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Ariane Web: Conseil d'État 409777, lecture du 28 juin 2017

Analyse n° 409777
28 juin 2017
Conseil d'État

N° 409777
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 28 juin 2017



08-20 : Armées et défense- Divers-

Indemnisation des victimes des essais nucléaires - Présomption de causalité à l'égard des victimes de maladies résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants qui remplissent certaines conditions - Régime issu de l'art. 113 de la loi du 28 février 2017 - 1) Entrée en vigueur en l'absence de mesures d'application - Existence - 2) Application aux instances en cours - Existence - 3) Office du juge de plein contentieux - a) Cas où la décision du CIVEN est postérieure à l'entrée en vigueur de la loi - b) Cas où la décision du CIVEN est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi - 4) Conditions de renversement de la présomption de causalité (1).




Régime d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français issu de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, modifiée par l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017. 1) L'entrée en vigueur des dispositions du I de l'article 113 de la loi du 28 février 2017 n'est pas manifestement impossible en l'absence de mesures d'application. Elle est dès lors intervenue le lendemain de la publication de cette loi au Journal officiel de la République française. 2) Ces dispositions sont applicables aux instances en cours à cette date. 3) Il résulte du II de l'article 113 de la loi du 28 février 2017, d'une part, que le législateur a confié au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) la mission de réexaminer l'ensemble des demandes d'indemnisation ayant fait l'objet d'une décision de rejet de la part du ministre ou du comité, s'il estime que l'entrée en vigueur de cette loi est susceptible de justifier l'abrogation de la précédente décision et, d'autre part, que les victimes ou leurs ayants droit peuvent, dans les douze mois à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, présenter au CIVEN une nouvelle demande d'indemnisation. a) Compte tenu de son office, il appartient au juge de plein contentieux, saisi d'un litige relatif à une décision intervenue après réexamen d'une ancienne demande d'indemnisation ou en réponse à une demande postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 28 février 2017, de statuer en faisant application des dispositions de la loi du 5 janvier 2010 dans leur rédaction issue de la loi du 28 février 2017 et, s'il juge illégale la décision contestée, de fixer le montant de l'indemnité due au demandeur, sous réserve que ce dernier ait présenté des conclusions indemnitaires chiffrées, le cas échéant, après que le juge l'a invité à régulariser sa demande sur ce point. b) En revanche, il résulte des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 28 février 2017 que le législateur a entendu que, lorsque le juge statue sur une décision antérieure à leur entrée en vigueur, il se borne, s'il juge, après avoir invité les parties à débattre des conséquences de l'application de la loi précitée, qu'elle est illégale, à l'annuler et à renvoyer au CIVEN le soin de réexaminer la demande. 4) Les dispositions du I de l'article 113 de la loi du 28 février 2017 ont supprimé les dispositions du premier alinéa du V de l'article 4 de la loi du 5 janvier 2010. Le législateur a ainsi entendu que, dès lors qu'un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010, il bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la pathologie de l'intéressé résulte exclusivement d'une cause étrangère à l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires, en particulier parce qu'il n'a subi aucune exposition à de tels rayonnements. Les dispositions du III de l'article 113 de la loi du 28 février 2017, qui se bornent à instituer une commission chargée de proposer au Gouvernement des mesures destinées "à réserver l'indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires", sont, en tout état de cause, dépourvues d'incidence sur cette présomption de causalité.


(1)Comp., dans l'état antérieur du texte, CE, 7 décembre 2015, Mme , n° 378325, p. 432.

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