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Ariane Web: Conseil d'État 421149, lecture du 25 mars 2020

Analyse n° 421149
25 mars 2020
Conseil d'État

N° 421149
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 25 mars 2020



37-04-01 : Juridictions administratives et judiciaires- Magistrats et auxiliaires de la justice- Magistrats de l'ordre administratif-

Charte de déontologie (1) - Bonnes pratiques relatives à l'usage des réseaux sociaux - Méconnaissance de la liberté d'expression (art. 11 de la DDHC et 10 de la conv. EDH) - 1) Recommandations générales de retenue dans l'expression et les prises de position - Absence - 2) Recommandations relatives à la publicité des profils et à la mention de la qualité de membre de la juridiction - Absence - 3) Recommandation de ne pas utiliser les réseaux sociaux pour commenter l'actualité politique et sociale - Absence.




Paragraphes 47 à 47-6 du chapitre IV de la charte de déontologie portant sur l'usage des réseaux sociaux sur Internet. 1) Recommandations générales relatives à l'usage des réseaux sociaux et incitant à la retenue dans l'expression et les prises de position. Ces recommandations, formulées à titre de bonnes pratiques, visent, s'agissant de l'expression sur les réseaux sociaux et eu égard aux caractéristiques techniques de ces modes d'expression, à assurer le respect de l'obligation de réserve à laquelle les membres de la juridiction administrative sont tenus, laquelle vise à éviter que la diffusion de leurs propos porte atteinte à la nature et à la dignité des fonctions qu'ils exercent et à garantir l'indépendance, l'impartialité et le bon fonctionnement de la juridiction administrative. Ce faisant, elles ne portent pas à la liberté d'expression une atteinte qui méconnaîtrait les exigences découlant de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (DDHC) ou celles qui résultent de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH). 2) Recommandations relatives à la publicité des profils et à l'absence de mention de la qualité de membre de la juridiction sur les réseaux sociaux non professionnels. Ces recommandations de prudence n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire l'inscription et l'expression des membres de la juridiction administrative sur des réseaux sociaux et leur méconnaissance ne saurait en elle-même constituer un manquement disciplinaire. Elles visent seulement à prémunir les membres de la juridiction administrative contre le risque que des propos publiés sur les réseaux sociaux reçoivent une diffusion excédant celle qui avait été initialement envisagée par leur auteur et puissent exposer ce dernier, dans le cas où leur diffusion rejaillirait sur l'institution, à devoir répondre d'un éventuel manquement à l'obligation de réserve. Dans ces conditions, les recommandations de bonnes pratiques ainsi énoncées, destinées à garantir le respect de l'obligation de réserve sur les réseaux sociaux, ne portent pas à la liberté d'expression des membres de la juridiction administrative une atteinte disproportionnée. 3) Recommandation de ne pas utiliser les réseaux sociaux pour commenter l'actualité politique et sociale. Une telle recommandation de prudence tient compte des caractéristiques techniques des réseaux de communication au public en ligne en général et des réseaux sociaux en particulier et de la difficulté pour l'utilisateur qui y publie des propos de s'assurer de leur caractère privé ou de leur diffusion restreinte, d'en garantir l'intégrité ou d'en maîtriser la portée, eu égard notamment aux réactions auxquelles ils sont susceptibles de donner lieu, parfois presque instantanément. Dans ces conditions, eu égard à l'obligation de réserve à laquelle les membres de la juridiction administrative sont tenus, de telles recommandations ne portent pas d'atteinte disproportionnée à leur liberté d'expression.


(1) Cf., sur la portée, la justiciabilité et le champ d'application de cette charte, CE, décision du même jour, M. , n° 411070, p. 126.

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