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Ariane Web: Conseil d'État 407641, lecture du 8 février 2019

Analyse n° 407641
8 février 2019
Conseil d'État

N° 407641
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du vendredi 8 février 2019



19-01-03-03 : Contributions et taxes- Généralités- Règles générales d'établissement de l'impôt- Abus de droit et fraude à la loi-

Abus de droit au sens de l'article L. 64 du LPF - 1) Définition - Actes recherchant le bénéfice d'une application des textes contraire à l'intention de leurs auteurs et motivés par un but exclusivement fiscal - 2) Application - Caractérisation d'un abus de droit sans rechercher la contrariété à l'intention des auteurs du texte - Erreur de droit - Existence, sauf à ce que l'opération procède d'un montage artificiel - 3) Espèce - Contribuables cédant leur maison à la SCI qu'ils détiennent, et la prenant ensuite en location - Contribuables imputant sur leur revenu global les charges liées aux travaux engagés dans cette maison à hauteur de leurs droits dans la société - Interposition de la société dans la gestion de la maison constitutive d'un abus de droit - Existence .




1) Il résulte de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF) dans sa rédaction applicable que, lorsque l'administration use de la faculté qu'il lui confère dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. 2) Cour jugeant apportée par l'administration la preuve de ce que les contribuables n'avaient pu être inspirés, dans l'opération litigieuse, par aucun autre motif que celui d'atténuer les charges fiscales qu'ils auraient normalement dû supporter en vertu du II de l'article 15 du code général des impôts (CGI). En en déduisant directement que l'abus de droit était caractérisé, sans rechercher, alors qu'elle n'avait pas regardé ces opérations comme procédant d'un montage artificiel, si était en outre remplie la condition de la recherche du bénéfice d'une application littérale de ces dispositions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, qu'elle a omis de déterminer, une cour entache son arrêt d'erreur de droit et d'insuffisance de motivation. 3) Contribuables transférant à la société civile immobilière (SCI) dont ils détenaient avec leurs enfants la totalité des parts, la propriété de leur maison et concluant avec cette société un bail locatif. Contribuables créant ce faisant les conditions leur permettant d'imputer sur leur revenu global, en dépit des prévisions du II de l'article 15 du CGI et à hauteur de leurs droits dans la société, des charges liées aux travaux engagés dans cette maison. Compte tenu des circonstances, et alors même que la SCI avait été créée plusieurs années auparavant et exploitait par ailleurs un important patrimoine immobilier, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que l'interposition de la société dans la gestion de la maison répondait à un motif exclusivement fiscal, les considérations relatives à la transmission du patrimoine avancées par les contribuables étant dépourvues de toute consistance. Il ressort des travaux préparatoires de l'article 11 de la loi n° 64-1279 du 23 décembre 1964 d'où sont issues les dispositions du II de l'article 15 du CGI que l'objectif poursuivi par le législateur était, d'une part, de simplifier le régime fiscal des propriétaires occupants compte tenu des difficultés qui s'attachent à l'évaluation des loyers implicites qu'ils se versent à eux-mêmes et, d'autre part, de faire obstacle à la déduction du revenu imposable de déficits fonciers susceptibles, dans cette hypothèse, de résulter de la surévaluation des charges et de la sous-évaluation des revenus. Contribuables ayant entendu bénéficier d'une application littérale de la condition de réserve de jouissance, énoncée au II de l'article 15 du CGI, qu'ils ont estimée n'être pas remplie du fait de l'interposition de la SCI. Contribuables ayant ainsi disposé du bien comme s'ils en étaient les propriétaires occupants et s'étant de la sorte placés dans une situation offrant les possibilités de sous-estimation des résultats fonciers que le législateur a entendu combattre. Application littérale allant dès lors à l'encontre des objectifs poursuivis par les auteurs des dispositions du II de l'article 15 du CGI. Caractérisation d'un abus de droit.

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