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Ariane Web: Conseil d'État 414821, lecture du 28 février 2019

Analyse n° 414821
28 février 2019
Conseil d'État

N° 414821
Publié au recueil Lebon

Lecture du jeudi 28 février 2019



095-04-01-01-02 : Asile- Privation de la protection- Exclusion du droit au bénéfice de l'asile- Clauses d'exclusion de la qualité de réfugié- Comportement excluant le bénéfice de la protection (art- F de la convention de Genève)-

Possibilité d'opposer les clauses d'exclusion de la qualité de réfugié à un demandeur d'asile ayant fait l'objet d'un jugement de relaxe ou d'acquittement par un tribunal pénal international fondé sur la circonstance que les faits lui étant reprochés ne sont pas établis ou qu'un doute subsiste sur leur réalité - Existence, l'appréciation du juge de l'asile n'étant liée par ce jugement (1).




D'une part, l'autorité de chose jugée par une juridiction pénale française ne s'impose au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait qu'elle a retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement qu'elle a rendu et qui est devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe ou d'acquittement tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Ces principes s'attachent également aux décisions juridictionnelles rendues par les tribunaux pénaux internationaux créés par le Conseil de sécurité des Nations Unies. D'autre part, il ressort des termes mêmes du F de l'article 1er de la convention de Genève que les clauses d'exclusion peuvent être mises en oeuvre dès lors qu'il existe "des raisons sérieuses de penser" que le demandeur d'asile a commis un ou plusieurs des crimes qui y sont mentionnés, l'application de ces stipulations n'exigeant pas l'existence d'une preuve ou d'une conviction au-delà de tout doute raisonnable et faisant obstacle à l'application de la règle pénale de la présomption d'innocence. Il s'ensuit que, saisie d'un recours formé par un demandeur d'asile ayant fait l'objet d'un jugement de relaxe ou d'acquittement par un tribunal pénal international (TPI) fondé sur la circonstance que les faits lui étant reprochés ne sont pas établis ou qu'un doute subsiste sur leur réalité, il appartient à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le cas échéant, d'apprécier, sans être tenue par ce jugement, s'il existe des raisons sérieuses de penser que l'intéressé entre dans le champ des clauses d'exclusion mentionnées au F de l'article 1er. Dès lors, la CNDA ne commet ni d'erreur de droit ni ne méconnaît l'autorité de chose jugée s'attachant à l'arrêt par lequel le TPI pour le Rwanda a prononcé en appel l'acquittement de l'intéressé au motif que les faits pour lesquels il étaient poursuivis n'étaient pas établis, en jugeant qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il s'est rendu coupable des crimes mentionnés au a) du F de l'article 1er.





54-06-06-03 : Procédure- Jugements- Chose jugée- Chose jugée par une juridiction internationale-

1) Principe - Autorité de chose jugée s'attachant aux motifs des jugements définitifs de relaxe ou d'acquittement rendus par les tribunaux pénaux internationaux créés par le Conseil de sécurité des Nations Unies tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité - Absence (1) - 2) Conséquence - Possibilité d'opposer les clauses d'exclusion de la qualité de réfugié (art. 1 F de la convention de Genève) à un demandeur d'asile ayant fait l'objet d'un jugement de relaxe ou d'acquittement par un tribunal pénal international fondé sur la circonstance que les faits lui étant reprochés ne sont pas établis ou qu'un doute subsiste sur leur réalité - Existence, l'appréciation du juge de l'asile n'étant liée par ce jugement.




1) D'une part, l'autorité de chose jugée par une juridiction pénale française ne s'impose au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait qu'elle a retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement qu'elle a rendu et qui est devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe ou d'acquittement tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Ces principes s'attachent également aux décisions juridictionnelles rendues par les tribunaux pénaux internationaux créés par le Conseil de sécurité des Nations Unies. D'autre part, il ressort des termes mêmes du F de l'article 1er de la convention de Genève que les clauses d'exclusion peuvent être mises en oeuvre dès lors qu'il existe "des raisons sérieuses de penser" que le demandeur d'asile a commis un ou plusieurs des crimes qui y sont mentionnés, l'application de ces stipulations n'exigeant pas l'existence d'une preuve ou d'une conviction au-delà de tout doute raisonnable et faisant obstacle à l'application de la règle pénale de la présomption d'innocence. 2) Il s'ensuit que, saisie d'un recours formé par un demandeur d'asile ayant fait l'objet d'un jugement de relaxe ou d'acquittement par un tribunal pénal international (TPI) fondé sur la circonstance que les faits lui étant reprochés ne sont pas établis ou qu'un doute subsiste sur leur réalité, il appartient à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le cas échéant, d'apprécier, sans être tenue par ce jugement, s'il existe des raisons sérieuses de penser que l'intéressé entre dans le champ des clauses d'exclusion mentionnées au F de l'article 1er. Dès lors, la CNDA ne commet ni d'erreur de droit ni ne méconnaît l'autorité de chose jugée s'attachant à l'arrêt par lequel le TPI pour le Rwanda a prononcé en appel l'acquittement de l'intéressé au motif que les faits pour lesquels il étaient poursuivis n'étaient pas établis, en jugeant qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il s'est rendu coupable des crimes mentionnés au a) du F de l'article 1er.


(1) Rappr., s'agissant de l'autorité de chose jugée par une juridiction pénale française, CE, 11 octobre 2017, M. , n° 402497, T. pp. 751-786 ; CE, Section, 16 février 2018, Mme , n° 395371, p. 41 ; CE, Assemblée, 12 octobre 2018, SARL Super Coiffeur, n° 408567, p. 373.

Voir aussi