Base de jurisprudence


Analyse n° 418637
20 décembre 2018
Conseil d'État

N° 418637
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du jeudi 20 décembre 2018



54-10-05-02-04 : Procédure- Question prioritaire de constitutionnalité- Conditions de la transmission ou du renvoi de la question- Disposition n'ayant pas déjà été déclarée conforme à la Constitution- Réserve du changement des circonstances-

1) Principe - Possibilité de contester la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la loi - Existence (1) - Conséquence - Adoption d'une telle interprétation pouvant constituer, postérieurement à une décision du Conseil constitutionnel, une circonstance nouvelle, permettant que soit posée une QPC - Existence - 2) Espèce - Refus de transmission, par une cour, d'une QPC dirigée contre des dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel - a) Erreur de droit à juger que des décisions du Conseil d'Etat ne peuvent constituer une circonstance nouvelle - b) Décision du Conseil d'Etat ne constituant pas, eu égard à sa portée, une circonstance nouvelle - Lois nouvelles ne constituant pas davantage une circonstance nouvelle - Conséquence - Refus de transmission, au terme d'une substitution de motifs.




1) En posant une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation confère à une disposition législative. Il suit de là que l'adoption d'une telle interprétation, intervenant postérieurement à la décision par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré la disposition législative en cause conforme à la Constitution, est susceptible de constituer une circonstance nouvelle de nature à permettre que soit posée une QPC relative à cette disposition. 2 a) Ainsi, en jugeant que les décisions du Conseil d'Etat, étant dépourvues de portée normative, ne pouvaient constituer une telle circonstance nouvelle, une cour administrative d'appel commet une erreur de droit. b) Les articles L. 302-5 et L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation ont déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2000-346 DC du 7 décembre 2000 et n° 2012-660 DC du 17 janvier 2013. La décision du Conseil d'Etat n° 350071 du 17 avril 2013, qui retient qu'il y a lieu, pour déterminer si des communes sont "comprises, au sens du recensement général de la population, dans une agglomération de plus de 50 000 habitants" de se référer à la notion d'unité urbaine retenue par l'Institut national de la statistique et des études économiques, ne constitue pas, eu égard à sa portée, une circonstance nouvelle de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel. Ne présentent pas davantage un tel caractère les lois n° 2014-58 du 27 janvier 2014, n° 2015-292 du 16 mars 2015 et n° 2015-991 du 7 août 2015, qui n'ont eu ni pour objet ni pour effet de modifier le champ d'application des dispositions litigieuses ni de modifier les compétences des communes concernant la réalisation de logements sociaux. Ces motifs, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait et qui justifient le refus de transmettre au Conseil d'Etat la QPC soulevée, doivent être substitués aux motifs retenus par la cour administrative d'appel.


(1) Rappr. Cons. const., 14 octobre 2010, n° 2010-52 QPC, cons. 4.