Base de jurisprudence


Analyse n° 472284
5 février 2024
Conseil d'État

N° 472284
Publié au recueil Lebon

Lecture du lundi 5 février 2024



19-02-01-02-03 : Contributions et taxes- Règles de procédure contentieuse spéciales- Questions communes- Pouvoirs du juge fiscal- Autorité de la chose jugée-

Réserve d'interprétation assortissant l'application combinée des articles 1728 et 1741 du CGI - 1) Portée (1) - Office du juge saisi de la contestation d'une sanction pour omission déclarative infligée à un contribuable ayant fait l'objet, à raison des mêmes faits, d'une condamnation définitive pour fraude fiscale - 2) Respect - Illustration - Contribuable condamné notamment à une peine de confiscation pour un concours d'infractions de fraude fiscale - a) Sanction pour omission déclarative prononcée à raison des mêmes faits - Absence, en l'espèce - b) Sanctions de même nature - Absence.




Les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et lient aussi bien les autorités administratives que le juge pour l'application et l'interprétation de cette disposition. Il résulte des réserves d'interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti sa décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018 que lorsqu'un contribuable fait l'objet, à raison des mêmes faits, d'une part, d'une procédure de rectification pouvant conduire à l'application des sanctions pour omission déclarative prévues par le 1 de l'article 1728 et, d'autre part, de poursuites pénales sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts (CGI), qui prévoit et réprime le délit de fraude fiscale, le montant global des sanctions éventuellement prononcées au titre de ces deux procédures ne saurait, sauf à méconnaître le principe de proportionnalité des peines, excéder le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 1) Il en résulte qu'il appartient au juge de l'impôt, saisi d'une contestation relative à des sanctions fiscales infligées, en application du 1 de l'article 1728 du CGI, à un contribuable ayant par ailleurs fait l'objet, sur le fondement de l'article 1741 du même code, à raison des mêmes faits, d'une condamnation pénale devenue définitive de s'assurer, le cas échéant d'office, que le montant cumulé des sanctions de même nature prononcées à l'encontre de ce contribuable à raison de ces deux procédures n'excède pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues et, si tel est le cas, de prononcer en conséquence la réduction, dans la mesure nécessaire, ou la décharge des pénalités fiscales demeurant en litige devant lui. 2) Requérant ayant été jugé coupable de fraude fiscale pour s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt en dissimulant volontairement une part des sommes sujettes à l'impôt, concernant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les bénéfices industriels et commerciaux, et pour s'être frauduleusement soustrait à l'établissement de l'impôt en omettant volontairement de souscrire dans les délais prescrits les déclarations nécessaires à l'établissement de l'impôt sur le revenu (IR). Juridictions pénales l'ayant condamné, pour l'ensemble de ces faits, à quatre ans d'emprisonnement, dont trois ans avec sursis, cinq ans d'exclusion des marchés publics, cinq ans d'interdiction des droits civiques ainsi qu'à une peine de confiscation. Cour de cassation ayant confirmé cette condamnation, sauf en ce qui concerne l'exclusion des marchés publics. a) Le requérant a été condamné pour un concours d'infractions de fraude fiscale, notamment pour s'être soustrait frauduleusement à l'établissement et au paiement de la TVA dans le cadre de son entreprise individuelle, et non à raison des seuls faits pour lesquels les cotisations supplémentaires d'IR mises à la charge de son foyer fiscal ont été assorties de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du CGI. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait mettre à sa charge cette majoration sans méconnaître la réserve d'interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution de l'application combinée des dispositions des articles 1728 et 1741 du code général des impôts. b) Au demeurant, cette majoration revêtant une nature différente de la peine de confiscation prononcée par le juge pénal, le cumul de ces deux sanctions ne saurait méconnaître cette réserve d'interprétation.





52-035 : Pouvoirs publics et autorités indépendantes- Conseil constitutionnel-

Réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative (1) - Illustration - Réserve assortissant l'application combinée des articles 1728 et 1741 du CGI - Portée - Office du juge saisi de la contestation d'une sanction pour omission déclarative infligée à un contribuable ayant fait l'objet, à raison des mêmes faits, d'une condamnation définitive pour fraude fiscale.




Les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et lient aussi bien les autorités administratives que le juge pour l'application et l'interprétation de cette disposition. Il résulte des réserves d'interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti sa décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018 que lorsqu'un contribuable fait l'objet, à raison des mêmes faits, d'une part, d'une procédure de rectification pouvant conduire à l'application des sanctions pour omission déclarative prévues par le 1 de l'article 1728 et, d'autre part, de poursuites pénales sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts (CGI), qui prévoit et réprime le délit de fraude fiscale, le montant global des sanctions éventuellement prononcées au titre de ces deux procédures ne saurait, sauf à méconnaître le principe de proportionnalité des peines, excéder le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. Il en résulte qu'il appartient au juge de l'impôt, saisi d'une contestation relative à des sanctions fiscales infligées, en application du 1 de l'article 1728 du CGI, à un contribuable ayant par ailleurs fait l'objet, sur le fondement de l'article 1741 du même code, à raison des mêmes faits, d'une condamnation pénale devenue définitive de s'assurer, le cas échéant d'office, que le montant cumulé des sanctions de même nature prononcées à l'encontre de ce contribuable à raison de ces deux procédures n'excède pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues et, si tel est le cas, de prononcer en conséquence la réduction, dans la mesure nécessaire, ou la décharge des pénalités fiscales demeurant en litige devant lui.


(1) Cf. CE, 15 mai 2013, Commune de Gurmençon, n° 340554, T. pp. 741-782-794.