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Ariane Web: Conseil d'État 459626, lecture du 21 mars 2023

Analyse n° 459626
21 mars 2023
Conseil d'État

N° 459626
Publié au recueil Lebon

Lecture du mardi 21 mars 2023



66-07 : Travail et emploi- Licenciements-

Validation d'un accord collectif portant RCC - Contrôle de l'autorité administrative - Portée - 1) Conformité à l'article L. 1237-19 du code du travail - 2) Existence des clauses prévues à l'article L. 1237-19-1 - 3) Existence de mesures précises et concrètes visant à faciliter l'accompagnement et le reclassement externe des salariés - 4) Régularité, le cas échéant, de la procédure d'information du comité social et économique - 5) Absence de nullité de l'accord - 6) Situation économique de l'entreprise - a) Entreprise se trouvant dans un contexte de difficultés économiques - Légalité - Existence - b) Etablissement ou entreprise en cessation d'activité conduisant de manière certaine à ce que les salariés n'ayant pas opté pour le dispositif de RCC fassent l'objet d'un licenciement pour motif économique et, le cas échéant, d'un PSE - i) Légalité - Absence, ii) l'employeur devant alors élaborer un PSE qui devra être homologué ou validé par l'administration - c) Illustration.




Il résulte des articles L. 1237-19 à L. 1237-19-4 et de l'article L. 1237-8 du code du travail que l'autorité administrative ne peut valider un accord collectif portant rupture conventionnelle collective (RCC) que 1) s'il est conforme à l'article L. 1237-19, 2) qu'il comporte les clauses prévues à l'article L. 1237-19-1, 3) qu'il contient des mesures, prévues au 7° du même article L. 1237-19-1, précises et concrètes et 4), que, le cas échéant, la procédure d'information du comité social et économique a été régulière. 5) En outre, il résulte des mêmes dispositions qu'elle ne peut valider un tel accord s'il est entaché de nullité, notamment en raison de ce que des vices, propres à entacher l'accord de nullité, ont affecté les conditions de sa négociation. 6) a) Par ailleurs, un accord portant RCC peut être, en principe, légalement conclu dans un contexte de difficultés économiques de l'entreprise ou d'autres situations visées à l'article L. 1233-3 du code du travail. b) i) Pour autant, dès lors qu'il résulte des articles L. 1231-1, L. 1233-3, L. 1237-17, L. 1237-19, L. 1237-19-1 à L. 1237-19-4 et L. 1237-19-8 du code du travail que la rupture du contrat de travail qui lie l'employeur et le salarié n'obéit pas au même régime juridique selon qu'elle est imposée par l'employeur au salarié, notamment pour motif économique, ou qu'elle est décidée d'un commun accord entre l'employeur et le salarié, en particulier dans le cadre de la mise en oeuvre d'un accord portant RCC, un tel accord, compte tenu de ce qu'il doit être exclusif de toute rupture du contrat de travail imposée au salarié, comme le prévoit l'article L. 1237-17, ne peut être validé par l'autorité administrative lorsqu'il est conclu dans le contexte d'une cessation d'activité de l'établissement ou de l'entreprise en cause conduisant de manière certaine à ce que les salariés n'ayant pas opté pour le dispositif de rupture conventionnelle fassent l'objet, à la fin de la période d'application de cet accord, d'un licenciement pour motif économique, et le cas échéant, d'un PSE. ii) Dans une telle hypothèse, pour assurer le respect des règles d'ordre public qui régissent le licenciement collectif pour motif économique, il appartient en effet à l'employeur d'élaborer, par voie d'accord ou par un document unilatéral, un PSE qui doit être homologué ou validé par l'administration, ce plan pouvant, le cas échéant, également définir les conditions et modalités de rupture des contrats de travail d'un commun accord entre l'employeur et les salariés concernés. c) Cour ayant relevé, pour juger que l'autorité administrative ne pouvait valider l'accord collectif portant RCC qui lui était soumis sans méconnaître les articles L. 1237-17 et suivants du code du travail, qu'il résultait de la note d'information transmise par l'employeur à son comité social et économique qu'il projetait de réorganiser ses activités en France et à ce titre de fermer le site de production en cause, le site devant être vendu après sa « désindustrialisation », ses activités et ses personnels devant être transférés à d'autres établissements de l'entreprise. Note mentionnant également que, dans le cas où plus de dix salariés refuseraient la modification de leur contrat de travail nécessitée par ce transfert, l'employeur envisageait de soumettre aux institutions représentatives du personnel un projet de PSE. Enfin, accord collectif portant RCC précisant qu'il s'inscrivait dans le cadre de ce même projet de transfert de l'ensemble des personnels du site litigieux. La cour en a déduit que l'employeur avait décidé la fermeture du site avant la signature de l'accord portant RCC validé par l'autorité administrative et que les salariés de ce site, dont le contrat de travail ne contenait aucune clause de mobilité susceptible d'être mise en oeuvre en vue de leur transfert vers d'autres établissements de l'entreprise, n'étaient pas en mesure d'espérer un maintien dans leur emploi à l'issue de la période d'application de l'accord. En statuant ainsi, alors même que cet accord prévoyait qu'il n'y aurait aucun licenciement pour motif économique pendant sa mise en oeuvre, la cour administrative d'appel, n'a pas commis d'erreur de droit ni apprécié la réalité du consentement de chaque salarié à la rupture de son contrat de travail dans le cadre de la mise en oeuvre de cet accord, ce qui relève, sauf pour les salariés protégés, du juge judicaire et n'a donc pas méconnu son office.


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