Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 447701, lecture du 8 avril 2022

Analyse n° 447701
8 avril 2022
Conseil d'État

N° 447701
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du vendredi 8 avril 2022



15-05-06 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Droit de la concurrence-

Protection du secret des affaires (directive du 8 juin 2016) - Portée - 1) Réglementation de l'accès aux documents administratifs - Absence - 2) Journalistes devant être regardés comme détenteurs légitimes d'informations portant atteinte au secret des affaires - Absence.




1) Il résulte clairement de la directive 2016/943/CE du 8 juin 2016 qu'elle ne comporte pas de règle en matière d'accès aux documents administratifs. 2) Si son article 5 interdit aux Etats membres d'engager la responsabilité des journalistes lorsqu'ils portent atteinte au secret des affaires, il n'a ni pour objet ni pour effet de faire de ceux-ci des détenteurs légitimes, au sens et pour l'application de cette directive, d'informations portant atteinte à un tel secret.





26-055-01 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention-

Liberté d'expression (art. 10) justifiant l'accès à des informations détenues par une autorité publique (1) - Espèce - Liste des dispositifs médicaux soumis à l'examen de conformité aux normes « CE » - Absence, s'agissant des dispositifs n'ayant pas été mis sur le marché.




Journaliste ayant demandé à la personne qui s'est vu confier par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) la mission de vérification de la conformité des dispositifs médicaux aux normes européennes (certification ou marquage « CE »), dans le cadre d'une enquête sur les défaillances de certains types d'implants médicaux, de lui communiquer la liste des dispositifs médicaux auxquels elle a délivré le marquage « CE » et la liste de ceux auxquels elle l'a refusé. Refus de cette communication. Ce refus constitue, pour ce qui concerne les dispositifs qui n'ont pas été mis sur le marché, une ingérence nécessaire et proportionnée dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, tel que garanti par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH), du fait notamment que les risques que représenteraient pour la santé publique des dispositifs médicaux défaillants restent théoriques tant que ceux-ci n'ont pas été mis sur le marché.





26-06 : Droits civils et individuels- Accès aux documents administratifs-

Refus du certificateur « CE » de communiquer à un journaliste, pour une enquête sur les défaillances de certains types d'implants médicaux, la liste des dispositifs auxquels ce marquage a été délivré ou refusé - 1) Secret des affaires (art. L. 311-6 du CRPA) s'opposant à la communication combinée des noms des dispositifs médicaux et de leur fabricant - a) Avant leur mise sur le marché - Existence - b) Après leur mise sur le marché - Absence - 2) Portée de la directive sur la protection du secret des affaires (directive du 8 juin 2016) - a) Réglementation de l'accès aux documents administratifs - Absence - b) Journalistes devant être regardés comme détenteurs légitimes d'informations portant atteinte au secret des affaires - Absence - 3) Liberté d'expression (art. 10 de la convention EDH) justifiant l'accès à des informations détenues par une autorité publique (1) - Espèce - Absence, s'agissant des dispositifs n'ayant pas été mis sur le marché.




Journaliste ayant demandé à la personne qui s'est vu confier par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) la mission de vérification de la conformité des dispositifs médicaux aux normes européennes (certification ou marquage « CE »), dans le cadre d'une enquête sur les défaillances de certains types d'implants médicaux, de lui communiquer la liste des dispositifs médicaux auxquels elle a délivré le marquage « CE » et la liste de ceux auxquels elle l'a refusé. Refus de cette communication. 1) Le nom retenu par un fabricant pour désigner un dispositif médical est susceptible, par lui-même, de révéler sa nature. Il en résulte que la communication combinée du nom des dispositifs médicaux faisant l'objet d'une demande de marquage « CE » et de celui de leurs fabricants est de nature à dévoiler les produits que ces derniers ont développés et qu'ils envisagent de commercialiser et, par suite, à révéler leur stratégie commerciale. Les fabricants ne sauraient être regardés, en présentant une demande de certification « CE », comme ayant renoncé à la confidentialité de leur projet, dès lors qu'il résulte de l'article R. 5211-56 du code de la santé publique (CSP) que le personnel de l'organisme certificateur est soumis au secret professionnel. a) Il en résulte que l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) protégeant le secret des affaires s'oppose à la communication de ces informations s'agissant de dispositifs médicaux non encore mis sur le marché. b) Cependant, le secret des affaires, en ce qu'il vise à éviter que soit dévoilée la stratégie commerciale d'une entreprise quant aux produits qu'elle envisage de commercialiser, ne saurait justifier le refus de communication d'un document administratif après que les produits en cause ont été mis sur le marché. Ce secret ne saurait ainsi légalement fonder le refus de communication de la liste des dispositifs médicaux qui ont été mis sur le marché après que le marquage « CE » leur a été refusé en France mais leur a été délivré par un autre organisme d'évaluation au sein de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. 2) a) Il résulte clairement de la directive 2016/943/CE du 8 juin 2016 qu'elle ne comporte pas de règle en matière d'accès aux documents administratifs. b) Si son article 5 interdit aux Etats membres d'engager la responsabilité des journalistes lorsqu'ils portent atteinte au secret des affaires, il n'a ni pour objet ni pour effet de faire de ceux-ci des détenteurs légitimes, au sens et pour l'application de cette directive, d'informations portant atteinte à un tel secret. 3) Ce refus constitue, pour ce qui concerne les dispositifs qui n'ont pas été mis sur le marché, une ingérence nécessaire et proportionnée dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, tel que garanti par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH), du fait notamment que les risques que représenteraient pour la santé publique des dispositifs médicaux défaillants restent théoriques tant que ceux-ci n'ont pas été mis sur le marché.


(1) Cf. CE, 3 juin 2020, Association Pouvoir Citoyen et association Les Effronté-e-s, n° 421615, T. pp. 739-746. Rappr. Cour EDH, gde ch., 8 novembre 2016, n° 18030/11, Magyar Helsinki Bizottsag c/ Hongrie.

Voir aussi