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Ariane Web: Conseil d'État 403944, lecture du 6 décembre 2017

Analyse n° 403944
6 décembre 2017
Conseil d'État

N° 403944
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 6 décembre 2017



26-055-01-13 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention- Droit à un recours effectif (art- )-

Décision de limiter ou d'interrompre des traitements dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté (1) - Droit au recours des personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient - Méconnaissance - Absence, compte tenu de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017.




Il résulte des réserves d'interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, qui sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et qui lient le juge pour l'application et l'interprétation de la loi, que les personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient doivent pouvoir exercer un recours en temps utile et que, lorsqu'est exercé un recours tels que le référé prévu par l'article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA) devant les juridictions administratives ou celui que prévoit l'article 809 du code de procédure civile (CPC) devant les juridictions civiles, il doit être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente en vue de la suspension éventuelle de la décision contestée. Ceci implique nécessairement que le médecin ne peut mettre en oeuvre une décision d'arrêter ou de limiter un traitement avant que les personnes qu'il a consultées et qui pourraient vouloir saisir la juridiction compétente d'un tel recours n'aient pu le faire et obtenir une décision de sa part. Par suite, le décret n° 2016-1066 du 3 août 2016 et les articles L. 1110-5, L. 1110-5-1, L. 1110-5-2, L. 1111-4 et L. 1111-11 du code de la santé publique dont il fait application ne méconnaissent pas les stipulations combinées des articles 2 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.





61-05 : Santé publique- Bioéthique-

Décision de limiter ou d'interrompre des traitements dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté (1) - 1) Procédure de décision - a) Compétence exclusive du médecin en charge du patient pour décider - Existence - b) Procédure collégiale - Portée - Concertation avec l'équipe de soins et avis d'un médecin tiers - Validité subordonnée à l'obtention d'un consensus - Absence - 2) Droit du patient de ne pas subir un traitement qui traduirait une obstination déraisonnable - Cas d'un patient mineur hors d'état d'exprimer sa volonté - Absence de directives anticipées et de désignation d'une personne de confiance - Conséquence - Consultation de la famille et des proches - Objet de la consultation - 3) Droit à un recours juridictionnel effectif des personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient - Portée, compte tenu de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017.




1) Il résulte des articles L. 1110-5, L. 1110-5-1, L. 1110-5-2, L. 1111-4 et L. 1111-11 du code de la santé publique (CSP), dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016, et la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, que le législateur a permis au médecin en charge d'un patient hors d'état d'exprimer sa volonté d'arrêter ou de ne pas mettre en oeuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, et que la procédure collégiale qu'elles prévoient doit permettre à l'équipe soignante en charge du patient de vérifier le respect des conditions légales et médicales d'arrêt des soins et de mise en oeuvre, dans ce cas, d'une sédation profonde et continue, associée à une analgésie. a) Le décret n° 2016-1066 du 3 août 2016, en confiant au seul médecin en charge du patient la responsabilité de prendre la décision de limitation ou d'arrêt des traitements à l'issue de la procédure collégiale, se borne à expliciter les dispositions législatives pour l'application desquelles il est pris, sans en modifier le sens ou la portée. Dans ces conditions, il ne saurait méconnaître, sur ce point, la liberté personnelle protégée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. b) Par ailleurs, en prévoyant que la procédure collégiale consiste en une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et en l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant, le décret fait une exacte application des dispositions législatives qu'il a pour objet de mettre en oeuvre, sans que puisse être utilement soutenu eu égard à la finalité que le législateur a entendu assigner à cette procédure, qu'il méconnaîtrait la liberté personnelle et le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, faute d'imposer que la procédure collégiale conduise à un consensus médical et familial. 2) Le décret définit, avec les dispositions législatives dont il fait application, un cadre juridique affirmant le droit de toute personne de recevoir les soins les plus appropriés ainsi que le droit que sa volonté de refuser un traitement et de ne pas subir un traitement médical qui traduirait une obstination déraisonnable soit respectée. Quand le patient hors d'état d'exprimer sa volonté est un mineur, auquel ne s'appliquent ni les dispositions relatives aux directives anticipées ni celles qui prévoient la désignation d'une personne de confiance, il incombe au médecin, non seulement de rechercher, en consultant sa famille et ses proches et en tenant compte de l'âge du patient, si sa volonté a pu trouver à s'exprimer antérieurement, mais également, ainsi que le rappelle au demeurant l'article R. 4127-42 du code de la santé publique, de s'efforcer, en y attachant une attention particulière, de parvenir à un accord avec ses parents ou son représentant légal sur la décision à prendre. Le médecin doit, dans l'examen de la situation propre de son patient, être avant tout guidé par le souci de la plus grande bienfaisance à son égard, et, lorsque le patient est un enfant, faire de l'intérêt supérieur de celui-ci une considération primordiale. 3) Il résulte des réserves d'interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, qui sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et qui lient le juge pour l'application et l'interprétation de la loi, que les personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient doivent pouvoir exercer un recours en temps utile et que, lorsqu'est exercé un recours tels que le référé prévu par l'article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA) devant les juridictions administratives ou celui que prévoit l'article 809 du code de procédure civile (CPC) devant les juridictions civiles, il doit être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente en vue de la suspension éventuelle de la décision contestée. Ceci implique nécessairement que le médecin ne peut mettre en oeuvre une décision d'arrêter ou de limiter un traitement avant que les personnes qu'il a consultées et qui pourraient vouloir saisir la juridiction compétente d'un tel recours n'aient pu le faire et obtenir une décision de sa part.


(1) Cf. CE, Assemblée, 14 février 2014, Mme et autres, n°s 375081 375090 375091, p. 31 ; CE, Assemblée, 24 juin 2014, Mme et autres, n°s 375081 375090 375091, p. 175.

Voir aussi