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Ariane Web: Conseil d'État 405453, lecture du 6 juin 2018

Analyse n° 405453
6 juin 2018
Conseil d'État

N° 405453
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du mercredi 6 juin 2018



55-04-01-01 : Professions, charges et offices- Discipline professionnelle- Procédure devant les juridictions ordinales- Introduction de l'instance-

Ordre des médecins - Actions disciplinaires introduites devant le conseil de l'ordre - 1) Personnes autorisées à introduire une action (1° de l'art. R. 4126-1 du CSP) - Principe - Personnes lésées de manière suffisamment directe et certaine par le manquement d'un médecin à ses obligations déontologiques (1) - 2) Médecin du travail mis en cause par un employeur - a) Médecin tenu de méconnaître le secret médical pour assurer sa défense - Absence - b) Mention dans un certificat médical produit devant le juge prud'homal de "pratiques maltraitantes" d'un employeur - Intérêt lésé - Existence - c) Actes susceptibles d'être traduits devant la chambre disciplinaire - Actes accomplis par un médecin chargé d'un service public à l'occasion de sa fonction publique - Délivrance par un médecin du travail d'un certificat médical - Absence, y compris si le médecin exerce dans une entreprise chargée de missions de service public.




1) L'article R. 4126-1 du code de la santé publique (CSP) confère à toute personne, lésée de manière suffisamment directe et certaine par le manquement d'un médecin à ses obligations déontologiques, la faculté d'introduire, par une plainte portée devant le conseil départemental de l'ordre et transmise par celui-ci au juge disciplinaire, une action disciplinaire à l'encontre de ce médecin, en cas d'échec de la conciliation organisée conformément aux dispositions de l'article L. 4123-2 du même code. 2) a) Si cet article permet ainsi à un employeur, dès lors qu'il est lésé de manière suffisamment directe et certaine par un certificat ou une attestation établis par un médecin du travail, d'introduire une plainte disciplinaire à l'encontre de ce médecin, cette faculté n'a pas pour effet d'imposer au médecin poursuivi de méconnaître le secret médical pour assurer sa défense ou de limiter son droit à se défendre. L'article R. 4126-1 du CSP ne méconnaît par suite pas l'article L. 1110-4 du même code relatif à la protection du secret médical et n'est pas incompatible avec les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit à un procès équitable. b) La mention, dans un certificat médical produit par un salarié devant le juge prud'homal dans le cadre d'un litige l'opposant à son employeur, d'un "enchaînement délétère de pratiques maltraitantes" de la part de ce dernier, lèse cet employeur de manière suffisamment directe et certaine pour que sa plainte dirigée contre le médecin auteur de ce certificat soit recevable. c) La délivrance, par un médecin du travail, d'un certificat médical à un salarié de l'entreprise dans laquelle il exerce ses fonctions, ne revêt pas le caractère d'un acte de fonction publique accompli par un médecin chargé d'un service public, au sens de l'article L. 4124-2 du CSP, alors même que l'entreprise au sein de laquelle il exerce ses fonctions serait, quant à elle, chargée de missions de service public.





66-03-04-01-02 : Travail et emploi- Conditions de travail- Médecine du travail- Statut des médecins du travail dans l'entreprise- Attributions-

1) Délivrance d'un certificat médical - Actes accomplis par un médecin chargé d'un service public à l'occasion de sa fonction publique - Absence, y compris si le médecin exerce dans une entreprise chargée de missions de service public (2) - 2) a) Respect des obligations déontologiques - Certificat médical prenant parti sur un lien entre l'état de santé d'un salarié et ses conditions de travail dans l'entreprise - Existence, dès lors que le certificat est fondé sur des faits personnellement constatés par le médecin - b) Espèce.




1) La délivrance, par un médecin du travail, d'un certificat médical à un salarié de l'entreprise dans laquelle il exerce ses fonctions, ne revêt pas le caractère d'un acte de fonction publique accompli par un médecin chargé d'un service public, au sens de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique (CSP), alors même que l'entreprise au sein de laquelle il exerce ses fonctions serait, quant à elle, chargée de missions de service public. 2) a) La circonstance qu'un certificat établi par un médecin du travail prenne parti sur un lien entre l'état de santé de ce salarié et ses conditions de vie et de travail dans l'entreprise, n'est pas, par elle-même, de nature à méconnaître les obligations déontologiques résultant des articles R.4127-28 et R.4127-76 du code du travail. Le médecin ne saurait, toutefois, établir un tel certificat qu'en considération de constats personnellement opérés par lui, tant sur la personne du salarié que sur son milieu de travail. b) Certificat médical établi par un médecin du travail de la société Electricité de France en fonction sur le site de Chinon, ayant pris parti sur le "droit de retrait" d'un des salariés d'une entreprise intervenant sur le site de Chinon exercé sur le site du Tricastin que le médecin ne connaissait pas, ayant laissé entendre que cette entreprise ne respectait pas ses obligations en termes de protection de la santé des salariés sans préciser les éléments qui le conduisaient à une telle suspicion et qu'il aurait été à même de constater et reprochant notamment à cette entreprise des "pratiques malveillantes" sans faire état de faits qu'il aurait pu lui-même constater. En prenant en considération pour établir ce certificat médical des faits qu'il n'avait pas personnellement constatés, ce médecin a méconnu les articles R. 4127-28 et R. 4127-76 du CSP.


(1) Cf. CE, 11 octobre 2017, Association santé et médecine du travail SMT et autres, n° 403576, T. p. 785. (2) Rappr., pour un certificat d'inaptitude, CE, 10 février 2016, , n° 384299, T. p. 972.

Voir aussi