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Ariane Web: Conseil d'État 387726, lecture du 6 février 2015

Analyse n° 387726
6 février 2015
Conseil d'État

N° 387726
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 6 février 2015



49-04 : Police- Police générale-

Arrêté municipal interdisant un spectacle au motif qu'il comporte des propos portant atteinte à la dignité humaine - Atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice de la liberté d'expression et de la liberté de réunion - Existence en l'espèce (1).




L'exercice de la liberté d'expression est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l'exercice de la liberté de réunion. Les atteintes portées, pour des exigences d'ordre public, à l'exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées. (2) Arrêté municipal portant interdiction de la représentation du spectacle d'un comédien au motif, en premier lieu, que ce spectacle comporte des propos de caractère antisémite semblables à ceux pour lesquels son auteur a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, ainsi que des propos et des gestes portant atteinte à la dignité humaine, en deuxième lieu, que ces propos et ces gestes sont de nature à mettre en cause la cohésion nationale dans un contexte caractérisé par les attentats perpétrés à Paris début janvier 2015, mais aussi de nature à susciter une réaction émotionnelle importante de la population de la commune, dont l'une des victimes de ces attentats était originaire, en troisième lieu que des actes de vandalisme et certains courriers adressés au maire peuvent laisser craindre des incidents violents et en dernier lieu, que les effectifs de police, tous mobilisés dans le cadre du plan Vigipirate, n'étant pas disponibles pour prévenir la survenance de troubles, seule l'interdiction de ce spectacle est de nature à assurer le maintien de l'ordre public. En l'espèce, la réalité et la gravité des risques de troubles à l'ordre public mentionnés par l'arrêté ne sont pas établis. Il ne ressort en effet ni des pièces du dossier, ni des débats tenus à l'audience que ce spectacle, dont la représentation était programmée depuis juin 2014 et qui a été joué dans différentes villes depuis décembre 2014, ait suscité des troubles à l'ordre public ou donné lieu à des poursuites pénales. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que ce spectacle contiendrait les propos relevés par l'arrêté d'interdiction contesté. Ni le contexte national, ni le contexte local et notamment les courriers adressés au maire dont un seul fait mention d'un projet de manifestation, ne sont de nature, par eux-mêmes, à créer de tels risques. Il en est de même des diverses condamnations pénales prononcées par le passé contre le comédien ou encore des poursuites dont il fait l'objet à raison d'autres faits. La commune ne démontre pas que les mesures de sécurité nécessaires à la représentation de ce spectacle ne pourraient être mises en oeuvre en se bornant à alléguer du niveau d'alerte retenu par les autorités pour l'application du plan Vigipirate. Dans ces conditions, en prenant un arrêté d'interdiction, le maire de la commune a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression et à la liberté de réunion.





54-035-03-03-01-02 : Procédure- Procédures instituées par la loi du juin - Référé tendant au prononcé de mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (art- L- du code de justice administrative)- Conditions d'octroi de la mesure demandée- Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale- Atteinte grave et manifestement illégale-

Arrêté municipal interdisant un spectacle au motif qu'il comporte des propos portant atteinte à la dignité humaine - Atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice de la liberté d'expression et de la liberté de réunion - Existence en l'espèce (1).




L'exercice de la liberté d'expression est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l'exercice de la liberté de réunion. Les atteintes portées, pour des exigences d'ordre public, à l'exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées (2). Arrêté municipal portant interdiction de la représentation du spectacle d'un comédien au motif, en premier lieu, que ce spectacle comporte des propos de caractère antisémite semblables à ceux pour lesquels son auteur a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, ainsi que des propos et des gestes portant atteinte à la dignité humaine, en deuxième lieu, que ces propos et ces gestes sont de nature à mettre en cause la cohésion nationale dans un contexte caractérisé par les attentats perpétrés à Paris début janvier 2015, mais aussi de nature à susciter une réaction émotionnelle importante de la population de la commune, dont l'une des victimes de ces attentats était originaire, en troisième lieu que des actes de vandalisme et certains courriers adressés au maire peuvent laisser craindre des incidents violents et en dernier lieu, que les effectifs de police, tous mobilisés dans le cadre du plan Vigipirate, n'étant pas disponibles pour prévenir la survenance de troubles, seule l'interdiction de ce spectacle est de nature à assurer le maintien de l'ordre public. En l'espèce, la réalité et la gravité des risques de troubles à l'ordre public mentionnés par l'arrêté ne sont pas établis. Il ne ressort en effet ni des pièces du dossier, ni des débats tenus à l'audience que ce spectacle, dont la représentation était programmée depuis juin 2014 et qui a été joué dans différentes villes depuis décembre 2014, ait suscité des troubles à l'ordre public ou donné lieu à des poursuites pénales. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que ce spectacle contiendrait les propos relevés par l'arrêté d'interdiction contesté. Ni le contexte national, ni le contexte local et notamment les courriers adressés au maire dont un seul fait mention d'un projet de manifestation, ne sont de nature, par eux-mêmes, à créer de tels risques. Il en est de même des diverses condamnations pénales prononcées par le passé contre le comédien ou encore des poursuites dont il fait l'objet à raison d'autres faits. La commune ne démontre pas que les mesures de sécurité nécessaires à la représentation de ce spectacle ne pourraient être mises en oeuvre en se bornant à alléguer du niveau d'alerte retenu par les autorités pour l'application du plan Vigipirate. Dans ces conditions, en prenant un arrêté d'interdiction, le maire de la commune a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression et à la liberté de réunion. (2).


(2) Cf. CE, 19 mai 1933, Benjamin et syndicat d'initiative de Nevers, n°s 17413 17520, p. 541. (1) Cf. sol. contr. JRCE, 9 janvier 2014, Ministre de l'intérieur c/ Société Les Productions de la Plume et M. M'Bala M'Bala, n° 374508, p. 1.

Voir aussi