Base de jurisprudence


Analyse n° 437141
2 juillet 2021
Conseil d'État

N° 437141 437142 437365
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du vendredi 2 juillet 2021



095-01-05 : Asile- Règles et mesures de portée générale- Liste des pays d'origine sûrs-

1) Conseil d'administration de l'OFPRA ayant constaté une dégradation rapide de la situation dans un pays figurant sur la liste et son évolution incertaine - Possibilité de se borner à prévoir un futur réexamen de l'inscription - Absence - 2) Attention particulière devant être accordée aux risques de persécutions en raison de l'orientation sexuelle (loi du 18 septembre 2018) - Conséquence - Illégalité de l'inscription sur la liste du Sénégal et du Ghana.




Délibération du 5 novembre 2019 par laquelle le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a décidé de ne pas modifier la liste des pays considérés comme étant des pays d'origine sûrs qui avait été fixée par délibération du 9 octobre 2015, en application de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). 1) S'agissant du maintien de l'inscription sur la liste du Bénin, il ressort des pièces des dossiers que la situation de ce pays s'était dégradée de façon préoccupante, celui-ci traversant une grave crise politique, en particulier depuis les élections législatives d'avril 2019, et connaissant selon les observateurs une restriction des droits et libertés et de l'indépendance de la justice. Dès lors qu'il constatait une dégradation rapide de la situation dans un pays figurant sur la liste et son évolution incertaine, le conseil d'administration de l'office ne pouvait légalement se borner à prévoir le réexamen de l'inscription de ce pays à l'issue d'une période de six mois, sans en tirer immédiatement de conséquence en application du onzième alinéa de l'article L. 722-1 du CESEDA. 2) S'agissant du Sénégal et du Ghana, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le conseil d'administration de l'OFPRA aurait, en maintenant, à la date de la délibération attaquée, l'inscription de ces Etats sur la liste des pays d'origine sûrs, inexactement apprécié, au regard des exigences résultant de l'article L. 722-1 du CESEDA, la situation politique générale de ces pays, qui disposent d'institutions démocratiques et procèdent à des élections libres et pluralistes, garantissent l'exercice des libertés fondamentales et sont parties à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants ainsi qu'au pacte international relatif aux droits civils et politiques. Toutefois, il résulte de l'ajout, à l'énonciation des critères d'inscription sur la liste faite au huitième alinéa de l'article L. 722-1, des termes "quelle que soit l'orientation sexuelle de ses ressortissants", par la loi n° 2018-778 du 18 septembre 2018, que le législateur a entendu qu'une attention particulière soit accordée, pour l'établissement et la révision de la liste des pays d'origine sûrs, aux risques de persécutions ou de traitements inhumains et dégradants en raison de l'orientation sexuelle des ressortissants de ce pays. Compte tenu de l'existence de dispositions législatives pénalisant les relations homosexuelles au Sénégal et au Ghana et de la persistance de comportements, encouragés, favorisés ou simplement tolérés par les autorités de ces pays, conduisant à ce que des personnes puissent effectivement craindre d'y être exposées à de tels risques, l'OFPRA ne pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, tenir ces Etats pour des pays d'origine sûrs dans l'examen des demandes présentées par leurs ressortissants.