Base de jurisprudence


Analyse n° 465719
15 juin 2023
Conseil d'État

N° 465719
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du jeudi 15 juin 2023



15-05-11-01 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Fiscalité- Taxe sur la valeur ajoutée-

Prestations de services fournies à des assujettis, imposables en France (1 de l'art. 259 du CGI) - Redevable - Prestataire établi en France (1 de l'art. 283) - 1) Champ - Inclusion - Prestataire étranger disposant, en France, d'un établissement stable auquel ces prestations peuvent être rattachées - 2) Obligation, le cas échéant, de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège du prestataire - Absence (1) - 3) Cas où les prestations sont susceptibles d'avoir été fournies avec les mêmes moyens matériels et humains que ceux utilisés pour les recevoir (2) - Office du juge.




Il résulte du 1° de l'article 259 et des 1 et 2 de l'article 283 du code général des impôts (CGI) que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. 1) Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. 2) Dès lors que celles-ci peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire. 3) Société luxembourgeoise ayant fourni des prestations de service à deux filiales établies en France. Prestations y ayant été déclarées comme des échanges intracommunautaires en provenance du Luxembourg et fait l'objet d'une auto-liquidation par les sociétés preneuses. A la suite d'une vérification de comptabilité d'une des filiales, administration fiscale ayant estimé que la société luxembourgeoise devait être regardée comme la redevable légale de la taxe afférente à ces prestations. Société luxembourgeoise reprochant en particulier aux premiers juges de ne pas avoir recherché si les moyens humains et matériels utilisés pour fournir les prestations de services litigieuses étaient bien distincts de ceux de l'entité les recevant. Juges du fond ayant relevé que le bureau d'une superficie de 12,5 mètres carrés dont disposait la société au Luxembourg ne permettait pas à ses salariés d'y réaliser les prestations en litige, que six de ses salariés étaient déclarés en France où ils étaient domiciliés, que quatre d'entre eux étaient également salariés de sa filiale française et que les prestations litigieuses avaient été en particulier réalisées, depuis la France, par deux personnes salariées des sociétés française et luxembourgeoise. Juges du fond en ayant déduit que la société luxembourgeoise avait réalisé les prestations litigieuses par l'intermédiaire de la société française, et partant d'un établissement stable en France au sens l'article 53 du règlement d'exécution n° 282/2011 du 15 mars 2011. Les premiers juges n'ont ni donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique, ni commis d'erreur de droit, dès lors qu'il n'était ni établi ni même allégué, et qu'il ne ressortait pas davantage des pièces du dossier, que les prestations litigieuses auraient été fournies avec les mêmes moyens matériels et humains que ceux utilisés par la société française pour les recevoir.





19-01-04 : Contributions et taxes- Généralités- Amendes, pénalités, majorations-

Majoration pour découverte d'une activité occulte (art. 1728 du CGI) - Cas d'une TVA ayant été irrégulièrement soumise au régime de l'auto-liquidation - Éléments pouvant être pris en compte pour caractériser la commission d'une erreur justifiant que son redevable légal ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives (3).




Il résulte du 1 de l'article 1728 du code général des impôts (CGI) que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre État et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats. Société étrangère ayant fourni des prestations de service à deux filiales établies en France. Prestations y ayant été déclarées comme des échanges intracommunautaires en provenance du Luxembourg et fait l'objet d'une auto-liquidation par les sociétés preneuses. A la suite d'une vérification de comptabilité d'une des filiales, administration fiscale ayant estimé que la société luxembourgeoise devait être regardée comme la redevable légale de la taxe afférente à ces prestations. Vice-président d'une cour administrative d'appel ayant rejeté son appel par adoption des motifs des premiers. Société luxembourgeoise lui reprochant en particulier de ne pas avoir recherché si les moyens humains et matériels utilisés pour fournir les prestations de services litigieuses étaient bien distincts de ceux de l'entité les recevant. Société luxembourgeoise s'étant vu infliger la majoration de 80 % pour activité occulte. D'une part, cette société n'avait pas déposé dans le délai légal les déclarations fiscales qu'elle était tenue de souscrire en France, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et qu'à cet égard, l'application délibérément erronée du régime de l'auto-liquidation ne pouvait tenir lieu de déclaration. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que cette société aurait déclaré aux autorités luxembourgeoises, au titre de l'impôt sur les sociétés (IS), les revenus tirés de l'activité de son établissement en France, constitué par les installations dont elle disposait au sein de sa filiale française. Par suite, la société étrangère doit être regardée comme ayant entendu dissimuler l'activité qu'elle exerçait en France par l'intermédiaire de cet établissement stable et n'établit pas avoir commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit pas acquittée de son obligation de déclarer la TVA afférente aux prestations correspondantes.





19-06-02-01 : Contributions et taxes- Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées- Taxe sur la valeur ajoutée- Personnes et opérations taxables-

Prestations de services fournies à des assujettis, imposables en France (1 de l'art. 259 du CGI) - Redevable - Prestataire établi en France (1 de l'art. 283) - 1) Champ - Inclusion - Prestataire étranger disposant, en France, d'un établissement stable auquel ces prestations peuvent être rattachées - 2) Obligation, le cas échéant, de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège du prestataire - Absence (1) - 3) Cas où les prestations sont susceptibles d'avoir été fournies avec les mêmes moyens matériels et humains que ceux utilisés pour les recevoir (2) - Office du juge - 4) Majoration de 80 % pour découverte d'activité occulte (art. 1728 du CGI) - Éléments pouvant être pris en compte pour caractériser la commission d'une erreur justifiant que le redevable légal ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives (3).




Il résulte du 1° de l'article 259 et des 1 et 2 de l'article 283 du code général des impôts (CGI) que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. 1) Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. 2) Dès lors que celles-ci peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire. 3) 3) Société luxembourgeoise ayant fourni des prestations de service à deux filiales établies en France. Prestations y ayant été déclarées comme des échanges intracommunautaires en provenance du Luxembourg et fait l'objet d'une auto-liquidation par les sociétés preneuses. A la suite d'une vérification de comptabilité d'une des filiales, administration fiscale ayant estimé que la société luxembourgeoise devait être regardée comme la redevable légale de la taxe afférente à ces prestations. Société luxembourgeoise reprochant en particulier aux premiers juges de ne pas avoir recherché si les moyens humains et matériels utilisés pour fournir les prestations de services litigieuses étaient bien distincts de ceux de l'entité les recevant. Juges du fond ayant relevé que le bureau d'une superficie de 12,5 mètres carrés dont disposait la société au Luxembourg ne permettait pas à ses salariés d'y réaliser les prestations en litige, que six de ses salariés étaient déclarés en France où ils étaient domiciliés, que quatre d'entre eux étaient également salariés de sa filiale française et que les prestations litigieuses avaient été en particulier réalisées, depuis la France, par deux personnes salariées des sociétés française et luxembourgeoise. Juges du fond en ayant déduit que la société luxembourgeoise avait réalisé les prestations litigieuses par l'intermédiaire de la société française, et partant d'un établissement stable en France au sens l'article 53 du règlement d'exécution n° 282/2011 du 15 mars 2011. Les premiers juges n'ont ni donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique, ni commis d'erreur de droit, dès lors qu'il n'était ni établi ni même allégué, et qu'il ne ressortait pas davantage des pièces du dossier, que les prestations litigieuses auraient été fournies avec les mêmes moyens matériels et humains que ceux utilisés par la société française pour les recevoir. 4) Société luxembourgeoise s'étant vu infliger la majoration de 80 % pour découverte d'une activité occulte. D'une part, cette société n'avait pas déposé dans le délai légal les déclarations fiscales qu'elle était tenue de souscrire en France, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et qu'à cet égard, l'application délibérément erronée du régime de l'auto-liquidation ne pouvait tenir lieu de déclaration. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que cette société aurait déclaré aux autorités luxembourgeoises, au titre de l'impôt sur les sociétés, les revenus tirés de l'activité de son établissement en France, constitué par les installations dont elle disposait au sein de sa filiale française. Par suite, la société étrangère doit être regardée comme ayant entendu dissimuler l'activité qu'elle exerçait en France par l'intermédiaire de cet établissement stable et n'établit pas avoir commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit pas acquittée de son obligation de déclarer la TVA afférente aux prestations correspondantes.


(1) Cf. CE, Plénière, 11 décembre 2020, Ministère de l'économie, des finances et de la relance c\ Société Conversant International Ltd, n° 420174, p. 445. (2) Rappr., jugeant - pour écarter l'existence d'un établissement stable dans une filiale d'un autre Etat membre réalisant des prestations de services pour la mère - que les mêmes moyens ne peuvent être utilisés pour fournir et recevoir les mêmes services, CJUE, 7 avril 2022, Berlin Chemie A. Menarini SRL, aff. C-333/20, pt. 54. (3) Cf. CE, Plénière, 7 décembre 2015, Ministre c/ Société Frutas y Hortalizas Murcial SL, n° 368227, p. 423 ; CE, 27 novembre 2020, M. , n° 428898, T. pp. 680-696.