Base de jurisprudence


Analyse n° 491232
25 avril 2024
Conseil d'État

N° 491232
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du jeudi 25 avril 2024



335-005-01 : Étrangers- Entrée en France- Visas-

Visa d'entrée et de long séjour (procédure dite du « regroupement familial de réfugié statutaire ») - Contestation du refus de prendre des mesures permettant le traitement dans un délai raisonnable par les postes consulaires des demandes des familles de réfugiés soudanais (1) - Refus illégal compte tenu des circonstances exceptionnelles qui caractérisent la situation actuelle au Soudan.




La situation au Soudan, marquée par une grande instabilité depuis 2003, s'est notablement aggravée au printemps 2023 en raison en particulier d'un nouveau conflit armé entre l'armée soudanaise et les Forces de soutien rapide, qui s'étend dans de nombreuses régions du pays. Cette situation a conduit les autorités françaises à fermer, le 24 avril 2023, l'ambassade de France à Khartoum. Pour remédier aux difficultés résultant de cette fermeture, ainsi que le permet l'article 1er du décret n° 2008-1176 du 13 novembre 2008, les demandes de visas de réunification familiale émanant des ressortissants soudanais, qui peuvent être présentées par courrier électronique ou par la voie d'internet, peuvent être déposées dans des postes consulaires en dehors du Soudan et que ces postes consulaires sont tenus d'enregistrer et d'instruire les demandes sans que puisse leur être opposée l'irrégularité du séjour du demandeur dans le pays de dépôt de la demande. En outre, les demandes en cours de traitement à Khartoum ont été transférées, pour y être traitées, dans les postes voisins. En raison de l'insécurité et des affrontements dans une grande partie du Soudan comme de la situation des différents pays de la région et des décisions prises par les autorités de ces Etats, dont il n'appartient pas au Conseil d'Etat de connaître, les membres des familles des réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire soudanais en France peuvent faire face à d'importantes difficultés pour se rendre dans un poste consulaire français afin d'y déposer leur dossier et sont conduites à devoir déposer leurs demandes dans les postes consulaires français de pays voisins. Ces difficultés ne résultent pas du fonctionnement des services consulaires français et, eu égard aux impératifs d'authentification et de sécurité qui s'imposent pour la délivrance des visas, les ministres ont pu légalement retenir que la présentation personnelle des demandeurs aux postes consulaires dans le cadre de l'instruction des demandes de visas demeurait nécessaire. Toutefois, dans les circonstances exceptionnelles qui caractérisent la situation actuelle au Soudan, il ne ressort pas des pièces du dossier que les ministres aient, à la date de la présente décision, pris l'ensemble des mesures à leur disposition pour faciliter et accélérer l'instruction des demandes de visas présentées par les membres de la famille des réfugiés soudanais afin qu'il puisse y être répondu dans un délai raisonnable, notamment en accordant une priorité au traitement de ces demandes, en aménageant le dispositif de prise de rendez-vous dans les postes consulaires ou en procédant aux vérifications d'identité et de sécurité non au stade initial du dépôt de la demande mais au cours de l'instruction de celle-ci. Annulation du refus des ministres de l'intérieur et des affaires étrangères de prendre les mesures d'organisation nécessaires à l'instruction des demandes de réunification familiale introduites par les membres de famille de réfugiés soudanais. Injonction sans astreinte de prendre dans un délai de trois mois les mesures, qu'il leur appartient de déterminer, permettant l'instruction et le traitement, dans un délai raisonnable, des demandes de visas des membres soudanais des familles de réfugiés ou de bénéficiaires de la protection subsidiaire en France.


(1) Cf., sur le cadre juridique de la contestation d'un tel refus, CE, 9 juin 2022, M. et autres, n° 455754, p. 167.