Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 417090, lecture du 29 mai 2019

Analyse n° 417090
29 mai 2019
Conseil d'État

N° 417090
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du mercredi 29 mai 2019



61-04-01-023 : Santé publique- Pharmacie- Produits pharmaceutiques- Remboursement (voir : Sécurité sociale)-

Refus d'inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables (art. L. 162-17 du CSS) - Motifs de refus - Espèce - 1) Insuffisance du service médical rendu (SMR) (I de l'art. R. 163-3 du CSS) - Erreur manifeste d'appréciation, eu égard au rapport entre efficacité et effets indésirables de la spécialité en cause et au SMR reconnu à des médicaments prescrits en deuxième intention pour la même affection - 2) Spécialité susceptible d'entraîner des hausses de consommation ou des dépenses injustifiées (3° du I de l'art. R. 163-5 du CSS) - Erreur manifeste d'appréciation - Absence - Motif suffisant à justifier le refus - Existence.




Laboratoire pharmaceutique ayant notamment sollicité l'inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables prévue à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale (CSS) de spécialités pharmaceutiques dans une indication restreinte aux troubles de l'érection de l'homme adulte liés à certaines pathologies. 1) Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont estimé que les spécialités pharmaceutiques en cause présentaient un service médical rendu (SMR) insuffisant, même dans l'indication limitée pour laquelle l'inscription était demandée, dès lors qu'il s'agit d'un traitement à visée symptomatique, qu'il concerne une affection dont le caractère de gravité est difficile à établir en l'absence de critère et de seuil validé, qu'il ne démontre pas d'impact en termes de morbidité et de bien-être subjectif et qu'il ne présente pas d'intérêt pour la santé publique, eu égard aux autres traitements existants. La ministre fait en outre valoir, dans ses écritures en défense, les effets indésirables de ces spécialités. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis par lequel la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) a reconnu à ces spécialités un SMR important, que l'indication pour laquelle l'inscription est sollicitée par la société requérante correspond à des pathologies graves ou à des séquelles de pathologies ou de traitements chirurgicaux ou médicamenteux à l'origine d'atteintes organiques qui sont la cause de la dysfonction érectile, laquelle affecte de façon notable la qualité de vie, et que l'efficacité de ces spécialités a été établie, conduisant la commission à regarder le rapport entre leur efficacité et leurs effets indésirables comme important. En outre, si les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ne sont pas liés par l'appréciation portée par la commission de la transparence sur le service médical rendu par une spécialité, ils ont, antérieurement aux décisions attaquées, reconnu un service médical modéré ou faible à d'autres spécialités en les inscrivant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-17 du CSS et L. 5123-2 du CSP, alors même qu'il est constant qu'il s'agit de médicaments prescrits en deuxième intention par rapport aux spécialités en cause et qu'il ressort des pièces du dossier que ces dernières ne sont pas moins efficaces. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que le motif tiré de ce que le service médical rendu par ces spécialités serait insuffisant est entaché d'erreur manifeste d'appréciation. 2) Par leur décision, les ministres ont entendu prendre en considération l'impact que pourrait avoir l'admission au remboursement des spécialités en cause sur leur consommation, alors que les troubles de l'érection peuvent avoir des causes variées et que les traitements pharmacologiques sont déconseillés lorsque des facteurs psychologiques et relationnels en sont la cause prépondérante. Si la société requérante propose, dans le cadre de la convention conclue avec le Comité économique des produits de santé pour fixer le prix de cession au public de la spécialité, que soit déterminé un montant maximal de dépenses remboursées assorti de clauses de rétrocession, un tel mécanisme est sans incidence sur la consommation de la spécialité, laquelle ne pourrait pas être encadrée sur le fondement de l'article R. 163-2 du CSS qui n'est susceptible de s'appliquer, selon ses termes mêmes, qu'à "certains médicaments particulièrement coûteux". Il ne ressort pas des éléments versés au dossier que les ministres auraient commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'inscription des spécialités en cause sur la liste des médicaments remboursables était susceptible d'entraîner une augmentation sensible de leur consommation totale, en dehors d'une indication restreinte aux patients pour lesquels une atteinte organique grave est à l'origine des troubles de l'érection, et dès lors non justifiée au regard de son utilité pour la santé publique. Si les ministres ont commis une erreur manifeste dans l'appréciation du niveau du service médical rendu des spécialités en cause, il résulte toutefois de l'instruction qu'ils auraient pris la même décision, s'agissant du refus d'inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables, s'ils ne s'étaient fondés que sur le motif tiré du risque de hausses de consommation injustifiées qui est, à lui seul, de nature à la fonder.

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