Base de jurisprudence


Analyse n° 413366
4 décembre 2017
Conseil d'État

N° 413366
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du lundi 4 décembre 2017



15-05-01 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Libertés de circulation-

Clauses relatives à l'exécution d'un marché public - 1) Conditions de légalité - a) Lien suffisant avec l'objet du marché - b) Conditions particulières relatives à l'admissibilité de telles clauses au regard des libertés fondamentales garanties par le TFUE - 2) "Clauses d'interprétariat" - a) Lien suffisant avec l'objet d'un marché public de travaux - Existence - b) Caractère discriminatoire et entrave à la libre circulation - Absence - c) Objectif d'intérêt légitime et proportionnalité - i) Clause relative à l'information des personnels sur leurs droits sociaux - Existence - ii) Clause relative à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs - Existence.




1) a) Il résulte du I de l'article 38 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qu'un pouvoir adjudicateur peut imposer, parmi les conditions d'exécution d'un marché public, des exigences particulières pour prendre en compte les considérations relatives à l'économie, à l'innovation, à l'environnement, au domaine social ou à l'emploi, sous réserve que celles-ci présentent un lien suffisant avec l'objet du marché. b) Une mesure nationale qui restreint l'exercice des libertés fondamentales garanties par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ne peut être admise qu'à la condition qu'elle poursuive un objectif d'intérêt général, qu'elle soit propre à garantir la réalisation de celui-ci et qu'elle n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Il suit de là que lorsqu'elles sont susceptibles de restreindre l'exercice effectif des libertés fondamentales garanties par ce traité, les exigences particulières imposées par le pouvoir adjudicateur doivent remplir les conditions qui viennent d'être rappelées. A défaut, le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative (CJA), constate le manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. c) i) "Clause d'interprétariat" en matière de protection sociale prévoyant que, pour permettre au maître d'ouvrage d'exercer son obligation de prévention et de vigilance en matière d'application de la législation du travail, l'intervention d'un interprète qualifié peut être demandée, aux frais du titulaire du marché, afin que la personne publique responsable puisse s'assurer que les personnels présents sur le chantier et ne maîtrisant pas suffisamment la langue française, quelle que soit leur nationalité, comprennent effectivement le socle minimal de normes sociales qui s'applique à leur situation. Une telle clause, dont la mise en oeuvre par le maître d'ouvrage ne doit pas occasionner de coûts excessifs au titulaire du marché, vise à garantir la réalisation d'un objectif d'intérêt général lié à la protection sociale des travailleurs du secteur de la construction en rendant effectif l'accès de personnels peu qualifiés à leurs droits sociaux essentiels. L'appréciation du niveau suffisant de maîtrise de la langue française se fait au cas par cas parmi les personnels employés sur le chantier et un échange oral, avant l'exécution des travaux, avec un interprète qualifié, c'est-à-dire toute personne en mesure d'expliquer aux travailleurs concernés leurs droits sociaux essentiels, permet à l'entreprise de répondre à ses obligations. A supposer même que cette clause puisse être susceptible de restreindre l'exercice effectif d'une liberté fondamentale garantie par le droit de l'Union, elle poursuit un objectif d'intérêt général dont elle garantit la réalisation sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre. ii) "Clause d'interprétariat" prévue par un cahier des clauses administratives particulières (CCAP) en matière de prévention dans le domaine de la sécurité et de la santé, stipulant que, pour garantir la sécurité des travailleurs et visiteurs sur le chantier lors de la réalisation de tâches signalées comme présentant un risque pour la sécurité des personnes et des biens, une formation est dispensée à l'ensemble des personnels affectés à l'exécution de ces tâches, quelle que soit leur nationalité et prévoyant que cette formation donne lieu, lorsque les personnels concernés par ces tâches ne maîtrisent pas suffisamment la langue française, à l'intervention d'un interprète qualifié. Une telle clause, nécessairement appliquée de manière raisonnable par le maître d'ouvrage pour ne pas occasionner de coûts excessifs au titulaire du marché, vise à permettre au maître d'ouvrage de s'assurer que chaque travailleur directement concerné par l'exécution de ces tâches risquées sur le chantier est en mesure de réaliser celles-ci dans des conditions de sécurité suffisantes. Compte tenu du degré de risque particulièrement élevé à cet égard dans les chantiers de travaux et dans la mesure où le recours à un personne susceptible d'assurer l'information appropriée aux travailleurs dans leur langue ne concerne que ceux directement concernés par l'exécution de ces tâches, une telle clause, à supposer même qu'elle puisse être susceptible de restreindre l'exercice effectif d'une liberté fondamentale garantie par le droit de l'Union, poursuit un objectif d'intérêt général dont elle garantit la réalisation sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.





39-02-04 : Marchés et contrats administratifs- Formation des contrats et marchés- Contenu-

Clauses relatives à l'exécution d'un marché public - 1) Conditions de légalité - a) Lien suffisant avec l'objet du marché - b) Conditions particulières relatives à l'admissibilité de telles clauses au regard des libertés fondamentales garanties par le TFUE - 2) "Clauses d'interprétariat" - a) Lien suffisant avec l'objet d'un marché public de travaux - Existence - b) Caractère discriminatoire et entrave à la libre circulation - Absence - c) Objectif d'intérêt légitime et proportionnalité - i) Clause relative à l'information des personnels sur leurs droits sociaux - Existence - ii) Clause relative à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs - Existence.




1) a) Il résulte du I de l'article 38 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qu'un pouvoir adjudicateur peut imposer, parmi les conditions d'exécution d'un marché public, des exigences particulières pour prendre en compte les considérations relatives à l'économie, à l'innovation, à l'environnement, au domaine social ou à l'emploi, sous réserve que celles-ci présentent un lien suffisant avec l'objet du marché. b) Une mesure nationale qui restreint l'exercice des libertés fondamentales garanties par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ne peut être admise qu'à la condition qu'elle poursuive un objectif d'intérêt général, qu'elle soit propre à garantir la réalisation de celui-ci et qu'elle n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Il suit de là que lorsqu'elles sont susceptibles de restreindre l'exercice effectif des libertés fondamentales garanties par ce traité, les exigences particulières imposées par le pouvoir adjudicateur doivent remplir les conditions qui viennent d'être rappelées. A défaut, le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative (CJA), constate le manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. c) i) "Clause d'interprétariat" en matière de protection sociale prévoyant que, pour permettre au maître d'ouvrage d'exercer son obligation de prévention et de vigilance en matière d'application de la législation du travail, l'intervention d'un interprète qualifié peut être demandée, aux frais du titulaire du marché, afin que la personne publique responsable puisse s'assurer que les personnels présents sur le chantier et ne maîtrisant pas suffisamment la langue française, quelle que soit leur nationalité, comprennent effectivement le socle minimal de normes sociales qui s'applique à leur situation. Une telle clause, dont la mise en oeuvre par le maître d'ouvrage ne doit pas occasionner de coûts excessifs au titulaire du marché, vise à garantir la réalisation d'un objectif d'intérêt général lié à la protection sociale des travailleurs du secteur de la construction en rendant effectif l'accès de personnels peu qualifiés à leurs droits sociaux essentiels. L'appréciation du niveau suffisant de maîtrise de la langue française se fait au cas par cas parmi les personnels employés sur le chantier et un échange oral, avant l'exécution des travaux, avec un interprète qualifié, c'est-à-dire toute personne en mesure d'expliquer aux travailleurs concernés leurs droits sociaux essentiels, permet à l'entreprise de répondre à ses obligations. A supposer même que cette clause puisse être susceptible de restreindre l'exercice effectif d'une liberté fondamentale garantie par le droit de l'Union, elle poursuit un objectif d'intérêt général dont elle garantit la réalisation sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre. ii) "Clause d'interprétariat" prévue par un cahier des clauses administratives particulières (CCAP) en matière de prévention dans le domaine de la sécurité et de la santé, stipulant que, pour garantir la sécurité des travailleurs et visiteurs sur le chantier lors de la réalisation de tâches signalées comme présentant un risque pour la sécurité des personnes et des biens, une formation est dispensée à l'ensemble des personnels affectés à l'exécution de ces tâches, quelle que soit leur nationalité et prévoyant que cette formation donne lieu, lorsque les personnels concernés par ces tâches ne maîtrisent pas suffisamment la langue française, à l'intervention d'un interprète qualifié. Une telle clause, nécessairement appliquée de manière raisonnable par le maître d'ouvrage pour ne pas occasionner de coûts excessifs au titulaire du marché, vise à permettre au maître d'ouvrage de s'assurer que chaque travailleur directement concerné par l'exécution de ces tâches risquées sur le chantier est en mesure de réaliser celles-ci dans des conditions de sécurité suffisantes. Compte tenu du degré de risque particulièrement élevé à cet égard dans les chantiers de travaux et dans la mesure où le recours à un personne susceptible d'assurer l'information appropriée aux travailleurs dans leur langue ne concerne que ceux directement concernés par l'exécution de ces tâches, une telle clause, à supposer même qu'elle puisse être susceptible de restreindre l'exercice effectif d'une liberté fondamentale garantie par le droit de l'Union, poursuit un objectif d'intérêt général dont elle garantit la réalisation sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.