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Ariane Web: Conseil d'État 447568, lecture du 21 décembre 2022

Analyse n° 447568
21 décembre 2022
Conseil d'État

N° 447568
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 21 décembre 2022



15-05-01-03 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Libertés de circulation- Libre circulation des capitaux-

1) Champ d'application - Inclusions - a) Relations entre Etats membres et PTOM, en leur qualité d'Etat tiers (1) - b) Cession par un investisseur établi dans un pays tiers d'une participation dans une société résidente d'un Etat membre - i) Critère - Législation nationale ne s'appliquant pas exclusivement lorsque l'investisseur exerce une influence décisive sur la société cédée - ii) Illustration - Prélèvement de l'article 244 bis B du CGI (2) - 2) Office du juge fiscal saisi d'un moyen tiré de la méconnaissance de la libre circulation des capitaux- a) Juge réputé, en l'absence de différence objective de situation liée à la résidence et alors qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général n'était invoquée devant lui, s'être implicitement mais nécessairement prononcé sur l'applicabilité de la clause de sauvegarde (art. 65 du TFUE) (3) - Conséquence - Motivation de sa décision - b) Comparaison de la charge fiscale supportée par le requérant et par un contribuable résident de France placé dans une situation comparable - c) Correction, le cas échéant, du traitement défavorable - Modalités - Dégrèvement de l'imposition dans la mesure nécessaire au rétablissement d'une équivalence de traitement (4).




1) a) Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) que les pays et territoires d'outre-mer (PTOM) font l'objet d'un régime spécial d'association défini dans la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de sorte que les dispositions générales du traité, dont le champ d'application territorial est en principe limité aux États membres, ne leur sont pas applicables sans référence expresse. En l'absence de référence expresse aux mouvements de capitaux entre les États membres et les PTOM dans le traité sur l'Union européenne (TUE) et le TFUE, les PTOM bénéficient de la libéralisation des mouvements de capitaux prévue à l'article 63 du TFUE en qualité d'États tiers. b) i) Il résulte également de la jurisprudence de la CJUE que, lorsqu'est en cause la cession par un investisseur établi dans un pays tiers d'une participation dans une société résidente d'un Etat membre, l'examen de l'objet de la législation nationale suffit pour apprécier si cette participation relève de l'article 63 du TFUE relatif à la libre circulation des capitaux. Ainsi, une législation nationale qui ne s'applique pas exclusivement aux situations dans lesquelles l'investisseur exerce une influence décisive sur la société établie dans un Etat membre doit être appréciée au regard de ces stipulations. Un investisseur établi dans un pays tiers peut alors, indépendamment de l'ampleur de la participation qu'il détient dans la société cédée, se prévaloir de la liberté de circulation des capitaux afin de mettre en cause la légalité d'une telle réglementation. En revanche, lorsqu'il ressort de l'objet d'une législation nationale que celle-ci a seulement vocation à s'appliquer aux participations permettant d'exercer une influence certaine sur les décisions de la société résidente de l'Etat membre et d'en déterminer les activités, les stipulations de l'article 63 du traité ne peuvent être utilement invoquées. ii) Il résulte de l'article 244 bis B du code général des impôts (CGI) que les cédants non-résidents de titres de participation de sociétés établies en France sont assujettis à l'imposition qu'il prévoit lorsque les droits détenus directement ou indirectement dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres sont cédés dépassent 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années. Cette imposition est ainsi indépendante du niveau de participation dans les bénéfices sociaux de la société française au moment de la cession et s'applique quel que soit le niveau de droits de vote du cédant non-résident. Dans ces conditions, l'article 244 bis B n'a pas vocation à s'appliquer aux seules participations permettant d'exercer une influence certaine sur les décisions de la société établie en France et d'en déterminer les activités. L'article 63 peut donc être utilement invoqué à l'encontre de cet article. 2) Il résulte de l'article 65 du TFUE que des dispositions fiscales restreignant les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers peuvent être jugées compatibles avec les stipulations du traité relatives à la libre circulation des capitaux si la différence de traitement qu'elles instaurent, soit concerne des contribuables qui se trouvent dans des situations objectivement différentes, soit répond à une raison impérieuse d'intérêt général et n'excède pas ce qui est nécessaire pour que l'objectif poursuivi par ces dispositions soit atteint. a) En l'absence de différence objective de situation liée à la résidence et alors qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général n'était invoquée devant lui susceptible de justifier le traitement fiscal défavorable des cessions de droits sociaux effectuées par des personnes morales ayant leur siège hors de France par rapport à celui prévu, pour les mêmes opérations, à l'encontre des personnes morales ayant leur siège en France, le juge de l'impôt est réputé avoir implicitement mais nécessairement jugé que la restriction ainsi constatée à la liberté de circulation des capitaux n'entrait pas dans le champ de l'article 65 du TFUE. Il peut statuer ainsi sans opposer d'office l'article 65 du TFUE. En outre, il n'est pas tenu, en l'absence d'argumentation soulevée devant lui, de motiver sa décision explicitement sur ce point. b) Lorsqu'un contribuable non-résident conteste, au regard de la libre circulation des capitaux, l'imposition à laquelle il a été assujetti sur ses revenus de source française, il convient de comparer la charge fiscale supportée respectivement par ce contribuable et par un contribuable résident de France placé dans une situation comparable. c) Lorsqu'il apparaît que le contribuable non-résident a été effectivement traité de manière défavorable, il appartient à l'administration fiscale et, le cas échéant, au juge de l'impôt, de dégrever l'imposition en litige dans la mesure nécessaire au rétablissement d'une équivalence de traitement.





19-02-01-02 : Contributions et taxes- Règles de procédure contentieuse spéciales- Questions communes- Pouvoirs du juge fiscal-

Office du juge saisi d'un moyen tiré de ce qu'une imposition méconnaît la libre circulation des capitaux (art. 63 du TFUE) - Illustration - Prélèvement de l'article 244 bis B du CGI - 1) Juge réputé, en l'absence de différence objective de situation liée à la résidence et alors qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général n'était invoquée devant lui, s'être implicitement mais nécessairement prononcé sur l'applicabilité de la clause de sauvegarde (art. 65 du TFUE) (3) - Conséquence - Motivation de sa décision - 2) Comparaison de la charge fiscale supportée par le requérant et par un contribuable résident de France placé dans une situation comparable - 3) Correction, le cas échéant, du traitement défavorable - Modalités - Dégrèvement de l'imposition dans la mesure nécessaire au rétablissement d'une équivalence de traitement (4).




Il résulte de l'article 65 du TFUE que des dispositions fiscales restreignant les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers peuvent être jugées compatibles avec les stipulations du traité relatives à la libre circulation des capitaux si la différence de traitement qu'elles instaurent, soit concerne des contribuables qui se trouvent dans des situations objectivement différentes, soit répond à une raison impérieuse d'intérêt général et n'excède pas ce qui est nécessaire pour que l'objectif poursuivi par ces dispositions soit atteint. 1) En l'absence de différence objective de situation liée à la résidence et alors qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général n'était invoquée devant lui susceptible de justifier le traitement fiscal défavorable des cessions de droits sociaux effectuées par des personnes morales ayant leur siège hors de France par rapport à celui prévu, pour les mêmes opérations, à l'encontre des personnes morales ayant leur siège en France, le juge de l'impôt est réputé avoir implicitement mais nécessairement jugé que la restriction ainsi constatée à la liberté de circulation des capitaux n'entrait pas dans le champ de l'article 65 du TFUE. Il peut statuer ainsi sans opposer d'office l'article 65 du TFUE. En outre, il n'est pas tenu, en l'absence d'argumentation soulevée devant lui, de motiver sa décision explicitement sur ce point. 2) Lorsqu'un contribuable non-résident conteste, au regard de la libre circulation des capitaux, l'imposition à laquelle il a été assujetti sur ses revenus de source française, il convient de comparer la charge fiscale supportée respectivement par ce contribuable et par un contribuable résident de France placé dans une situation comparable. 3) Lorsqu'il apparaît que le contribuable non-résident a été effectivement traité de manière défavorable, il appartient à l'administration fiscale et, le cas échéant, au juge de l'impôt, de dégrever l'imposition en litige dans la mesure nécessaire au rétablissement d'une équivalence de traitement.


(1) Rappr. CJUE, 5 mai 2011, Prunus SARL et Polonium SA, aff. C-384/09, Rec. p. I-03319. (2) Cf. sol. contr., s'agissant du dispositif anti-abus de l'article 209 B du CGI, CE, 25 avril 2022, Société Rubis, n° 439859, à mentionner aux Tables. (3) Rappr., jugeant que le juge doit examiner d'office la clause de gel de l'article 64 du TFUE, CE, 28 juillet 2011, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ M. et Mme , n° 322672, p. 429. (4) Cf. CE, 6 décembre 2021, National pension service, n° 433301, p. 360.

Voir aussi