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Ariane Web: Conseil d'État 443678, lecture du 1 mars 2023

Analyse n° 443678
1 mars 2023
Conseil d'État

N° 443678
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 1 mars 2023



19-04-01-05 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Règles générales- Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices-

Précompte mobilier (ancien art. 223 sexies du CGI) - 1) Imposition des sociétés mères lorsqu'elles redistribuent des dividendes en provenance de filiales établies dans un Etat tiers mais pas lorsqu'ils proviennent de filiales établies dans un Etat membre de l'UE autre que la France (art. 4 de la directive 90/435/CEE) - Conformité aux articles 14 de la convention EDH et 1P1 - Existence, cette différence de traitement pouvant être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable liée au respect des exigences découlant du droit de l'UE (1) - 2) Précompte dont la restitution est sollicitée sur le fondement de l'article 4 de la directive 90/435/CEE - Imposition due à raison de redistributions de dividendes issus de filiales établies dans un Etat membre de l'UE autre que la France - Preuve pouvant notamment être apportée par des éléments issus de la déclaration de précompte.




1) En instituant le précompte par l'article 3 de la loi du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers, ultérieurement codifié au I de l'article 223 sexies du code général des impôts (CGI), le législateur a entendu assurer la cohérence du dispositif d'élimination de la double imposition économique des dividendes qu'il créait, en faisant en sorte que l'avoir fiscal dont, en vertu de l'article 1er de cette même loi, ultérieurement codifié à l'article 158 bis du CGI, les sommes distribuées étaient assorties, constitue la contrepartie de la soumission à l'impôt, en amont, des bénéfices sur lesquels ces sommes étaient prélevées. Il découle de l'arrêt C-556/20 du 12 mai 2022 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) que l'article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 impose d'écarter l'application des dispositions de l'article 223 sexies du CGI lorsqu'une société mère établie en France procède à la distribution, assortie du bénéfice de l'avoir fiscal, de sommes prélevées sur des bénéfices constitués de dividendes en provenance de filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne (UE) autre que la France. En revanche, dès lors que le champ de la directive est limité, en vertu de son article 1er, aux distributions en provenance ou à destination d'un autre Etat membre, lorsqu'elle procède à la redistribution, également assortie de l'avoir fiscal, de dividendes en provenance de filiales établies dans des Etats tiers à l'UE, une telle société mère demeure redevable du précompte. Il découle ainsi des dispositions contestées, telles qu'elles doivent être mises en oeuvre pour se conformer aux exigences du droit de l'UE, une différence de traitement entre sociétés mères, au regard de la soumission au précompte, selon que celles-ci redistribuent des dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat membre de l'UE autre que la France ou des dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat tiers à l'UE. Toutefois, d'une part, le respect des exigences découlant du droit de l'UE constitue un objectif d'intérêt public légitime de nature à justifier une différence de traitement entre des situations comparables, selon qu'elles sont ou non régies par ces règles. D'autre part, si la loi, telle que mise en oeuvre conformément à la directive du 23 juillet 1990, conduit à ce que la redistribution par une société mère française de dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat-membre de l'UE autre que la France ouvre droit au bénéfice de l'avoir fiscal alors même que ces dividendes n'ont que très partiellement été soumis à l'impôt dans le chef de la société mère, il n'en résulte pas une absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Dans ces conditions, la différence de traitement en cause peut être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable. Par suite, la différence de traitement que subissent les sociétés-mères selon qu'elles redistribuent à leurs actionnaires des dividendes de source européenne, d'une part, et des revenus tirés de filiales établies hors de l'Union européenne, d'autre part, ne constitue pas une discrimination contraire aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH) et de l'article 1er de son premier protocole additionnel (1P1). 2) La déclaration de précompte a pour objet de permettre d'identifier les bénéfices sur lesquels les sommes distribuées par une société ont été prélevées et si ces bénéfices ont été imposés au taux normal de l'impôt sur les sociétés (IS), afin de déterminer l'assiette du précompte dans les cas où celui-ci serait exigible. La circonstance que le droit de l'UE fasse obstacle au prélèvement d'un précompte à raison de la redistribution de produits de filiales établies dans un Etat membre de l'Union autre que la France ne remet pas, par elle-même, en cause la possibilité de recourir aux éléments portés dans cette déclaration pour déterminer le montant du précompte dont une société demeure redevable à raison de la distribution d'autres bénéfices ainsi que celui dont elle est fondée à obtenir la restitution. La preuve de ce que le versement du précompte dont la restitution est sollicitée sur le fondement de l'article 4 de la directive 90/435/CEE, est intervenu de manière effective, au titre de l'année en cause, à raison de la redistribution de dividendes issus de filiales établies dans un Etat membre de l'UE autre que la France, peut ainsi notamment être apportée par des éléments issus de cette déclaration.





26-055-01-14 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention- Interdiction des discriminations (art- )-

Précompte mobilier (ancien art. 223 sexies du CGI) - Imposition des sociétés mères lorsqu'elles redistribuent des dividendes en provenance de filiales établies dans un Etat tiers mais pas lorsqu'ils proviennent de filiales établies dans un Etat membre de l'UE autre que la France - Conformité à l'article 14 de la convention EDH et à l'article 1P1 - Existence, cette différence de traitement pouvant être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable liée au respect des exigences découlant du droit de l'UE (1).




En instituant le précompte par l'article 3 de la loi du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers, ultérieurement codifié au I de l'article 223 sexies du code général des impôts (CGI), le législateur a entendu assurer la cohérence du dispositif d'élimination de la double imposition économique des dividendes qu'il créait, en faisant en sorte que l'avoir fiscal dont, en vertu de l'article 1er de cette même loi, ultérieurement codifié à l'article 158 bis du CGI, les sommes distribuées étaient assorties, constitue la contrepartie de la soumission à l'impôt, en amont, des bénéfices sur lesquels ces sommes étaient prélevées. Il découle de l'arrêt C-556/20 du 12 mai 2022 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) que l'article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 impose d'écarter l'application des dispositions de l'article 223 sexies du CGI lorsqu'une société mère établie en France procède à la distribution, assortie du bénéfice de l'avoir fiscal, de sommes prélevées sur des bénéfices constitués de dividendes en provenance de filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne (UE) autre que la France. En revanche, dès lors que le champ de la directive est limité, en vertu de son article 1er, aux distributions en provenance ou à destination d'un autre Etat membre, lorsqu'elle procède à la redistribution, également assortie de l'avoir fiscal, de dividendes en provenance de filiales établies dans des Etats tiers à l'UE, une telle société mère demeure redevable du précompte. Il découle ainsi des dispositions contestées, telles qu'elles doivent être mises en oeuvre pour se conformer aux exigences du droit de l'UE, une différence de traitement entre sociétés mères, au regard de la soumission au précompte, selon que celles-ci redistribuent des dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat membre de l'UE autre que la France ou des dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat tiers à l'UE. Toutefois, d'une part, le respect des exigences découlant du droit de l'UE constitue un objectif d'intérêt public légitime de nature à justifier une différence de traitement entre des situations comparables, selon qu'elles sont ou non régies par ces règles. D'autre part, si la loi, telle que mise en oeuvre conformément à la directive du 23 juillet 1990, conduit à ce que la redistribution par une société mère française de dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat-membre de l'UE autre que la France ouvre droit au bénéfice de l'avoir fiscal alors même que ces dividendes n'ont que très partiellement été soumis à l'impôt dans le chef de la société mère, il n'en résulte pas une absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Dans ces conditions, la différence de traitement en cause peut être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable. Par suite, la différence de traitement que subissent les sociétés-mères selon qu'elles redistribuent à leurs actionnaires des dividendes de source européenne, d'une part, et des revenus tirés de filiales établies hors de l'Union européenne, d'autre part, ne constitue pas une discrimination contraire aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH) et de l'article 1er de son premier protocole additionnel (1P1).





26-055-02-01 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par les protocoles- Droit au respect de ses biens (art- er du premier protocole additionnel)-

Précompte mobilier (ancien art. 223 sexies du CGI) - Imposition des sociétés mères lorsqu'elles redistribuent des dividendes en provenance de filiales établies dans un Etat tiers mais pas lorsqu'ils proviennent de filiales établies dans un Etat membre de l'UE autre que la France - Conformité à l'article 14 de la convention EDH et à l'article 1P1 - Existence, cette différence de traitement pouvant être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable liée au respect des exigences découlant du droit de l'UE (1).




En instituant le précompte par l'article 3 de la loi du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers, ultérieurement codifié au I de l'article 223 sexies du code général des impôts (CGI), le législateur a entendu assurer la cohérence du dispositif d'élimination de la double imposition économique des dividendes qu'il créait, en faisant en sorte que l'avoir fiscal dont, en vertu de l'article 1er de cette même loi, ultérieurement codifié à l'article 158 bis du CGI, les sommes distribuées étaient assorties, constitue la contrepartie de la soumission à l'impôt, en amont, des bénéfices sur lesquels ces sommes étaient prélevées. Il découle de l'arrêt C-556/20 du 12 mai 2022 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) que l'article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 impose d'écarter l'application des dispositions de l'article 223 sexies du CGI lorsqu'une société mère établie en France procède à la distribution, assortie du bénéfice de l'avoir fiscal, de sommes prélevées sur des bénéfices constitués de dividendes en provenance de filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne (UE) autre que la France. En revanche, dès lors que le champ de la directive est limité, en vertu de son article 1er, aux distributions en provenance ou à destination d'un autre Etat membre, lorsqu'elle procède à la redistribution, également assortie de l'avoir fiscal, de dividendes en provenance de filiales établies dans des Etats tiers à l'UE, une telle société mère demeure redevable du précompte. Il découle ainsi des dispositions contestées, telles qu'elles doivent être mises en oeuvre pour se conformer aux exigences du droit de l'UE, une différence de traitement entre sociétés mères, au regard de la soumission au précompte, selon que celles-ci redistribuent des dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat membre de l'UE autre que la France ou des dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat tiers à l'UE. Toutefois, d'une part, le respect des exigences découlant du droit de l'UE constitue un objectif d'intérêt public légitime de nature à justifier une différence de traitement entre des situations comparables, selon qu'elles sont ou non régies par ces règles. D'autre part, si la loi, telle que mise en oeuvre conformément à la directive du 23 juillet 1990, conduit à ce que la redistribution par une société mère française de dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat-membre de l'UE autre que la France ouvre droit au bénéfice de l'avoir fiscal alors même que ces dividendes n'ont que très partiellement été soumis à l'impôt dans le chef de la société mère, il n'en résulte pas une absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Dans ces conditions, la différence de traitement en cause peut être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable. Par suite, la différence de traitement que subissent les sociétés-mères selon qu'elles redistribuent à leurs actionnaires des dividendes de source européenne, d'une part, et des revenus tirés de filiales établies hors de l'Union européenne, d'autre part, ne constitue pas une discrimination contraire aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH) et de l'article 1er de son premier protocole additionnel (1P1).


(1) Cf., sur la compatibilité d'une discrimination « à rebours » ou « par ricochet » avec les articles 14 de la convention EDH et 1P1, CE, 31 mars 2021, De Galbert Defforey, n° 441918, T. pp. 631-659-680-684. Rappr., sur la conformité aux articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 de la différence de traitement - à raison de leur assujettissement au précompte - entre sociétés mères procédant à une redistribution des dividendes selon qu'ils proviennent de filiales situées en France, dans un autre État membre de l'UE ou dans un Etat tiers, Cons. const., 14 octobre 2022, n° 2022-1014 QPC, Société Schneider Electric et autres.

Voir aussi