Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 420174, lecture du 11 décembre 2020

Analyse n° 420174
11 décembre 2020
Conseil d'État

N° 420174
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 11 décembre 2020



15-05-11-01 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Fiscalité- Taxe sur la valeur ajoutée-

Personnes et opérations taxables - Territorialité - Prestations de services - Rattachement à la France - 1) Droit applicable à compter du 1er janvier 2010 - Lieu d'établissement du preneur assujetti (1° de l'article 259 du CGI) - Conséquence - Redevable - Prestataire, s'il est établi en France (2. de l'art. 283 du CGI) - a) Notion d'établissement - Critères - Permanence et autonomie suffisantes - b) Prestations rattachables à un établissement - Vérification de la rationalité fiscale d'un rattachement de la prestation au siège - Absence - 2) Espèce.




1) Il résulte du 1° de l'article 259 et des 1 et 2 de l'article 283 du code général des impôts (CGI), dans leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2010, issus de la transposition en droit interne des articles 44, 192 bis, 193, 194 et 196 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 dans leur version en vigueur à compter du 1er janvier 2010, éclairés notamment par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) GST - Sarviz AG Germania du 23 avril 2015 (C-111/14), ainsi que de l'article 53 du règlement n° 282/2011 du 15 mars 2011 portant mesures d'exécution de la même directive, que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259 du CGI, le redevable de la TVA afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. a) Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui satisfait aux critères énoncés au b du point 1, lesquels demeurent pertinents sous l'empire des nouvelles dispositions, ainsi qu'il ressort notamment de l'arrêt de la CJUE Welmory sp. z o.o. du 16 octobre 2014 (C-605/12). b) Dès lors que les prestations peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire. 2) Cas d'une société exerçant une activité de marketing digital par l'intermédiaire de sociétés soeurs notamment en France. La société française dispose des moyens humains rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations d'une société irlandaise, notamment des moyens humains qui lui permettent de prendre la décision de conclure, avec un annonceur, un contrat lui ouvrant le bénéfice des services dont la société irlandaise assure l'exploitation. Si l'exécution des fonctionnalités de mise en relation en temps réel entre les annonceurs et des éditeurs de sites internet suppose une infrastructure technique, comprenant les logiciels nécessaires au fonctionnement des plateformes de mise en relation et des serveurs, sur lesquels elles sont hébergées, implantés dans des centres de données, la création, le paramétrage et la gestion du compte client par les salariés de la société française, en application du contrat conclu avec un annonceur, suffisent pour ouvrir de manière effective à ce dernier un accès aux fonctionnalités prévues au contrat adapté aux besoins de ses programmes de publicité, sans restriction et sans qu'aucune intervention spécifique soit requise de la part de sociétés du groupe, distinctes de la société française et de la société irlandaise, en charge du développement et de la maintenance des logiciels ou de l'exploitation des serveurs. Les salariés de la société française doivent être regardés comme disposant de moyens techniques adaptés rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations de la société irlandaise, quand bien même aucun centre de données utilisé pour l'exécution des fonctionnalités de mise en relation n'est localisé en France, pas davantage d'ailleurs qu'en Irlande.





19-01-01-05 : Contributions et taxes- Généralités- Textes fiscaux- Conventions internationales-

Convention franco-irlandaise du 21 mars 1968 - 1) Etablissement stable (art. 2.9) - Installation fixe d'affaire ou agent dépendant - 2) Agent dépendant (c de l'art. 2.9) - a) Interprétation - Eléments à prendre en considération - Commentaires postérieurs du comité fiscal de l'OCDE - A titre d'élément éclairant la commune intention des parties - Absence (sol. imp.) - A raison de leur "valeur persuasive" - Existence (1) - b) Société française décidant de manière habituelle de transactions que la société irlandaise se borne à entériner - Inclusion (2) - 3) Espèce.




1) Pour avoir un établissement stable en France au sens de l'article 2.9 de la convention du 21 mars 1968 entre la France et l'Irlande, une société résidente d'Irlande doit soit disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l'engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres. 2) Doit être regardée comme exerçant de tels pouvoirs, a) ainsi d'ailleurs qu'il résulte des paragraphes 32.1 et 33 des commentaires au modèle de convention établi par l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) publiés respectivement le 28 janvier 2003 et le 15 juillet 2005, b) une société française qui, de manière habituelle, même si elle ne conclut pas formellement de contrats au nom de la société irlandaise, décide de transactions que la société irlandaise se borne à entériner et qui, ainsi entérinées, l'engagent. 3) Cas d'une société exerçant une activité de marketing digital par l'intermédiaire de sociétés soeurs notamment en France. Si la société irlandaise fixe le modèle des contrats conclus avec les annonceurs pour leur ouvrir le bénéfice des services dont elle assure l'exploitation ainsi que les conditions tarifaires générales, le choix de conclure un contrat avec un annonceur et l'ensemble des tâches nécessaires à sa conclusion relèvent des salariés de la société française, la société irlandaise se bornant à valider le contrat par une signature qui présente un caractère automatique. Une cour commet une erreur de droit et une erreur de qualification juridique en jugeant, au motif que les contrats avec les clients français étaient signés, dans les conditions rappelées ci-dessus, par la société irlandaise, que la société française n'était pas, pour elle, un établissement stable au sens du c de l'article 2.9 de la convention franco-irlandaise.





19-04-01-04-01 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Règles générales- Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales- Personnes morales et bénéfices imposables-

Convention franco-irlandaise du 21 mars 1968 - 1) Etablissement stable (art. 2.9) - Installation fixe d'affaire ou agent dépendant - 2) Agent dépendant (c de l'art. 2.9) - a) Interprétation - Eléments à prendre en considération - Commentaires postérieurs du comité fiscal de l'OCDE - A titre d'élément éclairant la commune intention des parties - Absence (sol. imp.) - A raison de leur "valeur persuasive" - Existence (1) - b) Société française décidant de manière habituelle de transactions que la société irlandaise se borne à entériner - Inclusion (2) - 3) Espèce.




1) Pour avoir un établissement stable en France au sens de l'article 2.9 de la convention du 21 mars 1968 entre la France et l'Irlande tendant à prévenir les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu, une société résidente d'Irlande doit soit disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l'engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres. 2) Doit être regardée comme exerçant de tels pouvoirs, a) ainsi d'ailleurs qu'il résulte des paragraphes 32.1 et 33 des commentaires au modèle de convention établi par l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) publiés respectivement le 28 janvier 2003 et le 15 juillet 2005, b) une société française qui, de manière habituelle, même si elle ne conclut pas formellement de contrats au nom de la société irlandaise, décide de transactions que la société irlandaise se borne à entériner et qui, ainsi entérinées, l'engagent. 3) Cas d'une société exerçant une activité de marketing digital par l'intermédiaire de sociétés soeurs notamment en France. Si la société irlandaise fixe le modèle des contrats conclus avec les annonceurs pour leur ouvrir le bénéfice des services dont elle assure l'exploitation ainsi que les conditions tarifaires générales, le choix de conclure un contrat avec un annonceur et l'ensemble des tâches nécessaires à sa conclusion relèvent des salariés de la société française, la société irlandaise se bornant à valider le contrat par une signature qui présente un caractère automatique. Une cour commet une erreur de droit et une erreur de qualification juridique en jugeant, au motif que les contrats avec les clients français étaient signés, dans les conditions rappelées ci-dessus, par la société irlandaise, que la société française n'était pas, pour elle, un établissement stable au sens du c de l'article 2.9 de la convention franco-irlandaise.





19-06-02-01-02 : Contributions et taxes- Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées- Taxe sur la valeur ajoutée- Personnes et opérations taxables- Territorialité-

Prestations de services - Rattachement à la France - 1) Droit applicable à compter du 1er janvier 2010 - Lieu d'établissement du preneur assujetti (1° de l'article 259 du CGI) - Conséquence - Redevable - Prestataire, s'il est établi en France (2. de l'art. 283 du CGI) - a) Notion d'établissement - Critères - Permanence et autonomie suffisantes - b) Prestations rattachables à un établissement - Vérification de la rationalité fiscale d'un rattachement de la prestation au siège - Absence - 2) Espèce.




1) Il résulte du 1° de l'article 259 et des 1 et 2 de l'article 283 du code général des impôts (CGI), dans leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2010, issus de la transposition en droit interne des articles 44, 192 bis, 193, 194 et 196 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 dans leur version en vigueur à compter du 1er janvier 2010, éclairés notamment par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) GST - Sarviz AG Germania du 23 avril 2015 (C-111/14), ainsi que de l'article 53 du règlement n° 282/2011 du 15 mars 2011 portant mesures d'exécution de la même directive, que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259 du CGI, le redevable de la TVA afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. a) Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui satisfait aux critères énoncés au b du point 1, lesquels demeurent pertinents sous l'empire des nouvelles dispositions, ainsi qu'il ressort notamment de l'arrêt de la CJUE Welmory sp. z o.o. du 16 octobre 2014 (C-605/12). b) Dès lors que les prestations peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire. 2) Cas d'une société exerçant une activité de marketing digital par l'intermédiaire de sociétés soeurs notamment en France. La société française dispose des moyens humains rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations d'une société irlandaise, notamment des moyens humains qui lui permettent de prendre la décision de conclure, avec un annonceur, un contrat lui ouvrant le bénéfice des services dont la société irlandaise assure l'exploitation. Si l'exécution des fonctionnalités de mise en relation en temps réel entre les annonceurs et des éditeurs de sites internet suppose une infrastructure technique, comprenant les logiciels nécessaires au fonctionnement des plateformes de mise en relation et des serveurs, sur lesquels elles sont hébergées, implantés dans des centres de données, la création, le paramétrage et la gestion du compte client par les salariés de la société française, en application du contrat conclu avec un annonceur, suffisent pour ouvrir de manière effective à ce dernier un accès aux fonctionnalités prévues au contrat adapté aux besoins de ses programmes de publicité, sans restriction et sans qu'aucune intervention spécifique soit requise de la part de sociétés du groupe, distinctes de la société française et de la société irlandaise, en charge du développement et de la maintenance des logiciels ou de l'exploitation des serveurs. Les salariés de la société française doivent être regardés comme disposant de moyens techniques adaptés rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations de la société irlandaise, quand bien même aucun centre de données utilisé pour l'exécution des fonctionnalités de mise en relation n'est localisé en France, pas davantage d'ailleurs qu'en Irlande.


(1) Cf., en précisant, CE, Section, 30 décembre 2003, Société Andritz, n° 233894, p. 527. (2) Cf., en ce qu'elle se fonde sur l'exercice "en droit" de pouvoirs engageant l'entreprise de l'autre Etat, CE, Section, 20 juin 2003, Ministre c/ Société Interhome AG, n° 224407, p. 270 ; CE, 31 mars 2010, Société Zimmer Limited, n°s 304715 308525, p. 88.

Voir aussi