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Ariane Web: Conseil d'État 420554, lecture du 27 mai 2019

Analyse n° 420554
27 mai 2019
Conseil d'État

N° 420554 420575
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du lundi 27 mai 2019



15-03-03-01 : Communautés européennes et Union européenne- Application du droit de l'Union européenne par le juge administratif français- Prise en compte des arrêts de la Cour de justice- Interprétation du droit de l'Union-

Projets publics et privés au sens de la directive 85/337/CEE - Autorité unique compétente à la fois pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage et pour rendre un avis sur l'évaluation environnementale - 1) Principe - Application de l'interprétation de la directive du 2001/42/CE donnée par la CJUE - Conformité au droit de l'Union, sous réserve de l'existence d'une séparation fonctionnelle au sein de cette autorité (1) - 2) Application - a) Préfet de région désigné autorité compétente en matière d'environnement lorsqu'il est compétent pour autoriser le projet - Méconnaissance de la directive 85/337/CEE - b) Mission régionale d'autorité environnementale du CGEDD désignée autorité environnementale - Conformité avec la directive 85/337/CEE.




1) La directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 a pour finalité de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'étude d'impact des projets, publics ou privés, susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant de statuer sur une demande d'autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Seaport (NI) Ltd e.a.du 20 octobre 2011 (aff. C-474/10), et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle "des autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement", il résulte clairement des dispositions de l'article 7 de la directive du 27 juin 1985 que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné. 2) a) Ne commet pas d'erreur de droit la cour administrative d'appel qui estime que, le préfet de région étant à la fois l'auteur de l'avis rendu en qualité d'autorité environnementale et l'autorité compétente qui a délivré les permis de construire des éoliennes attaqués, la circonstance que l'avis a été préparé et rédigé par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) au sein de la division "mission évaluation environnementale" alors que les permis de construire avaient été instruits par les services de la direction départementale des territoires (DDT) compétente ne permettait pas de considérer que l'avis ainsi émis par le préfet de région a été rendu par une autorité disposant d'une autonomie effective dans des conditions garantissant son objectivité et en déduit que l'avis a été rendu dans des conditions qui méconnaissaient les exigences de la directive 85/337/CEE. b) La mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), créée par le décret n° 2016-519 du 28 avril 2016, est une entité administrative de l'Etat séparée de l'autorité compétente pour autoriser un projet qui dispose d'une autonomie réelle la mettant en mesure de donner un avis objectif sur les projets qui lui sont soumis dans le cadre de sa mission d'autorité environnementale.





44-006-03-01 : Nature et environnement- Information et participation des citoyens- Evaluation environnementale- Etudes d'impact des travaux et projets-

Projets publics et privés au sens de la directive 85/337/CEE - Autorité unique compétente à la fois pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage et pour rendre un avis sur l'évaluation environnementale - 1) Principe - Application de l'interprétation de la directive du 2001/42/CE donnée par la CJUE - Conformité au droit de l'Union, sous réserve de l'existence d'une séparation fonctionnelle au sein de cette autorité (1) - 2) Application - a) Préfet de région désigné autorité compétente en matière d'environnement lorsqu'il est compétent pour autoriser le projet - Méconnaissance de la directive 85/337/CEE - b) Mission régionale d'autorité environnementale du CGEDD désignée autorité environnementale - Conformité avec la directive 85/337/CEE.




1) La directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 a pour finalité de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'étude d'impact des projets, publics ou privés, susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant de statuer sur une demande d'autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Seaport (NI) Ltd e.a.du 20 octobre 2011 (aff. C-474/10), et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle "des autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement", il résulte clairement des dispositions de l'article 7 de la directive du 27 juin 1985 que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné. 2) a) Ne commet pas d'erreur de droit la cour administrative d'appel qui estime que, le préfet de région étant à la fois l'auteur de l'avis rendu en qualité d'autorité environnementale et l'autorité compétente qui a délivré les permis de construire des éoliennes attaqués, la circonstance que l'avis a été préparé et rédigé par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) au sein de la division "mission évaluation environnementale" alors que les permis de construire avaient été instruits par les services de la direction départementale des territoires (DDT) compétente ne permettait pas de considérer que l'avis ainsi émis par le préfet de région a été rendu par une autorité disposant d'une autonomie effective dans des conditions garantissant son objectivité et en déduit que l'avis a été rendu dans des conditions qui méconnaissaient les exigences de la directive 85/337/CEE. b) La mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), créée par le décret n° 2016-519 du 28 avril 2016, est une entité administrative de l'Etat séparée de l'autorité compétente pour autoriser un projet qui dispose d'une autonomie réelle la mettant en mesure de donner un avis objectif sur les projets qui lui sont soumis dans le cadre de sa mission d'autorité environnementale.





68-06-04 : Urbanisme et aménagement du territoire- Règles de procédure contentieuse spéciales- Pouvoirs du juge-

Sursis à statuer en vue d'une régularisation (art. L. 600-5-1 du code de l'urbanisme) (3) - 1) Principe - Réparation d'un vice de procédure selon les modalités prévues à la date de la décision attaquée - Cas où ces modalités ne sont pas légalement applicables - 2) Hypothèse d'un vice de procédure affectant l'avis recueilli auprès de l'autorité environnementale, résultant de l'illégalité du décret du 28 avril 2016 - Régularisation par la consultation d'une autorité présentant les garanties d'impartialité requises - 3) Vice de procédure entachant un avis soumis au public, notamment dans le cadre d'une enquête publique - Régularisation impliquant non seulement que la procédure de consultation soit reprise, mais aussi que le nouvel avis soit porté à la connaissance du public - 4) Espèce - Modalités de régularisation de l'avis de l'autorité environnementale sur des permis de construire des éoliennes - a) Cas où l'avis recueilli à titre de régularisation diffère substantiellement de l'avis initial - b) Cas où aucune modification substantielle n'a été apportée à l'avis - c) Délai de régularisation différencié.




L'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme permet au juge, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité du permis de construire attaquée mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation. 1) Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités, qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue. 2) Par sa décision n° 400559 du 6 décembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé le décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 portant réforme de l'autorité environnementale en tant qu'il maintient, au IV de l'article R. 122-6 du code de l'environnement, la désignation du préfet de région en qualité d'autorité compétente de l'Etat en matière d'environnement, telle que le prévoyait déjà le III de l'article R. 122 1-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées, en méconnaissance des objectifs énoncés au paragraphe 1 de l'article 6 de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Le vice de procédure qui résulte de ce que l'avis prévu par le III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement a été rendu par le préfet de région en qualité d'autorité environnementale dans un cas où il était par ailleurs compétent pour autoriser le projet, peut être réparé par la consultation, sur le projet en cause, à titre de régularisation, d'une autorité présentant les garanties d'objectivité requises. A cette fin, si de nouvelles dispositions réglementaires ont remplacé les dispositions annulées de l'article R. 122-6 du code de l'environnement, le juge peut s'y référer. A défaut, pour fixer des modalités de régularisation permettant de garantir que l'avis sera rendu par une autorité objective, le juge peut notamment prévoir que l'avis sera rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l'environnement par la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) créée par le décret du 28 avril 2016. Cette mission est, en effet, une entité administrative de l'Etat séparée de l'autorité compétente pour autoriser un projet qui dispose d'une autonomie réelle la mettant en mesure de donner un avis objectif sur les projets qui lui sont soumis dans le cadre de sa mission d'autorité environnementale. 3) Lorsqu'un vice de procédure entache un avis qui a été soumis au public, notamment dans le cadre d'une enquête publique, préalablement à l'adoption de la décision attaquée, la régularisation implique non seulement que la procédure de consultation soit reprise, mais aussi que le nouvel avis soit porté à la connaissance du public. 4) Sursis à statuer en vue d'une régularisation de l'avis de l'autorité environnementale sur les projets d'éoliennes litigieux. Reprise de la procédure de consultation de l'autorité environnementale, avis pouvant être rendu par la MRAE du CGEDD territorialement compétente. Le nouvel avis sera porté à l'information du public dans les conditions suivantes. a) Si l'avis de l'autorité environnementale ainsi recueilli diffère substantiellement de celui qui a été porté à la connaissance du public à l'occasion de l'enquête publique dont les permis de construire ont fait l'objet, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact. b) Si aucune modification substantielle n'est apportée à l'avis, l'information du public sur le nouvel avis de l'autorité environnementale ainsi recueilli prendra la forme d'une publication sur internet, dans les conditions prévues à l'article R. 122-7 du code de l'environnement. c) Eu égard aux modalités de régularisation ainsi fixées, les mesures de régularisation devront être notifiées au Conseil d'Etat dans un délai de trois mois, ou de six mois en cas d'enquête publique, à compter de la présente décision.


(1) Rappr., s'agissant de l'évaluation environnementale des projets prévue par la directive 2011/92/UE, CE, 6 décembre 2017, Association France Nature Environnement, n° 400559, T. pp. 499-691 ; s'agissant de l'évaluation des plans et programmes prévue par la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, CJUE, 20 octobre 2011, Seaport (NI) Ltd e.a., aff. C-474-10, Rec. 2011 I-10227. (3) Rappr., s'agissant du sursis à statuer en vue de la régularisation d'une autorisation environnementale sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, CE, 27 septembre 2018, Association Danger de tempête sur le patrimoine rural et autres, n° 420119, p. 340.

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