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Ariane Web: Conseil d'État 411070, lecture du 25 mars 2020

Analyse n° 411070
25 mars 2020
Conseil d'État

N° 411070
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 25 mars 2020



37-04-01 : Juridictions administratives et judiciaires- Magistrats et auxiliaires de la justice- Magistrats de l'ordre administratif-

Charte de déontologie - 1) Portée - Rappel des principes et obligations déontologiques et préconisation de bonnes pratiques susceptibles d'être prises en compte pour l'appréciation d'un manquement à ces principes et obligations - 2) Décision susceptible de recours - Existence (sol. impl.) - 3) Champ d'application - Inclusion - Membres honoraires et anciens membres de la juridiction - 4) Bonnes pratiques relatives à l'exercice de la profession d'avocat par les membres ou anciens membres (1) - a) Portée - Interdiction d'exercer dans le ressort de leur ancienne juridiction - Absence - Préconisation d'une durée pendant laquelle s'abstenir de présenter des mémoires ou de paraître à l'audience - Existence - b) Durée d'abstention préconisée de 5 voire 10 ans selon les fonctions précédemment occupées dans la juridiction - Erreur manifeste d'appréciation - Absence.




1) Il résulte des articles L. 131-2, L. 131-4, L. 131-6 et L. 231-1-1 du code de justice administrative (CJA) que la charte de déontologie des membres de la juridiction administrative, qui n'a pas pour objet de se substituer aux principes et dispositions textuelles, notamment statutaires, régissant l'exercice de leurs fonctions, a vocation, outre à rappeler les principes et obligations d'ordre déontologique qui leur sont applicables, à préconiser des bonnes pratiques propres à en assurer le respect. Pour apprécier si le comportement d'un membre de la juridiction administrative traduit un manquement aux obligations déontologiques qui lui incombent, les bonnes pratiques ainsi recommandées sont susceptibles d'être prises en compte, sans pour autant que leur méconnaissance soit, en elle-même, constitutive d'un manquement disciplinaire. 2) La décision par laquelle le vice-président du Conseil d'Etat adopte cette charte de déontologie est susceptible de recours (sol. impl.). 3) L'article L. 131-4 du CJA donne compétence au vice-président du Conseil d'Etat pour établir une charte de déontologie des membres de la juridiction administrative comportant l'énoncé des principes déontologiques et de bonnes pratiques propres à en assurer le respect. En vertu de ces dispositions, le vice-président peut rappeler les principes applicables et préconiser l'observation de bonnes pratiques non seulement aux membres du Conseil d'Etat et aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en exercice, mais aussi, afin d'éviter que leur comportement affecte l'indépendance et le fonctionnement des juridictions administratives ou la dignité de leurs anciennes fonctions, aux membres honoraires des deux corps, pouvant se prévaloir de l'honorariat dans les conditions prévues à l'article 71 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, et, plus généralement, à tous les anciens membres. 4) a) Par l'ensemble du paragraphe 16 de son titre II intitulé "Indépendance et impartialité", la charte de déontologie n'interdit pas aux membres ou anciens membres de la juridiction administrative d'exercer comme avocat dans le ressort de leur précédente juridiction, mais, dans le silence de la loi, préconise à leur attention le respect de bonnes pratiques, consistant à s'abstenir, pendant une certaine durée, de présenter des requêtes ou mémoires devant la juridiction dont ils ont été membres ou de paraître à l'audience devant celle-ci, afin, notamment, de prévenir tout doute légitime des justiciables quant à l'indépendance et à l'impartialité de la juridiction administrative. b) Charte recommandant que de telles précautions soient prises, devant la juridiction en cause, pendant une durée de cinq ans, voire, lorsqu'il s'agit des vice-présidents et présidents de section du Conseil d'Etat, d'anciens présidents-adjoints et présidents de chambre de la section du contentieux ou encore d'anciens chefs de juridiction, pendant une durée de dix ans. Il est dans la nature même de recommandations de bonnes pratiques telles qu'énoncées par la charte de déontologie d'appeler, dans le silence de la loi ou des règles statutaires, ceux à qui elles s'adressent à prendre toute précaution convenable, de nature à leur éviter d'éventuelles mises en cause d'ordre déontologique et à préserver, en toute hypothèse, l'indépendance, l'impartialité et le bon fonctionnement des juridictions administratives. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que les durées préconisées par les recommandations de bonnes pratiques litigieuses, qui entendent contribuer à asseoir la confiance des citoyens envers la juridiction administrative, seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation.





54-01-01-01 : Procédure- Introduction de l'instance- Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours- Actes constituant des décisions susceptibles de recours-

Charte de déontologie de la juridiction administrative (sol. impl.) (2).




La décision par laquelle le vice-président du Conseil d'Etat adopte la charte de déontologie des membres de la juridiction administrative, laquelle a vocation, outre à rappeler les principes et obligations d'ordre déontologique qui leur sont applicables, à préconiser des bonnes pratiques propres à en assurer le respect et qui sont susceptibles d'être prises en compte pour apprécier l'existence d'un manquement aux obligations déontologiques qui leur incombent, est susceptible de recours.


(1) Rappr., s'agissant des bonnes pratiques relatives à l'usage des réseaux sociaux, CE, décision du même jour, Syndicat de la juridiction administrative, n° 421139, p. 139. (2) Rappr., s'agissant des recommandations de bonnes pratiques élaborées par la HAS, CE, 27 avril 2011, Association pour une formation médicale indépendante (FORMINDEP), n° 334396, p. 168.

Voir aussi