Base de jurisprudence


Analyse n° 498453
1 octobre 2025
Conseil d'État

N° 498453
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 1 octobre 2025



54-07-01-03-04 : Procédure- Pouvoirs et devoirs du juge- Questions générales- Conclusions- Demande tendant à la détermination d'une politique publique

Refus de prendre toutes mesures utiles afin de faire cesser la méconnaissance de l'interdiction de la vente ou de l'offre gratuite aux mineurs des produits du tabac et du vapotage, ainsi que certains ingrédients (1) - 1) Demande tendant à la détermination d'une politique publique - Absence (2) - 2) Manquement de l'administration à l'obligation qui lui incombe - a) Office du juge - Prise en compte de ce qui être raisonnablement attendu des mesures prises ou engagées par l'administration - b) Espèce - Absence.




Association demandant au gouvernement de prendre toutes mesures utiles afin de faire cesser la méconnaissance de l'interdiction de la vente ou de l'offre gratuite aux mineurs des produits du tabac et du vapotage, ainsi que certains ingrédients. 1) En vue de lutter, pour des motifs de protection de la santé, contre la consommation de tabac, plusieurs dispositions ont, depuis la loi n° 2003-715 du 31 juillet 2003 ayant cet objet, spécifiquement visé à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes, notamment par l'interdiction de vente de tabac aux mineurs. Les articles L. 3512-12 et L. 3513-5 du code de la santé publique (CSP) interdisent ainsi, respectivement, de vendre ou d'offrir gratuitement, dans les débits de tabac et tous commerces ou lieux publics, des produits du tabac ou des produits du vapotage à des mineurs de dix-huit ans et les articles L. 3512-12 et L. 3513-5 du même code autorisent à cette fin les personnes qui délivrent des produits du tabac et du vapotage à exiger de leurs clients qu'ils établissent la preuve de leur majorité, la méconnaissance de ces interdictions étant sanctionnée, en vertu des articles R. 3515-5 et R. 3515 6 de ce code, par l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Par suite, les conclusions de l'association requérante tendant à ce que soit annulé le refus implicite, par le Premier ministre et les autres ministres saisis, de prendre toutes mesures utiles aux fins de garantir le respect de l'interdiction de la vente aux mineurs des produits du tabac et du vapotage, notamment en renforçant le contrôle des débitants de tabac et les sanctions qui peuvent leur être infligées, en assurant la publicité de ces sanctions et en sensibilisant, sur la question de la vente aux mineurs, l'ensemble des acteurs chargés du contrôle des débitants de tabac, ne peuvent être regardées comme tendant à ce que le juge administratif se substitue aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique. 2) Etudes et enquêtes établissant que les interdictions rappelées ci-dessus sont, actuellement, très insuffisamment respectées, que près de la moitié des élèves fumeurs scolarisés en classe de troisième disent avoir déjà acheté un paquet de cigarettes chez un buraliste et que plus des trois quarts des jeunes âgés de dix-sept ans citent le plus fréquemment l'achat dans un bureau de tabac comme mode d'approvisionnement et que plus de la moitié des débitants de produits de tabac accepteraient encore de vendre du tabac aux mineurs. Pouvoirs publics ayant engagé, eu égard notamment au « programme national de lutte contre le tabac 2023-2027 » et à la stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives engagée sur les années 2023 à 2027, un effort conséquent pour informer et sensibiliser les débitants de tabac à la mise en oeuvre et au respect de l'interdiction de vente, de nouvelles mesures étant prises, pour la période en cours et les années à venir, afin de renforcer les contrôles et les sanctions à l'encontre des débitants de tabac et des vendeurs de produits du vapotage. Au regard de la portée de l'obligation qui incombe à l'administration, consistant à faire respecter par les débitants de tabac une interdiction qui pèse sur ces derniers, des difficultés inhérentes à l'exercice de cette mission et notamment la difficulté particulière que présente le contrôle du respect de l'interdiction de vente aux mineurs, dont la méconnaissance ne peut être constatée que de manière flagrante, ainsi qu'au vu de tout ce qui, à la date de la décision, peut être raisonnablement attendu du récent renforcement des mesures déjà prises et de l'ensemble des actions qui commencent à être engagées, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision soit établie, au vu des moyens dont dispose l'administration, une méconnaissance caractérisée des missions dont elle a la charge en matière de vente des produits du tabac et du vapotage aux mineurs.


(1) Cf., sur l'office du juge saisi d'un recours en carence structurelle de l'administration, CE, Assemblée, 11 octobre 2023, Amnesty International France et autres, n° 454836, p. 279 ; CE, Assemblée, 11 octobre 2023, Ligue des droits de l'homme et autre et Syndicat de la magistrature et autre, n°s 467771 467781, p. 306. (2) Comp. CE, décision du même jour, Union fédérale des consommateurs - Que Choisir, n° 489511, à publier au Recueil.