Base de jurisprudence


Analyse n° 469719
15 avril 2024
Conseil d'État

N° 469719
Publié au recueil Lebon

Lecture du lundi 15 avril 2024



37-03-05 : Juridictions administratives et judiciaires- Règles générales de procédure- Composition des juridictions-

Indépendance et impartialité - a) Notions - Portée (1) - b) Obligation de déport - Affaire mettant en cause une décision dont le magistrat est l'auteur, qui a été prise sous son autorité, à l'élaboration ou à la défense en justice de laquelle il a pris part - Existence (2) - Affaire dans laquelle il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité - Existence (3) - c) Faculté, dans tous les cas, pour le magistrat de s'abstenir de participer au jugement de l'affaire s'il estime en conscience devoir se déporter - Existence - 2) Espèce - Magistrate, ancienne cheffe du service juridique et contentieux d'un département, ayant participé au jugement d'une affaire défendue par son ancien employeur - Composition irrégulière de la formation de jugement du fait de l'absence d'impartialité de cette magistrate - Absence.




1) a) En vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger dans un Etat de droit, la justice doit être rendue par une juridiction indépendante et impartiale. Toute personne appelée à y siéger doit se prononcer en toute indépendance, à l'abri de toute pression. Sa participation au jugement d'une affaire implique qu'elle exerce cette fonction en toute impartialité, sans parti pris ni préférence à l'égard de l'une des parties. Son indépendance et celle de la juridiction dont elle est membre participent de cette exigence. Elle doit se comporter de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard. Le principe d'indépendance de la juridiction administrative, à la compétence de laquelle ressortit normalement l'annulation ou la réformation des actes administratifs et dont les décisions sont rendues au nom du peuple français, découle du principe de la séparation des pouvoirs. Les garanties qui gouvernent le statut des membres du Conseil d'Etat et des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel visent à assurer le respect de ce principe. b) Un membre de la juridiction administrative ne peut recevoir, accepter ou présupposer quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit. Il a l'obligation, sans préjudice de dispositions législatives particulières, de s'abstenir de participer au jugement d'une affaire s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. A cet égard, l'exercice, qu'il soit passé, concomitant ou envisagé dans le futur, de fonctions administratives par un membre de la juridiction administrative ne peut, par lui-même, constituer un motif de mettre en doute son impartialité. L'intéressé ne saurait en revanche participer au jugement des affaires mettant en cause les décisions administratives dont il est l'auteur, qui ont été prises sous son autorité, à l'élaboration ou à la défense en justice desquelles il a pris part. Il doit également s'abstenir de participer au jugement des autres affaires pour lesquelles, eu égard à l'ensemble des données particulières propres à chaque cas, notamment la nature des fonctions administratives exercées, l'autorité administrative en cause, le délai écoulé depuis qu'elles ont, le cas échéant, pris fin, ainsi que l'objet du litige, il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. c) S'il suppose en sa personne une telle cause de récusation, il interroge, au besoin, pour l'apprécier, le président de la formation de jugement, qui peut l'inviter à ne pas siéger. Dans tous les cas, il lui appartient de s'abstenir de participer au jugement de l'affaire s'il estime en conscience devoir se déporter, sans avoir à s'en justifier. 2) Magistrate ayant exercé vingt et un mois avant le jugement contesté les fonctions de cheffe du service juridique et contentieux d'un département et ayant participé au jugement d'une affaire auquel ce département était partie. Tout d'abord, ces fonctions antérieures ne sont pas, eu égard notamment à la circonstance que le service juridique et contentieux du département ne constitue que l'un des services de sa direction juridique, au nombre de celles qui sont mentionnées au premier alinéa de l'article L. 231-5-1 du code de justice administrative. Ensuite, la production de l'organigramme de la direction juridique auquel ce service est rattaché ne suffit pas à établir que l'intéressée a pris part, lorsqu'elle occupait ces fonctions, à la défense de l'administration dans le litige, dont les écritures présentées au nom du département en première instance l'ayant été par un avocat. Enfin, eu égard à la nature des fonctions précédemment occupées par l'intéressée, au délai écoulé depuis qu'elle les avait quittées et à l'objet du litige, de caractère individuel, qui porte sur les droits à l'allocation d'aide au retour à l'emploi d'un ancien agent contractuel du département, il n'existait pas de raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que, du fait de la participation de l'intéressée à la formation de jugement, celle-ci aurait été irrégulièrement composée, doit être écarté.





37-04-01 : Juridictions administratives et judiciaires- Magistrats et auxiliaires de la justice- Magistrats de l'ordre administratif-

Indépendance et impartialité - a) Notions - Portée (1) - b) Obligation de déport - Affaire mettant en cause une décision dont le magistrat est l'auteur, qui a été prise sous son autorité, à l'élaboration ou à la défense en justice de laquelle il a pris part - Existence (2) - Affaire dans laquelle il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité - Existence (3) - c) Faculté, dans tous les cas, pour le magistrat de s'abstenir de participer au jugement de l'affaire s'il estime en conscience devoir se déporter - Existence - 2) Espèce - Magistrate, ancienne cheffe du service juridique et contentieux d'un département, ayant participé au jugement d'une affaire défendue par son ancien employeur - Composition irrégulière de la formation de jugement du fait de l'absence d'impartialité de cette magistrate - Absence.




1) a) En vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger dans un Etat de droit, la justice doit être rendue par une juridiction indépendante et impartiale. Toute personne appelée à y siéger doit se prononcer en toute indépendance, à l'abri de toute pression. Sa participation au jugement d'une affaire implique qu'elle exerce cette fonction en toute impartialité, sans parti pris ni préférence à l'égard de l'une des parties. Son indépendance et celle de la juridiction dont elle est membre participent de cette exigence. Elle doit se comporter de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard. Le principe d'indépendance de la juridiction administrative, à la compétence de laquelle ressortit normalement l'annulation ou la réformation des actes administratifs et dont les décisions sont rendues au nom du peuple français, découle du principe de la séparation des pouvoirs. Les garanties qui gouvernent le statut des membres du Conseil d'Etat et des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel visent à assurer le respect de ce principe. b) Un membre de la juridiction administrative ne peut recevoir, accepter ou présupposer quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit. Il a l'obligation, sans préjudice de dispositions législatives particulières, de s'abstenir de participer au jugement d'une affaire s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. A cet égard, l'exercice, qu'il soit passé, concomitant ou envisagé dans le futur, de fonctions administratives par un membre de la juridiction administrative ne peut, par lui-même, constituer un motif de mettre en doute son impartialité. L'intéressé ne saurait en revanche participer au jugement des affaires mettant en cause les décisions administratives dont il est l'auteur, qui ont été prises sous son autorité, à l'élaboration ou à la défense en justice desquelles il a pris part. Il doit également s'abstenir de participer au jugement des autres affaires pour lesquelles, eu égard à l'ensemble des données particulières propres à chaque cas, notamment la nature des fonctions administratives exercées, l'autorité administrative en cause, le délai écoulé depuis qu'elles ont, le cas échéant, pris fin, ainsi que l'objet du litige, il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. c) S'il suppose en sa personne une telle cause de récusation, il interroge, au besoin, pour l'apprécier, le président de la formation de jugement, qui peut l'inviter à ne pas siéger. Dans tous les cas, il lui appartient de s'abstenir de participer au jugement de l'affaire s'il estime en conscience devoir se déporter, sans avoir à s'en justifier. 2) Magistrate ayant exercé vingt et un mois avant le jugement contesté les fonctions de cheffe du service juridique et contentieux d'un département et ayant participé au jugement d'une affaire auquel ce département était partie. Tout d'abord, ces fonctions antérieures ne sont pas, eu égard notamment à la circonstance que le service juridique et contentieux du département ne constitue que l'un des services de sa direction juridique, au nombre de celles qui sont mentionnées au premier alinéa de l'article L. 231-5-1 du code de justice administrative. Ensuite, la production de l'organigramme de la direction juridique auquel ce service est rattaché ne suffit pas à établir que l'intéressée a pris part, lorsqu'elle occupait ces fonctions, à la défense de l'administration dans le litige, dont les écritures présentées au nom du département en première instance l'ayant été par un avocat. Enfin, eu égard à la nature des fonctions précédemment occupées par l'intéressée, au délai écoulé depuis qu'elle les avait quittées et à l'objet du litige, de caractère individuel, qui porte sur les droits à l'allocation d'aide au retour à l'emploi d'un ancien agent contractuel du département, il n'existait pas de raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que, du fait de la participation de l'intéressée à la formation de jugement, celle-ci aurait été irrégulièrement composée, doit être écarté.


(1) Cf., sur les principes généraux applicables à la fonction de juger, CE, Assemblée, 6 décembre 2002, , n° 240028, p. 427 ; CE, Section, 6 décembre 2002, , n° 221319, p. 430. (2) Cf., CE, Section, 2 mars 1973, Mlle , n° 84740, p. 189. (3) Cf. sur la prise en compte de l'écoulement d'un délai suffisant depuis la fin des fonctions administratives, CE, 7 août 2008, M. , n° 278769, T. p. 785.