélation entre eux, ont le pouvoir d'adopter durablement une même ligne d'action sur le marché en vue de profiter d'une situation de puissance économique collective, en particulier pour vendre au-dessus des prix concurrentiels, sans que les concurrents actuels ou potentiels ou encore les clients et les consommateurs ne puissent réagir de manière effective. Une telle position dominante collective peut être identifiée lorsque chacun des membres de l'oligopole est en mesure de connaître de manière suffisamment précise et immédiate l'évolution du comportement des autres, qu'il existe des menaces de représailles crédibles en cas de déviation de la ligne d'action implicitement approuvée par tous et que les réactions prévisibles des consommateurs et des concurrents actuels ou potentiels de l'oligopole ne peuvent suffire à remettre en cause les résultats attendus de la collusion tacite. Pour apprécier si une opération de concentration présente le risque de tels effets coordonnés, il incombe à l'autorité régulatrice de s'interroger, dans le cadre d'une analyse prospective du marché pertinent, sur sa probabilité, en appréhendant, sans s'en tenir à l'application de chacun des trois critères énumérés ci-dessus pris isolément, le mécanisme économique global d'une éventuelle coordination. b) En l'espèce, l'Autorité de la concurrence a relevé que les deux opérateurs majeurs sur le marché pertinent y détiendraient une part de marché globale d'au moins 90 %. Elle a par ailleurs estimé que les entreprises qui resteraient présentes sur ce marché avaient des structures de coût différentes, résultant notamment de ce qu'une seule possède un site de production dans la région alors que les coûts de transport des produits sont très élevés, et de ce que l'entité issue de l'opération de concentration sera une société coopérative et participative de taille moyenne active uniquement en France, alors que l'autre opérateur majeur et la société requérante sont des groupes puissants au niveau national et au niveau international. Elle a enfin insisté sur le fait que le marché pertinent se caractérise notamment par l'importance de l'innovation. Elle n'a commis, sur ces différents points, aucune erreur d'appréciation. En en déduisant qu'une coordination des comportements de l'entité issue de l'opération de concentration litigieuse et de ses principaux concurrents sur le marché pertinent était peu probable, sans procéder à une analyse au regard de chacun des trois critères mentionnés ci-dessus pris isolément, elle n'a, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, commis aucune erreur de droit. 2) Un moyen tiré de ce qu'un engagement visant à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération de concentration serait insuffisant pour permettre à des concurrents de la nouvelle entité d'accroître la concurrence sur le marché pertinent ne peut qu'être écarté dès lors qu'il appartient seulement à l'Autorité de la concurrence, pour apprécier si un engagement est pertinent et suffisant, de rechercher s'il est de nature à pallier les effets anticoncurrentiels de l'opération projetée et à maintenir ainsi une concurrence suffisante.


(1) Cf. CE, 31 juillet 2009, Société fiducial audit et Société fiducial expertise, n° 305903, p. 313.

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