Base de jurisprudence


Analyse n° 476384
9 novembre 2023
Conseil d'État

N° 476384
Publié au recueil Lebon

Lecture du jeudi 9 novembre 2023



10-01-04-01 : Associations et fondations- Questions communes- Dissolution- Associations et groupements de fait loi du janvier -

Décret prononçant la dissolution d'une association ou d'un groupement de fait - 1) Légalité - Condition - Risques de troubles graves à l'ordre public (1) - 2) Contrôle du juge de l'excès de pouvoir - Contrôle de proportionnalité - Existence - 3) Faits de nature à justifier la dissolution - Provocation à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens (1° de l'art. L. 212-1 du CSI) - a) Notion - Portée - b) Champ - i) Exclusion - Agissements violents des membres de l'organisation - ii) Inclusion - Légitimation publique d'actes de violence - Abstention de modérer la diffusion d'incitations à les commettre - 4) Espèce - Dissolution d'un groupement écologiste ayant incité à endommager des infrastructures - a) Provocation à des agissements violents - A l'encontre des personnes - Absence - A l'encontre des biens - Existence - b) Caractère nécessaire et proportionné - Absence (2).




1) Eu égard à la gravité de l'atteinte portée par une mesure de dissolution à la liberté d'association, principe fondamental reconnu par les lois de la République, l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) est d'interprétation stricte et ne peut être mis en oeuvre que pour prévenir des troubles graves à l'ordre public. 2) La décision de dissolution d'une association ou d'un groupement de fait prise sur le fondement de l'article L. 212-1 du CSI ne peut être prononcée, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public par les agissements entrant dans le champ de cet article. 3) a) Il résulte du 1° de l'article L. 212-1 du CSI qu'une dissolution ne peut être justifiée sur leur fondement que lorsqu'une association ou un groupement, à travers ses dirigeants ou un ou plusieurs de ses membres agissant en cette qualité ou directement liés à ses activités, dans les conditions fixées à l'article L. 212-1-1 du CSI, incite des personnes, par propos ou par actes, explicitement ou implicitement, à se livrer à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens, de nature à troubler gravement l'ordre public. b) i) Si la commission d'agissements violents par des membres de l'organisation n'entre pas par elle-même dans le champ de ces dispositions, ii) le fait de légitimer publiquement des agissements violents présentant une gravité particulière, quels qu'en soient les auteurs, constitue une provocation au sens de ces mêmes dispositions. Constitue également une telle provocation le fait, pour une organisation, de s'abstenir de mettre en oeuvre les moyens de modération dont elle dispose pour réagir à la diffusion sur des services de communication au public en ligne d'incitations explicites à commettre des actes de violence. 4) Décret prononçant la dissolution du groupement de fait écologiste « Les Soulèvements de la Terre » sur le fondement du 1° de l'article L. 212-1 du CSI. Décret s'étant fondé notamment sur ce que ce groupement légitime des modes d'action violents dans le cadre de la contestation de certains projets d'aménagement et incite à la commission de dégradations matérielles, ces provocations ayant été suivies d'effet à plusieurs reprises. a) i) Groupement auquel ne peuvent être imputées des provocations explicites à la violence contre les personnes et qui ne peut être regardé comme ayant revendiqué, valorisé ou justifié publiquement de tels agissements. La circonstance que des heurts aient eu lieu avec les forces de l'ordre à l'occasion de différentes manifestations auxquelles elle participait ne constitue pas une provocation imputable au groupement au sens du 1° de l'article L. 212-1 du CSI. ii) Groupement ayant pris l'initiative de diffuser et relayé des messages incitant à porter des dommages à certaines infrastructures, et ayant légitimé publiquement de telles dégradations. La circonstance que ces prises de position participeraient d'un débat d'intérêt général sur la préservation de l'environnement et qu'elles auraient une portée « symbolique », sont, par elles-mêmes, sans incidence sur leur qualification de provocation à des agissements violents contre les biens. L'auteur du décret a pu légalement estimer que les agissements du groupement de fait « Les Soulèvements de la Terre » entraient dans le champ du 1° de l'article L. 212-1 du CSI au titre de la provocation explicite et implicite à des agissements violents contre les biens. b) La décision de dissolution d'une association ou d'un groupement de fait prise sur le fondement de l'article L. 212-1 du CSI ne peut être légalement prononcée que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public par ses agissements. Si des provocations explicites ou implicites à la violence contre les biens, au sens du 1° de l'article L. 212-1 du CSI, sont imputables au groupement de fait « Les Soulèvements de la Terre », et ont pu effectivement conduire à des dégradations matérielles, il apparaît toutefois, au regard de la portée de ces provocations, mesurée notamment par les effets réels qu'elles ont pu avoir, que la dissolution du groupement ne peut être regardée, à la date du décret attaqué, comme une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public. Annulation du décret.





49-05-13 : Police- Polices spéciales- Police des associations et groupements de fait (loi du janvier ) (voir : Associations et fondations)-

Décret prononçant la dissolution d'une association ou d'un groupement de fait - 1) Légalité - Condition - Risques de troubles graves à l'ordre public (1) - 2) Contrôle du juge de l'excès de pouvoir - Contrôle de proportionnalité - Existence - 3) Faits de nature à justifier la dissolution - Provocation à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens (1° de l'art. L. 212-1 du CSI) - a) Notion - Portée - b) Champ - i) Exclusion - Agissements violents des membres de l'organisation - ii) Inclusion - Légitimation publique d'actes de violence - Abstention de modérer la diffusion d'incitations à les commettre - 4) Espèce - Dissolution d'un groupement écologiste ayant incité à endommager des infrastructures - a) Provocation à des agissements violents - A l'encontre des personnes - Absence - A l'encontre des biens - Existence - b) Caractère nécessaire et proportionné - Absence (2).




1) Eu égard à la gravité de l'atteinte portée par une mesure de dissolution à la liberté d'association, principe fondamental reconnu par les lois de la République, l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) est d'interprétation stricte et ne peut être mis en oeuvre que pour prévenir des troubles graves à l'ordre public. 2) La décision de dissolution d'une association ou d'un groupement de fait prise sur le fondement de l'article L. 212-1 du CSI ne peut être prononcée, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public par les agissements entrant dans le champ de cet article. 3) a) Il résulte du 1° de l'article L. 212-1 du CSI qu'une dissolution ne peut être justifiée sur leur fondement que lorsqu'une association ou un groupement, à travers ses dirigeants ou un ou plusieurs de ses membres agissant en cette qualité ou directement liés à ses activités, dans les conditions fixées à l'article L. 212-1-1 du CSI, incite des personnes, par propos ou par actes, explicitement ou implicitement, à se livrer à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens, de nature à troubler gravement l'ordre public. b) i) Si la commission d'agissements violents par des membres de l'organisation n'entre pas par elle-même dans le champ de ces dispositions, ii) le fait de légitimer publiquement des agissements violents présentant une gravité particulière, quels qu'en soient les auteurs, constitue une provocation au sens de ces mêmes dispositions. Constitue également une telle provocation le fait, pour une organisation, de s'abstenir de mettre en oeuvre les moyens de modération dont elle dispose pour réagir à la diffusion sur des services de communication au public en ligne d'incitations explicites à commettre des actes de violence. 4) Décret prononçant la dissolution du groupement de fait écologiste « Les Soulèvements de la Terre » sur le fondement du 1° de l'article L. 212-1 du CSI. Décret s'étant fondé notamment sur ce que ce groupement légitime des modes d'action violents dans le cadre de la contestation de certains projets d'aménagement et incite à la commission de dégradations matérielles, ces provocations ayant été suivies d'effet à plusieurs reprises. a) i) Groupement auquel ne peuvent être imputées des provocations explicites à la violence contre les personnes et qui ne peut être regardé comme ayant revendiqué, valorisé ou justifié publiquement de tels agissements. La circonstance que des heurts aient eu lieu avec les forces de l'ordre à l'occasion de différentes manifestations auxquelles elle participait ne constitue pas une provocation imputable au groupement au sens du 1° de l'article L. 212-1 du CSI. ii) Groupement ayant pris l'initiative de diffuser et relayé des messages incitant à porter des dommages à certaines infrastructures, et ayant légitimé publiquement de telles dégradations. La circonstance que ces prises de position participeraient d'un débat d'intérêt général sur la préservation de l'environnement et qu'elles auraient une portée « symbolique », sont, par elles-mêmes, sans incidence sur leur qualification de provocation à des agissements violents contre les biens. L'auteur du décret a pu légalement estimer que les agissements du groupement de fait « Les Soulèvements de la Terre » entraient dans le champ du 1° de l'article L. 212-1 du CSI au titre de la provocation explicite et implicite à des agissements violents contre les biens. b) La décision de dissolution d'une association ou d'un groupement de fait prise sur le fondement de l'article L. 212-1 du CSI ne peut être légalement prononcée que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public par ses agissements. Si des provocations explicites ou implicites à la violence contre les biens, au sens du 1° de l'article L. 212-1 du CSI, sont imputables au groupement de fait « Les Soulèvements de la Terre », et ont pu effectivement conduire à des dégradations matérielles, il apparaît toutefois, au regard de la portée de ces provocations, mesurée notamment par les effets réels qu'elles ont pu avoir, que la dissolution du groupement ne peut être regardée, à la date du décret attaqué, comme une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public. Annulation du décret.





54-07-02-03 : Procédure- Pouvoirs et devoirs du juge- Contrôle du juge de l'excès de pouvoir- Appréciations soumises à un contrôle normal-

Décret prononçant la dissolution d'une association ou d'un groupement de fait - Contrôle de proportionnalité - Espèce - Dissolution d'un groupement écologiste ayant incité à endommager des infrastructures - Caractère nécessaire et proportionné - Absence.




Eu égard à la gravité de l'atteinte portée par une mesure de dissolution à la liberté d'association, principe fondamental reconnu par les lois de la République, l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) est d'interprétation stricte et ne peut être mis en oeuvre que pour prévenir des troubles graves à l'ordre public. La décision de dissolution d'une association ou d'un groupement de fait prise sur le fondement de l'article L. 212-1 du CSI ne peut être prononcée, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public par les agissements entrant dans le champ de cet article. Décret prononçant la dissolution du groupement de fait écologiste « Les Soulèvements de la Terre » sur le fondement du 1° de l'article L. 212-1 du CSI. Décret s'étant fondé notamment sur ce que ce groupement légitime des modes d'action violents dans le cadre de la contestation de certains projets d'aménagement et incite à la commission de dégradations matérielles, ces provocations ayant été suivies d'effet à plusieurs reprises. Groupement auquel ne peuvent être imputées des provocations explicites à la violence contre les personnes et qui ne peut être regardé comme ayant revendiqué, valorisé ou justifié publiquement de tels agissements. La circonstance que des heurts aient eu lieu avec les forces de l'ordre à l'occasion de différentes manifestations auxquelles elle participait ne constitue pas une provocation imputable au groupement au sens du 1° de l'article L. 212-1 du CSI. Groupement ayant pris l'initiative de diffuser et relayé des messages incitant à porter des dommages à certaines infrastructures, et ayant légitimé publiquement de telles dégradations. La circonstance que ces prises de position participeraient d'un débat d'intérêt général sur la préservation de l'environnement et qu'elles auraient une portée « symbolique », sont, par elles-mêmes, sans incidence sur leur qualification de provocation à des agissements violents contre les biens. Il résulte de ce qui précède que l'auteur du décret a pu légalement estimer que les agissements du groupement de fait « Les Soulèvements de la Terre » entraient dans le champ du 1° de l'article L. 212-1 du CSI au titre de la provocation explicite et implicite à des agissements violents contre les biens. La décision de dissolution d'une association ou d'un groupement de fait prise sur le fondement de l'article L. 212-1 du CSI ne peut être légalement prononcée que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public par ses agissements. Si des provocations explicites ou implicites à la violence contre les biens, au sens du 1° de l'article L. 212-1 du CSI, sont imputables au groupement de fait « Les Soulèvements de la Terre », et ont pu effectivement conduire à des dégradations matérielles, il apparaît toutefois, au regard de la portée de ces provocations, mesurée notamment par les effets réels qu'elles ont pu avoir , que la dissolution du groupement ne peut être regardée, à la date du décret attaqué, comme une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public. Annulation du décret.


(1) Rappr. Cons. const., 13 août 2021, n° 2021-823 DC, Loi confortant le respect des principes de la République, cons. 37. (2) Comp., pour une dissolution prononcée sur le fondement du 1° de l'article L. 212-1 du CSI, CE, Section, décision du même jour, M. et autres, n° 464412, à publier au Recueil ; pour des dissolutions prononcées sur le fondement du 6° de ce même article, CE, Section, décision du même jour, M. , n° 460457, à publier au Recueil ; CE, Section, décision du même jour, Association coordination contre le racisme et l'islamophobie et M. , n° s 459704 459737, à publier au Recueil.