Base de jurisprudence


Analyse n° 476054
22 mars 2024
Conseil d'État

N° 476054
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du vendredi 22 mars 2024



26-055-01 : Droits civils et individuels- Convention européenne des droits de l'homme- Droits garantis par la convention-

Droits de la défense, droit à la vie privée et familiale et droit au recours effectif (art. 6, 8 et 13 conv. EDH) - Méconnaissance par le cadre juridique définissant les modalités de contrôle par la CNCTR et par le juge de la mise en oeuvre des techniques de renseignement - Absence (1).




D'une part, en vertu des articles L. 821-1 à L. 821-8 du code de la sécurité intérieure (CSI), la mise en oeuvre des techniques de renseignement, y compris, le cas échéant, leur renouvellement, est soumise à l'autorisation préalable du Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), laquelle contrôle notamment le respect du principe de proportionnalité de l'atteinte à la vie privée qu'entrainent ces techniques, en vertu de l'article L. 801-1 du code. Lorsque l'autorisation est délivrée après avis défavorable de la Commission, le Conseil d'État est immédiatement saisi et statue dans un délai de vingt-quatre heures et la décision d'autorisation du Premier ministre ne peut être exécutée avant que le Conseil d'État ait statué, sauf en cas d'urgence dûment justifiée lorsque le Premier ministre a ordonné sa mise en oeuvre immédiate. L'autorisation, qui est délivrée sur demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou des ministres chargés de l'économie, du budget ou des douanes, l'est pour une durée maximale de quatre mois. Enfin, l'article L. 822-2 du code précise les délais dans lesquels les renseignements collectés doivent être détruits. D'autre part, dans le cadre fixé par les articles L. 833-1, L. 833-4 et L. 841-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) et les articles L. 773-1, L. 773-3, L. 773-6, L. 773-7, R. 773-20 et R. 773-24 du code de justice administrative (CJA), il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du CJA, saisie de conclusions tendant à ce qu'elle s'assure qu'aucune technique de renseignement n'est irrégulièrement mise en oeuvre à l'égard du requérant, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant fait ou non l'objet d'une telle technique. Lorsqu'il apparaît soit qu'aucune technique de renseignement n'est mise en oeuvre à l'égard du requérant, soit que cette mise en oeuvre n'est entachée d'aucune illégalité, la formation de jugement informe le requérant de l'accomplissement de ces vérifications, sans indiquer si une technique de recueil de renseignement a été mise en oeuvre à son égard. Dans le cas où une technique de renseignement est mise en oeuvre dans des conditions entachées d'illégalité, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut, par ailleurs, annuler l'autorisation et ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés. En premier lieu, les techniques de renseignement prévues aux articles L. 851-1 à L. 851-7 CSI sont mises en oeuvre dans les conditions et avec les garanties rappelées ci-dessus et pour les finalités énumérées à l'article L. 811-3 du CSI, dont les dispositions doivent être combinées avec celles de l'article L. 801-1, dont il résulte que les atteintes au droit au respect de la vie privée doivent, sous l'entier contrôle de la CNCTR et du Conseil d'État, être proportionnées à l'objectif poursuivi. Les règles encadrant les données de connexion concernées, ainsi que les finalités susceptibles d'être poursuivies, qui relèvent de la défense et de la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation, ont été définies avec suffisamment de précision par le législateur. Par suite, ces dispositions législatives ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH). En deuxième lieu, les conditions dans lesquelles la CNCTR exerce sa mission de contrôle et la formation spécialisée remplit son office juridictionnel ne portent pas, contrairement à ce qui est soutenu, une atteinte excessive au caractère contradictoire de la procédure et à l'égalité des armes garantis notamment par l'article 6 de la conv. EDH. Les dérogations apportées, par les dispositions de l'article R. 773-20 du CJA et, en tout état de cause, de l'article R. 773-24 de ce code, au caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle, qui a pour seul objet de porter à la connaissance des juges des éléments couverts par le secret de la défense nationale et qui ne peuvent, dès lors, être communiqués au requérant alors même qu'il allèguerait savoir avoir fait l'objet d'une surveillance administrative, permet à la formation spécialisée, qui entend les parties, de statuer en toute connaissance de cause. Les pouvoirs dont elle est investie, pour instruire les requêtes, relever d'office toutes les illégalités qu'elle constate et enjoindre à l'administration de prendre toutes mesures utiles afin de remédier aux illégalités constatées garantissent l'effectivité du contrôle juridictionnel qu'elle exerce. Il n'en résulte, par suite, aucune méconnaissance du droit au recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la même convention, ni du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de cette convention. En troisième lieu, eu égard, d'une part, aux attributions de la CNCTR, autorité administrative indépendante à laquelle il appartient de vérifier, sous l'entier contrôle du juge, que les techniques de recueil de renseignement sont mises en oeuvre, sur le territoire national, conformément aux exigences découlant du CSI, et d'autre part, au recours effectif ouvert, dans les conditions décrites aux points précédents, devant la formation spécialisée du Conseil d'Etat, la seule circonstance que la personne concernée ne reçoit pas notification des mesures de surveillance dont elle est susceptible de faire l'objet n'est, en tout état de cause et par elle-même, pas susceptible de caractériser une méconnaissance des stipulations des articles 8 et 13 de la conv. EDH.





49-03 : Police- Étendue des pouvoirs de police-

Techniques de renseignement - Cadre juridique définissant les modalités de contrôle par la CNCTR et par le juge de la mise en oeuvre des techniques de renseignement - Méconnaissance des droits de la défense, du droit à la vie privée et familiale et du droit au recours effectif (art. 6, 8 et 13 conv. EDH) - Absence (1) (3).




D'une part, en vertu des articles L. 821-1 à L. 821-8 du code de la sécurité intérieure (CSI), la mise en oeuvre des techniques de renseignement, y compris, le cas échéant, leur renouvellement, est soumise à l'autorisation préalable du Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), laquelle contrôle notamment le respect du principe de proportionnalité de l'atteinte à la vie privée qu'entrainent ces techniques, en vertu de l'article L. 801-1 du code. Lorsque l'autorisation est délivrée après avis défavorable de la Commission, le Conseil d'État est immédiatement saisi et statue dans un délai de vingt-quatre heures et la décision d'autorisation du Premier ministre ne peut être exécutée avant que le Conseil d'État ait statué, sauf en cas d'urgence dûment justifiée lorsque le Premier ministre a ordonné sa mise en oeuvre immédiate. L'autorisation, qui est délivrée sur demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou des ministres chargés de l'économie, du budget ou des douanes, l'est pour une durée maximale de quatre mois. Enfin, l'article L. 822-2 du code précise les délais dans lesquels les renseignements collectés doivent être détruits. D'autre part, dans le cadre fixé par les articles L. 833-1, L. 833-4 et L. 841-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) et les articles L. 773-1, L. 773-3, L. 773-6, L. 773-7, R. 773-20 et R. 773-24 du code de justice administrative (CJA), il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du CJA, saisie de conclusions tendant à ce qu'elle s'assure qu'aucune technique de renseignement n'est irrégulièrement mise en oeuvre à l'égard du requérant, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant fait ou non l'objet d'une telle technique. Lorsqu'il apparaît soit qu'aucune technique de renseignement n'est mise en oeuvre à l'égard du requérant, soit que cette mise en oeuvre n'est entachée d'aucune illégalité, la formation de jugement informe le requérant de l'accomplissement de ces vérifications, sans indiquer si une technique de recueil de renseignement a été mise en oeuvre à son égard. Dans le cas où une technique de renseignement est mise en oeuvre dans des conditions entachées d'illégalité, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut, par ailleurs, annuler l'autorisation et ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés. En premier lieu, les techniques de renseignement prévues aux articles L. 851-1 à L. 851-7 CSI sont mises en oeuvre dans les conditions et avec les garanties rappelées ci-dessus et pour les finalités énumérées à l'article L. 811-3 du CSI, dont les dispositions doivent être combinées avec celles de l'article L. 801-1, dont il résulte que les atteintes au droit au respect de la vie privée doivent, sous l'entier contrôle de la CNCTR et du Conseil d'État, être proportionnées à l'objectif poursuivi. Les règles encadrant les données de connexion concernées, ainsi que les finalités susceptibles d'être poursuivies, qui relèvent de la défense et de la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation, ont été définies avec suffisamment de précision par le législateur. Par suite, ces dispositions législatives ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH). En deuxième lieu, les conditions dans lesquelles la CNCTR exerce sa mission de contrôle et la formation spécialisée remplit son office juridictionnel ne portent pas, contrairement à ce qui est soutenu, une atteinte excessive au caractère contradictoire de la procédure et à l'égalité des armes garantis notamment par l'article 6 de la conv. EDH. Les dérogations apportées, par l'article R. 773-20 du CJA et, en tout état de cause, de l'article R. 773-24 de ce code, au caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle, qui ont pour seul objet de porter à la connaissance des juges des éléments couverts par le secret de la défense nationale et qui ne peuvent, dès lors, être communiqués au requérant alors même qu'il allèguerait savoir avoir fait l'objet d'une surveillance administrative, permettent à la formation spécialisée, qui entend les parties, de statuer en toute connaissance de cause. Les pouvoirs dont elle est investie, pour instruire les requêtes, relever d'office toutes les illégalités qu'elle constate et enjoindre à l'administration de prendre toutes mesures utiles afin de remédier aux illégalités constatées garantissent l'effectivité du contrôle juridictionnel qu'elle exerce. Il n'en résulte, par suite, aucune méconnaissance du droit au recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la même convention, ni du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de cette convention. En troisième lieu, eu égard, d'une part, aux attributions de la CNCTR, autorité administrative indépendante à laquelle il appartient de vérifier, sous l'entier contrôle du juge, que les techniques de recueil de renseignement sont mises en oeuvre, sur le territoire national, conformément aux exigences découlant du CSI, et d'autre part, au recours effectif ouvert, dans les conditions décrites aux points précédents, devant la formation spécialisée du Conseil d'Etat, la seule circonstance que la personne concernée ne reçoit pas notification des mesures de surveillance dont elle est susceptible de faire l'objet n'est, en tout état de cause et par elle-même, pas susceptible de caractériser une méconnaissance des stipulations des articles 8 et 13 de la conv. EDH.





54-04-03 : Procédure- Instruction- Caractère contradictoire de la procédure-

Formation spécialisée du Conseil d'Etat - Dérogations au caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle - Méconnaissance du droit à la vie privée et familiale et du droit au recours effectif (art. 8 et 13 conv. EDH) - Absence (3).




Les dérogations apportées, par l'article R. 773-20 du code de justice administrative (CJA) et, en tout état de cause, par l'article R. 773-24 de ce code, au caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle, qui ont pour seul objet de porter à la connaissance des juges des éléments couverts par le secret de la défense nationale et qui ne peuvent, dès lors, être communiqués au requérant alors même qu'il allèguerait savoir avoir fait l'objet d'une surveillance administrative, permettent à la formation spécialisée, qui entend les parties, de statuer en toute connaissance de cause. Les pouvoirs dont elle est investie, pour instruire les requêtes, relever d'office toutes les illégalités qu'elle constate et enjoindre à l'administration de prendre toutes mesures utiles afin de remédier aux illégalités constatées garantissent l'effectivité du contrôle juridictionnel qu'elle exerce. Il n'en résulte, par suite, aucune méconnaissance du droit au recours effectif garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH), ni du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de cette convention.


(1) Rappr., s'agissant du respect du droit au respect de la vie privée, des droits de la défense et du droit à un procès équitable, Cons. const., 23 juillet 2015, n° 2015-713 DC, not. cons. 7 à 12, 48 à 49 et 83 à 87. (3) Cf., s'agissant de la dérogation au caractère contradictoire en matière de traitements automatisés de données, CE, formation spécialisée, 8 février 2017, Mme , n° 396550, T. pp. 615-704-742.