Base de jurisprudence


Analyse n° 447538
21 juin 2022
Conseil d'État

N° 447538
Publié au recueil Lebon

Lecture du mardi 21 juin 2022



095-04-01-01-02 : Asile- Privation de la protection- Exclusion du droit au bénéfice de l'asile- Clauses d'exclusion de la qualité de réfugié- Comportement excluant le bénéfice de la protection (art- F de la convention de Genève)-

1) Condition - Raisons sérieuses de penser que le comportement est imputable personnellement au demandeur (1) - 2) Crime grave de droit commun (art. 1 F, b) - a) Exclusion - Prédominance du caractère politique - b) Appréciation - Lien entre l'acte et le but politique, adéquation et proportionnalité - c) Espèce - Absence - 3) Agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies (art. 1 F, c) (2) - Espèce - Absence.




1) L'exclusion du statut de réfugié prévue par les a, b et c du F de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 est subordonnée à l'existence de raisons sérieuses de penser qu'une part de responsabilité dans les crimes ou les agissements qu'il mentionne peut être imputée personnellement au demandeur d'asile. Il appartient à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) de rechercher si les éléments de fait résultant de l'instruction sont de nature à fonder de sérieuses raisons de penser que le demandeur a été personnellement impliqué dans de tels crimes ou agissements. 2) a) S'agissant, d'une part, de la clause d'exclusion prévue au b du F de l'article 1er de la convention de Genève, lorsqu'un crime grave a été commis et qu'il est allégué qu'il ne présente pas le caractère de crime de droit commun mais qu'il a été commis dans un but politique, le demandeur d'asile ne peut être exclu du bénéfice du statut de réfugié si le caractère politique de l'acte qu'il a commis prédomine sur le caractère de droit commun. b) Pour porter cette appréciation, il convient de déterminer s'il existe un lien direct entre l'acte commis et le but politique poursuivi et de mesurer l'adéquation et la proportionnalité entre cet acte et ce but, au regard notamment des moyens employés, de l'exercice ou non d'une violence anormale et indiscriminée et de la nature et du nombre des victimes. c) Demandeur d'asile, ayant exercé de 2007 à 2010 et après novembre 2012 les fonctions de directeur du cabinet du président en exil du Front de libération de l'enclave du Cabinda - Forces armées cabindaises (FLEC-FAC), ayant affirmé que ce mouvement avait mené à plusieurs reprises des actions contre les forces armées angolaises ayant entraîné la mort de militaires angolais et, pour l'une d'entre elles, de deux travailleurs expatriés venus prospecter des matières premières qu'escortait le convoi militaire cible de l'embuscade. Faits intervenus dans un contexte de lutte armée menée par le mouvement auquel appartenait le demandeur d'asile contre le gouvernement angolais et visant ses forces armées. Mort des deux civils s'étant produite au cours d'une attaque qui ne visait pas ces personnes. Ces faits ne peuvent dans ces conditions être regardés comme des crimes graves de droit commun, au sens du b du F de l'article 1er de la convention de Genève. 3) S'agissant, d'autre part, de la clause d'exclusion prévue au c du F de l'article 1er de la convention de Genève, constituent des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies au sens de ces stipulations ceux qui sont susceptibles d'affecter la paix et la sécurité internationale, les relations pacifiques entre Etats ainsi que les violations graves des droits de l'homme. Les faits imputés au demandeur d'asile ne peuvent être regardés comme des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies au sens de ces stipulations.


(1) Cf., en précisant, CE, 4 décembre 2017, Office français de protection des réfugiés et apatrides, n° 403454, T. p. 475. (2) Cf. CE, 11 avril 2018, M. , n° 410897, p. 112.