Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 412071, lecture du 18 juin 2018

Analyse n° 412071
18 juin 2018
Conseil d'État

N° 412071
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du lundi 18 juin 2018



56-01 : Radio et télévision- Conseil supérieur de l'audiovisuel-

1) Faculté pour le CSA de prononcer la suspension de programmes publicitaires (1° de l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986) - Prononcé d'une telle sanction limité aux seuls manquements aux obligations de publicité - Absence - 2) Espèce - Sanction prononcée contre la société C8 en raison d'une séquence de l'émission "Touche pas à mon poste" du 7 décembre 2016 - Méconnaissance de l'article 3 de la loi du 30 septembre 1986 et défaut de maîtrise de l'antenne - Existence - Atteinte disproportionnée à la liberté d'expression - Absence (1).




1) Le 1° de l'article 42-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication n'a ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité pour le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) d'infliger à un opérateur la sanction de la suspension des programmes publicitaires pendant une durée et dans des conditions déterminées aux cas de manquement par cet opérateur à ses obligations en matière de publicité. 2) Diffusion le 7 décembre 2016 lors de l'émission "Touche pas à mon poste" d'une séquence, censée montrer les coulisses de l'émission, au cours de laquelle l'animateur a proposé à une chroniqueuse un "jeu" consistant à lui faire toucher, pendant qu'elle gardait les yeux fermés, diverses parties de son corps qu'elle devait ensuite identifier. Après avoir fait toucher à l'intéressée sa poitrine et son bras, l'animateur a posé sa main sur son entrejambe. Celle-ci a réagi en se récriant puis en relevant le caractère habituel de ce type de geste. La mise en scène d'un tel comportement, procédant par surprise, sans consentement préalable de l'intéressée et portant, de surcroît, sur la personne d'une chroniqueuse placée en situation de subordination vis-à-vis de l'animateur et producteur, ne peut que banaliser des comportements inacceptables et d'ailleurs susceptibles de faire l'objet, dans certains cas, d'une incrimination pénale. Elle place la personne concernée dans une situation dégradante et, présentée comme habituelle, tend à donner de la femme une image stéréotypée la réduisant à un statut d'objet sexuel. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a pu légalement estimer que ces faits, constituant, d'une part, une méconnaissance par la chaîne des obligations qui lui incombent en application de l'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, rappelées dans la mise en demeure que lui a adressée le CSA le 23 novembre 2016, et révélant, d'autre part, un défaut de maîtrise de l'antenne, étaient, alors même qu'ils s'étaient produits dans le cadre d'une émission humoristique, de nature à justifier le prononcé d'une sanction sur le fondement de l'article 42-1 de cette même loi. Eu égard tant aux pouvoirs dévolus au CSA, auquel le législateur a confié le mission de veiller à l'image donnée des femmes dans les programmes, qu'à la nature des faits décrits ci-dessus au regard des obligations qui s'imposent à la société requérante, la décision de sanctionner cette dernière ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression, protégée tant par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789 que par l'article 10 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH). Compte tenu notamment de la circonstance que les faits incriminés se sont produits seulement une quinzaine de jours après la mise en demeure adressée par le CSA concernant des faits similaires observés dans la même émission, et eu égard à la nature de ces faits, la sanction prononcée consistant en la suspension de la diffusion des séquences publicitaires au sein de l'émission "Touche pas à mon poste" et de celles diffusées pendant les quinze minutes qui précèdent et les quinze minutes qui suivent la diffusion de cette émission pendant une durée de deux semaines, ne doit pas être regardée comme excessive eu égard aux manquements commis.





59-02-02-03 : Répression- Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative- Bienfondé-

1) Faculté pour le CSA de prononcer la suspension de programmes publicitaires (1° de l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986) - Prononcé d'une telle sanction limité aux seuls manquements aux obligations de publicité - Absence - 2) Espèce - Sanction prononcée contre la société C8 en raison d'une séquence de l'émission "Touche pas à mon poste" du 7 décembre 2016 - Méconnaissance de l'article 3 de la loi du 30 septembre 1986 et défaut de maîtrise de l'antenne - Existence - Atteinte disproportionnée à la liberté d'expression - Absence (1).




1) Le 1° de l'article 42-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication n'a ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité pour le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) d'infliger à un opérateur la sanction de la suspension des programmes publicitaires pendant une durée et dans des conditions déterminées aux cas de manquement par cet opérateur à ses obligations en matière de publicité. 2) Diffusion le 7 décembre 2016 lors de l'émission "Touche pas à mon poste" d'une séquence, censée montrer les coulisses de l'émission, au cours de laquelle l'animateur a proposé à une chroniqueuse un "jeu" consistant à lui faire toucher, pendant qu'elle gardait les yeux fermés, diverses parties de son corps qu'elle devait ensuite identifier. Après avoir fait toucher à l'intéressée sa poitrine et son bras, l'animateur a posé sa main sur son entrejambe. Celle-ci a réagi en se récriant puis en relevant le caractère habituel de ce type de geste. La mise en scène d'un tel comportement, procédant par surprise, sans consentement préalable de l'intéressée et portant, de surcroît, sur la personne d'une chroniqueuse placée en situation de subordination vis-à-vis de l'animateur et producteur, ne peut que banaliser des comportements inacceptables et d'ailleurs susceptibles de faire l'objet, dans certains cas, d'une incrimination pénale. Elle place la personne concernée dans une situation dégradante et, présentée comme habituelle, tend à donner de la femme une image stéréotypée la réduisant à un statut d'objet sexuel. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a pu légalement estimer que ces faits, constituant, d'une part, une méconnaissance par la chaîne des obligations qui lui incombent en application de l'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, rappelées dans la mise en demeure que lui a adressée le CSA le 23 novembre 2016, et révélant, d'autre part, un défaut de maîtrise de l'antenne, étaient, alors même qu'ils s'étaient produits dans le cadre d'une émission humoristique, de nature à justifier le prononcé d'une sanction sur le fondement de l'article 42-1 de cette même loi. Eu égard tant aux pouvoirs dévolus au CSA, auquel le législateur a confié le mission de veiller à l'image donnée des femmes dans les programmes, qu'à la nature des faits décrits ci-dessus au regard des obligations qui s'imposent à la société requérante, la décision de sanctionner cette dernière ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression, protégée tant par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789 que par l'article 10 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH). Compte tenu notamment de la circonstance que les faits incriminés se sont produits seulement une quinzaine de jours après la mise en demeure adressée par le CSA concernant des faits similaires observés dans la même émission, et eu égard à la nature de ces faits, la sanction prononcée consistant en la suspension de la diffusion des séquences publicitaires au sein de l'émission "Touche pas à mon poste" et de celles diffusées pendant les quinze minutes qui précèdent et les quinze minutes qui suivent la diffusion de cette émission pendant une durée de deux semaines, ne doit pas être regardée comme excessive eu égard aux manquements commis.


(1) Cf. CE, décision du même jour, Société C8, n° 414532, à mentionner aux Tables. Cf. sol. contr. CE, décision du même jour, Société C8, n° 412074, à mentionner aux Tables.

Voir aussi