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Ariane Web: Conseil d'État 366813, lecture du 23 mars 2015

Analyse n° 366813
23 mars 2015
Conseil d'État

N° 366813
Publié au recueil Lebon

Lecture du lundi 23 mars 2015



54-06-07 : Procédure- Jugements- Exécution des jugements-

Demande d'exécution d'une décision juridictionnelle (art. L. 911-4 du CJA) - Pouvoirs du juge - 1) Principe - a) i) Absence de définition préalable des mesures d'exécution - Obligation de définir de telles mesures - ii) Mesures d'exécution déjà définies - Possibilité de préciser la portée des mesures d'exécution et de les compléter - Existence - Possibilité de les remettre en cause ou de remettre en cause la décision juridictionnelle dont l'exécution est demandée - Absence (1) - b) Appréciation de l'opportunité de compléter les mesures d'exécution par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte - Prise en compte des circonstances existant à la date de la décision et des diligences déjà accomplies par les parties ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être - 2) Espèce - Jugement ayant enjoint à un maire de retirer une croix au motif qu'elle était implantée sur un emplacement public - Possibilité pour le maire de soutenir que le terrain d'assiette de la croix appartient à un propriétaire privé - Absence - Possibilité pour cet éventuel propriétaire de former tierce opposition - Existence - Obligation pour le maire d'avertir cet éventuel propriétaire de son intention d'exécuter le jugement - Existence.




1) a) i) Il résulte des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-4 du code de justice administrative (CJA) qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du CJA d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. ii) Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision. b) Il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être. 2) En l'espèce, jugement, devenu définitif faute que les parties en aient relevé appel, par lequel le tribunal administratif, après avoir relevé que le talus communal situé en bordure de voie publique, sur lequel avait été installé un Christ en croix était un emplacement public, a annulé le refus du maire de la commune de retirer cette croix et lui a enjoint d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement. S'il est loisible à la personne qui prétendrait être propriétaire du terrain sur lequel est implantée la croix litigieuse de former tierce opposition contre ce jugement, le maire de la commune ne peut utilement, pour établir qu'il n'est pas en mesure de l'exécuter, se borner à invoquer une telle circonstance, dont il ne soutient pas qu'elle résulterait d'une mutation de propriété postérieure au jugement, ni à produire un arrêté d'alignement signé par lui postérieurement au jugement et qui se borne à constater les limites de la voie publique, dès lors que, ce faisant, il remet en effet nécessairement en cause le bien-fondé de la mesure d'exécution définitivement prononcée par le tribunal administratif ainsi que le motif qui en constitue le soutien nécessaire. Il ne résulte pas de l'instruction que le maire aurait, comme il pouvait le faire au titre des diligences lui incombant pour répondre à la demande d'exécution du jugement en cause, averti la personne dont il affirme qu'elle serait propriétaire du terrain situé en bordure de la voie publique de son intention d'exécuter ce jugement afin de la mettre à même, si elle s'y croit fondée, de former un recours en tierce opposition devant le tribunal administratif ou de saisir le juge civil d'une action tendant à faire reconnaître son droit de propriété. Par suite, le maire n'établit pas avoir accompli toutes les diligences utiles qui lui incombaient en vue de l'exécution du jugement. Prononcé d'une astreinte.


(1) Cf. CE, 3 mai 2004, Magnat, n° 250730, T. pp. 838-841 ; CE, 23 novembre 2005, Société Eiffage TP, n° 271329, p. 524 ; CE, 29 juin 2011, SCI La Lauzière et autres, n°327080 327256 327332, p. 308.

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