Base de jurisprudence


Analyse n° 431143
31 janvier 2020
Conseil d'État

N° 431143 et autres
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 31 janvier 2020



28-005-01 : Élections et référendum- Dispositions générales applicables aux élections- Révision des listes électorales-

Répertoire électoral unique et permanent (REU) tenu par l'INSEE (loi du 1er août 2016) - Mise en oeuvre lors de l'élection des représentants au Parlement européen de 2019 - Manoeuvres ou irrégularités susceptibles de fausser le résultat de l'élection - Absence.




L'article L. 11 du code électoral fixe les conditions, notamment de résidence, pour être inscrit sur les listes électorales. En vertu de l'article L. 16 du même code, dans sa rédaction issue de loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 entrée en vigueur le 1er janvier 2019, la liste électorale de la commune, et à Paris, Marseille et Lyon, de l'arrondissement, est désormais extraite d'un répertoire électoral unique et permanent (REU), qui est tenu par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). A cet effet, le maire transmet à l'INSEE l'ensemble des informations utiles. Si en vertu de l'article L. 18 du code électoral, le maire est compétent pour radier, à l'issue d'une procédure contradictoire, les électeurs qui ne remplissent plus les conditions d'attache communale, l'INSEE procède directement, conformément à l'article L. 16 du même code, aux radiations des électeurs inscrits sur plusieurs listes électorales, en maintenant l'inscription sur la liste électorale la plus récente, ainsi qu'aux radiations ordonnées par l'autorité judiciaire, aux radiations des électeurs décédés et des électeurs qui n'ont plus le droit de vote. S'il est soutenu que de nombreux électeurs auraient fait l'objet de radiations abusives qui seraient consécutives à un dysfonctionnement du REU, les requérants n'apportent aucun élément au soutien de leurs allégations. A cet égard, la seule circonstance qu'un des requérants n'ait pas pu voter au motif allégué qu'il aurait été irrégulièrement rayé des listes électorales n'est pas de nature à établir que de nombreux électeurs se seraient trouvés dans la même situation. Il ne résulte pas, en tout état de cause, de l'instruction que l'établissement de la liste électorale aurait été entachée de manoeuvres susceptibles de fausser le résultat de l'élection.





28-005-02 : Élections et référendum- Dispositions générales applicables aux élections- Campagne et propagande électorales-

Interdiction de l'usage des couleurs bleu blanc rouge (art. R. 27 du code électoral) - Exception - Reproduction de l'emblème d'un parti ou groupement - Illustration - Couleurs des logos figurant sur les circulaires des listes candidates aux élections européennes.




Si sont contestées les couleurs des logos figurant sur les circulaires des listes "Les oubliés de l'Europe" et "Pour l'Europe des gens contre l'Europe de l'argent", ces logos doivent être regardés comme l'emblème d'un parti ou groupement politique au sens de l'article R. 27 du code électoral.





28-005-04 : Élections et référendum- Dispositions générales applicables aux élections- Financement et plafonnement des dépenses électorales-

Article 52-6-1 du code électoral - Portée - Droit à l'ouverture d'un compte de dépôt dans l'établissement de crédit de son choix - Existence - Droit au crédit - Absence.




Si les dispositions de l'article L. 52-6-1 du code électoral prévoient que le mandataire financier désigné par le candidat a droit à l'ouverture d'un compte de dépôt dans l'établissement de crédit de son choix ainsi qu'à la mise à disposition des moyens de paiement et services bancaires nécessaires à son fonctionnement, elles n'ouvrent pas un droit au crédit. L'octroi d'un emprunt à un parti politique ou à un candidat résulte de la libre discussion entre le parti ou le candidat demandeur et l'établissement de crédit ou la société de financement sollicité, le cas échéant avec l'appui d'une conciliation exercée par le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques en vertu du II de l'article 28 de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017. Par suite, le grief tiré de l'existence de discriminations illégales dans l'accès à l'emprunt par les listes candidates doit en tout état de cause être écarté.





28-023 : Élections et référendum- Élections au Parlement européen-

Fixation du nombre de représentants élus en France - Principe de proportionnalité dégressive - Principe posé à l'art. 14 du TUE, qui renvoie à une décision du Conseil européen la fixation de la composition du PE - Décision du Conseil européen du 28 juin 2018, qui définit le principe (art. 1er) et fixe le nombre de représentants (art. 3, par. 1) - 1) Fixation à 79 du nombre de représentants au PE pour la France - Conformité au principe tel que défini par la décision du 28 juin 2018 - 2) Fixation à 74 jusqu'au retrait du Royaume-Uni de l'UE - Conformité au principe, dès lors a) qu'il s'agit d'un aménagement à titre transitoire des règles de composition que le Conseil européen a lui-même défini et b) que 79 représentants ont été désignés par la commission nationale de recensement général des votes.




Il résulte clairement des stipulations de l'article 14 du traité sur l'Union européenne (TUE) que si celui-ci a posé, en des termes généraux, le principe selon lequel la représentation des citoyens au Parlement européen doit être assurée "de façon dégressivement proportionnelle", il a renvoyé à une décision du Conseil européen adoptée à l'unanimité la fixation de la composition du Parlement européen. La décision du Conseil européen (UE) 2018/937 du 28 juin 2018, prise sur le fondement de ces stipulations, a défini, en son article 1er, le principe de dégressivité proportionnelle comme impliquant que "le rapport entre la population et le nombre de sièges de chaque État membre avant l'arrondi à des nombres entiers varie en fonction de leurs populations respectives, de telle sorte que chaque député au Parlement européen d'un État membre plus peuplé représente davantage de citoyens que chaque député au Parlement européen d'un État membre moins peuplé et, à l'inverse, que plus un État membre est peuplé, plus il a droit à un nombre de sièges élevé au Parlement européen (?)". La même décision, au paragraphe 1 de son article 3 fixant le nombre de représentants au Parlement européen pour chacun des Etats membres pour la législature 2019-2024, a décidé que ce nombre serait de 79 pour la France, tenant ainsi compte d'une redistribution de cinq sièges à la suite du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. 1) En fixant ainsi le nombre des représentants élus en France, le paragraphe 1 de l'article 3 de la décision du Conseil s'est, en tout état de cause, conformé aux implications du principe de dégressivité proportionnelle découlant de l'article 1er de la même décision. 2) a) Si, en vertu du paragraphe 2 de ce même article 3, jusqu'à ce que le retrait du Royaume-Uni produise ses effets juridiques, le nombre de représentants au Parlement européen par État membre prenant leurs fonctions reste celui fixé pour la précédente législature du Parlement européen, soit 74 pour la France, il ressort des termes mêmes de ces dispositions que le Conseil a, ce faisant, entendu aménager, à titre transitoire, les règles de composition qu'il avait lui-même définies. Il s'ensuit que la contestation de la validité de la décision du Conseil européen du 28 juin 2018, à l'appui de protestations dirigées contre les opérations électorales ayant conduit à la désignation des représentants au Parlement européen élus en France, laquelle ne soulève pas de difficulté sérieuse, ne peut qu'être écartée. b) En tout état de cause, en application de la décision du Conseil européen et de l'article unique de la loi n° 2019-487 du 22 mai 2019, la commission nationale de recensement général des votes a désigné 79 représentants. S'il est vrai que cinq d'entre eux ne sont appelés à prendre leurs fonctions qu'à la suite du retrait du Royaume Uni de l'Union européenne, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause leur désignation. Par suite, doit être écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe de dégressivité proportionnelle, en ce que la France aurait, avec non pas 79 mais 74 représentants siégeant au Parlement européen, un ratio plus élevé d'habitants par siège que l'Allemagne alors qu'elle est moins peuplée.





28-023-01 : Élections et référendum- Élections au Parlement européen- Règles d'organisation des élections-

Seuil pour accéder à la répartition des sièges - 1) Fixation pour tous les Etats membres d'un seuil maximal de 5% des suffrages exprimés (art. 3 de l'acte du 20 septembre 1976) - Conformité au droit primaire de l'Union - Existence - 2) Fixation d'un seuil de 5% pour l'élection des représentants élus en France (art. 3 de la loi du 7 juillet 1977) - Conformité au droit primaire de l'Union - Existence.




1) Il résulte clairement du 1 de l'article 223 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et des articles 3 et 8 de l'acte du 20 septembre 1976 qu'en l'absence de procédure électorale uniforme dans tous les Etats membres, la procédure électorale applicable aux représentants au Parlement européen relève de la compétence des Etats membres, sous réserve des règles fixées par l'acte du 20 septembre 1976. Dans le cadre de l'habilitation donnée au Conseil pour fixer des principes communs, cet acte a pu prévoir, contrairement à ce qui est soutenu, la possibilité de fixer un seuil d'accès à la répartition des sièges au Parlement européen afin de contribuer au bon fonctionnement de celui-ci. La détermination de ce seuil, ainsi qu'il ressort des termes mêmes de l'article 3 de l'acte, a été laissée à l'appréciation de chaque Etat membre mais, pour garantir que les dispositions nationales adoptées dans ce cadre ne portent pas globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin, tel que prévu à l'article 8 de l'acte, et dans le respect de l'égalité de traitement des citoyens de l'Union européenne, ce même article 3, dans sa rédaction issue de la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil du 25 juin et du 23 septembre 2002, a précisé que le seuil ne devait pas excéder 5% des suffrages exprimés. En fixant ces règles, le Conseil a entendu permettre l'émergence et la consolidation de groupes politiques européens de dimension significative et éviter une fragmentation de la représentation au sein du Parlement européen. La contestation, à l'appui de la protestation de Mme Hondema-Mokrane et autres, de la validité de ces règles, qui poursuivent un but légitime et sont proportionnées, ne soulève pas de difficulté sérieuse et ne peut, par suite, qu'être écartée. 2) Le seuil de 5 %, fixé par l'article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977, est applicable à l'élection des représentants élus en France dans les mêmes conditions à toutes les listes et à tous les suffrages exprimés en leur faveur, quelle que soit la nationalité de l'électeur. Par suite et en tout état de cause, ne peuvent qu'être écartés les moyens tirés du caractère discriminatoire du seuil de 5 %, de l'atteinte port*ée à la représentation des citoyens européens et à l'égalité des droits énoncés aux articles 9 du traité sur l'Union européenne (TUE) et 20 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de la méconnaissance de la contribution des partis politiques au niveau de l'Union à l'expression de la volonté des citoyens de l'Union, reconnue par le 4 de l'article 10 du TUE et le 2 de l'article 12 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'incompatibilité avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 39 de la même charte, qui exige que soit assuré aux citoyens de l'Union européenne résidant dans un autre Etat membre que celui dont ils ont la nationalité l'exercice de leur droit de vote aux élections européennes dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat.