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Ariane Web: Conseil d'État 400074, lecture du 13 juillet 2016

Analyse n° 400074
13 juillet 2016
Conseil d'État

N° 400074
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 13 juillet 2016



04-01-005 : Aide sociale- Organisation de l'aide sociale- Détermination de la collectivité ayant la charge de l'aide-

Mise en oeuvre du droit à l'hébergement d'urgence pour les familles - 1) a) Compétence de l'Etat - Compétence principale - Conséquence - Possibilité pour le juge du référé-liberté de prononcer une injonction à l'encontre de l'Etat en cas de carence caractérisée - Existence - Conditions (1) - b) Cas des étrangers objet d'une OQTF ou dont la demande d'asile a été définitivement rejetée - Injonction en cas de circonstances exceptionnelles uniquement (2) - 2) Compétence du département - Compétence supplétive (3) - Conséquence - Possibilité pour le juge du référé-liberté de prononcer une injonction à l'encontre du département - Absence (4).




1) a) Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des articles L. 345-2, L. 345-2-2, L. 345-2-3 et L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles, de mettre en oeuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée. b) Les ressortissants étrangers qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou dont la demande d'asile a été définitivement rejetée et qui doivent ainsi quitter le territoire en vertu des dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas vocation à bénéficier du dispositif d'hébergement d'urgence, une carence constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne saurait être caractérisée, à l'issue de la période strictement nécessaire à la mise en oeuvre de leur départ volontaire, qu'en cas de circonstances exceptionnelles. Constitue une telle circonstance, en particulier lorsque, notamment du fait de leur très jeune âge, une solution appropriée ne pourrait être trouvée dans leur prise en charge hors de leur milieu de vie habituel par le service de l'aide sociale à l'enfance, l'existence d'un risque grave pour la santé ou la sécurité d'enfants mineurs, dont l'intérêt supérieur doit être une considération primordiale dans les décisions les concernant. 2) La compétence de l'Etat en matière d'hébergement d'urgence n'exclut pas l'intervention du département par la voie d'aides financières destinées à permettre temporairement l'hébergement des familles lorsque la santé des enfants, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l'exigent, sur le fondement de l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles. Toutefois, de telles prestations ne sont pas d'une nature différente de celles que l'Etat pourrait fournir en cas de saturation des structures d'hébergement d'urgence. Les besoins des enfants ne sauraient faire l'objet d'une appréciation différente selon la collectivité amenée à prendre en charge, dans l'urgence, l'hébergement de la famille. Ainsi, dès lors que ne sont en cause ni des mineurs relevant d'une prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance en application de l'article L. 222-5 du même code, ni des femmes enceintes ou des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans mentionnées au 4° du même article, l'intervention du département ne revêt qu'un caractère supplétif, dans l'hypothèse où l'Etat n'aurait pas accompli les diligences qui lui reviennent, et ne saurait entraîner une quelconque obligation à la charge du département dans le cadre d'une procédure d'urgence qui a précisément pour objet de prescrire, à l'autorité principalement compétente, les diligences qui s'avéreraient nécessaires.





54-035-03-03-01-02 : Procédure- Procédures instituées par la loi du juin - Référé tendant au prononcé de mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale (art- L- du code de justice administrative)- Conditions d'octroi de la mesure demandée- Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale- Atteinte grave et manifestement illégale-

Référé-liberté tendant à la mise en oeuvre du droit à l'hébergement d'urgence - 1) a) Possibilité de prononcer une injonction à l'encontre de l'Etat en cas de carence caractérisée - Existence - Conditions (1) - b) Cas des étrangers objet d'une OQTF ou dont la demande d'asile a été définitivement rejetée - Injonction en cas de circonstances exceptionnelles uniquement (2) - 2) Compétence du département en matière d'hébergement d'urgence des familles - Compétence supplétive (3) - Conséquence - Possibilité de prononcer une injonction à l'encontre du département - Absence (4).




1) a) Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des articles L. 345-2, L. 345-2-2, L. 345-2-3 et L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles, de mettre en oeuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée. b) Les ressortissants étrangers qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou dont la demande d'asile a été définitivement rejetée et qui doivent ainsi quitter le territoire en vertu des dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas vocation à bénéficier du dispositif d'hébergement d'urgence, une carence constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne saurait être caractérisée, à l'issue de la période strictement nécessaire à la mise en oeuvre de leur départ volontaire, qu'en cas de circonstances exceptionnelles. Constitue une telle circonstance, en particulier lorsque, notamment du fait de leur très jeune âge, une solution appropriée ne pourrait être trouvée dans leur prise en charge hors de leur milieu de vie habituel par le service de l'aide sociale à l'enfance, l'existence d'un risque grave pour la santé ou la sécurité d'enfants mineurs, dont l'intérêt supérieur doit être une considération primordiale dans les décisions les concernant. 2) La compétence de l'Etat en matière d'hébergement d'urgence n'exclut pas l'intervention du département par la voie d'aides financières destinées à permettre temporairement l'hébergement des familles lorsque la santé des enfants, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l'exigent, sur le fondement de l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles. Toutefois, de telles prestations ne sont pas d'une nature différente de celles que l'Etat pourrait fournir en cas de saturation des structures d'hébergement d'urgence. Les besoins des enfants ne sauraient faire l'objet d'une appréciation différente selon la collectivité amenée à prendre en charge, dans l'urgence, l'hébergement de la famille. Ainsi, dès lors que ne sont en cause ni des mineurs relevant d'une prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance en application de l'article L. 222-5 du même code, ni des femmes enceintes ou des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans mentionnées au 4° du même article, l'intervention du département ne revêt qu'un caractère supplétif, dans l'hypothèse où l'Etat n'aurait pas accompli les diligences qui lui reviennent, et ne saurait entraîner une quelconque obligation à la charge du département dans le cadre d'une procédure d'urgence qui a précisément pour objet de prescrire, à l'autorité principalement compétente, les diligences qui s'avéreraient nécessaires.


(1) Cf. CE, juge des référés, 10 février 2012, , n° 356456, T. pp. 835-914. (2) Cf., en précisant, CE, juge des référés, 24 septembre 2013, M. et Mme , n° 372324, inédite au Recueil ; CE, juge des référés, 17 avril 2014, M. et Mme , n° 377658, inédite au Recueil. (3) Cf. CE, Section, décision du même jour, Département de la Seine-Saint-Denis, n° 388317, p. 359 ; CE, 30 mars 2016, Département de la Seine-Saint-Denis, n° 382437, p. 106. (4) Cf. CE, Section, décisions du même jour, Département du Puy-de-Dôme, n°s 399829, 399834, 399836 (3 décisions), inédites au Recueil.

Voir aussi