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Ariane Web: Conseil d'État 368773, lecture du 29 décembre 2014

Analyse n° 368773
29 décembre 2014
Conseil d'État

N° 368773
Publié au recueil Lebon

Lecture du lundi 29 décembre 2014



51-02-001-02 : Postes et communications électroniques- Communications électroniques- Licences d'utilisation du spectre électromagnétique- Prix-

Fixation du montant des redevances dues au titre de l'utilisation de fréquences radioélectriques - 1) Principes - a) Calcul de la redevance - Obligation de prendre en compte les avantages de toute nature procurés par cette utilisation - Existence - b) Modification de la redevance avant le terme d'une autorisation délivrée - Possibilité - Existence - Condition - Circonstances nouvelles intervenues ou portées à la connaissance du gestionnaire du domaine postérieurement à la délivrance de l'autorisation - 2) Espèce - Décret modifiant le montant des redevances pour tenir compte de la levée des restrictions d'utilisation pour des fréquences de la bande 1 800 MHz (passage à la 4G) - a) Circonstance nouvelle - Existence - b) Méthode d'évaluation de l'avantage économique procuré aux titulaires de l'autorisation - Erreurs de droit - Existence, i) la durée prise en compte étant supérieure à la durée résiduelle des autorisations accordées aux opérateurs en place et ii) la valeur économique reposant sur l'hypothèse d'une utilisation exclusive de la bande en 4 G, alors qu'une partie restera nécessairement utilisée en 2 G.




1) Il résulte des dispositions des articles L. 2124-26, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, précédemment citées, que l'utilisation de fréquences radioélectriques, par les titulaires d'autorisation, constitue un mode d'occupation privative du domaine public de l'Etat, qui donne lieu au paiement d'une redevance, laquelle tient compte des avantages de toute nature procurés par cette utilisation. Ainsi que le rappelle l'article L. 42-1 du code des postes et des communications électroniques, le Premier ministre peut, par décret, fixer le montant des redevances exigées des opérateurs de téléphonie mobile pour l'exploitation des fréquences qu'ils ont été autorisés à utiliser par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Si l'autorité gestionnaire du domaine public peut, avant même le terme d'une autorisation délivrée, modifier les conditions pécuniaires auxquelles est subordonnée l'occupation du domaine, elle ne peut toutefois légalement exercer cette prérogative qu'à raison de circonstances nouvelles intervenues ou portées à sa connaissance postérieurement à la délivrance de l'autorisation. Cependant, la modification du montant de la redevance due pour l'utilisation de ces fréquences ne saurait être fixée à un niveau qui serait manifestement disproportionné par rapport à l'avantage que les opérateurs en retirent. L'autorité compétente doit veiller, ainsi que le précisent les objectifs énoncés aux articles 13 et 14 de la directive 2002/20 CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002, à ce qu'une éventuelle augmentation, limitée à des proportions raisonnables, tienne compte du surcroît d'avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation, déterminé en ayant recours à une méthode d'évaluation objectivement justifiée, transparente et non discriminatoire. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens soulevés à l'appui d'une contestation du nouveau montant de la redevance, de s'assurer que les bases de calcul retenues pour déterminer ce montant ne sont pas entachées d'erreur de droit et que le montant qui en résulte n'est pas manifestement disproportionné par rapport aux avantages de toute nature procurés aux opérateurs par les nouvelles conditions d'utilisation des fréquences. 2) En l'espèce, décret pris après la levée des restrictions d'utilisation pour des fréquences de la bande 1 800 MHz pour modifier, en conséquence, le montant de la redevance due au titre de l'utilisation des fréquences radioélectriques dans cette bande. Ce décret maintient inchangée la part variable de la redevance, égale à 1 % du montant total du chiffre d'affaires lié à l'utilisation des fréquences considérées, et augmente la part fixe en portant son montant annuel de 571 euros à 3 231 euros par kHz duplex pour une utilisation sans restriction des fréquences en cause, tout en laissant le montant inchangé à 571 euros par kHz duplex lorsque l'utilisation des fréquences de la bande considérée n'est autorisée que pour l'exploitation d'un réseau de deuxième génération. a) La levée des restrictions d'utilisation pour des fréquences de la bande 1 800 MHz, décidée dans le cadre des dispositions de l'article 59 de l'ordonnance du 24 août 2011, permet aux opérateurs qui l'ont obtenue d'exploiter les fréquences correspondantes au moyen d'autres procédés que la norme GSM qui était auparavant seule autorisée sur ces fréquences. Cette novation a constitué une circonstance nouvelle qui était de nature à permettre à l'autorité compétente de modifier les conditions pécuniaires mises à l'utilisation de ces fréquences, alors même que les autorisations qui avaient été délivrées n'étaient pas venues à expiration. b) La méthode d'évaluation des avantages économiques retenue pour fixer les nouveaux montants est cependant entachée d'une double erreur de droit. i) D'une part, le décret repose sur une estimation de la valeur économique d'une porteuse de 5 MHz duplex dans la bande 1 800 MHz sur une durée de quinze ans alors que, à la date d'intervention du décret modificatif, la durée restant à courir de l'autorisation dont bénéficiait la société à l'origine de la levée des restrictions d'utilisation était inférieure à quinze ans, de même que la durée résiduelle des autorisations délivrées aux autres opérateurs pour des fréquences de la bande 1 800 MHz s'ils entendaient eux aussi obtenir la levée des restrictions d'utilisation. En ne tenant pas compte de cette différence de durées, le décret a fixé un montant de redevance qui n'est pas en rapport avec les avantages effectivement procurés par cette utilisation. ii) D'autre part, l'évaluation de la valeur intrinsèque de la bande de fréquences reposait sur une hypothèse d'utilisation des fréquences en cause au seul moyen d'un réseau de 4ème génération, alors que les fréquences en cause ne peuvent, en fait, être utilisées, au moins pendant un temps, exclusivement avec la norme 4 G, compte tenu de la nécessité pour l'opérateur de continuer d'acheminer sur cette bande de fréquences un volume notable de communications par le biais de la norme 2 G. En fixant un montant de part fixe en fonction des avantages estimés pour une utilisation exclusive avec la norme 4 G, alors que les avantages procurés à l'opérateur peuvent être regardés comme différant sensiblement selon que les fréquences sont utilisées avec la norme 2 G ou la norme 4 G, le décret attaqué a retenu, pour les cas d'utilisation de la norme 2 G après la levée des restrictions d'utilisation, un montant de redevance qui n'est pas en rapport avec les avantages effectivement procurés par cette utilisation.


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